Maintenant que j’aborde avec une fierté non dissimulée le deuxième volume des « Etoiles filantes », je me sens l’envie de vous proposer une nouvelle rubrique. En effet, pour en arriver à la page 462, j’ai fouillé des tonnes d’archives et vu des milliers de films afin de retracer ces destins parfois éblouissants parfois funestes, mais qui toujours avaient laissé une petite trace fugace dans l’histoire du cinéma. Une larme, un sourire, un charme, un regret.
Mais il en est sur qui je n’ai absolument rien trouvé de patent, rien qui me permette d’étoffer un article digne de ce nom. Et pourtant ces mystérieuses des écrans furent parfois de très grandes stars, et qui l’eût cru, tournèrent des tonnes de films pour les plus grands metteurs en scène de leur temps et face à des partenaires non moins prestigieux. Tel est la cas de l’incroyablement fantastique Dominique Davray.
Car que sait-on de Dominique Davray?
Qu’elle naquit Marie-Louise Gournay par un frileux matin du 27 Janvier 1919, dans le sixième arrondissement d’un Paris libéré depuis seulement trois mois. L’évènement ne sera guère relayé, les parents de Marie Louise n’étaient guère célèbres et Paris était le siège de la grande conférence de la Paix qui avait débuté seulement huit jours avant et qui allait s’éterniser jusqu’au mois d’Août de l’année suivante. Une guerre c’est triste quand ca commence et c’est compliqué quand ca s’achève!
Notre Marie-Louise se maria le 15 Décembre 1938 à un certain Lucien Létot. Elle était née après une guerre, elle se mariait avant la suivante.
A l’époque notre héroïne est déjà une aspirante à la gloire mais elle devra attendre l’occupation pour débuter enfin au cinéma dans un court rôle que lui confie le cinéaste-marquis Jacques de Baroncelli dans l’ombre d’une très altière Edwige Feuillère en duchesse de Langeais.
Balzac, marquis et duchesse, que de beau monde!
Monsieur Létot n’apprécia-il pas d’être l’époux d’une actrice, je l’ignore, mais toujours est-il que le couple divorça, guerre ou pas, le 5 Juillet 1943.
Marie-Louise devenue Dominique ne se remarierait pas, dorénavant elle aurait mieux à faire! Elle allait devenir un de ces seconds rôles dont le cinéma Français eut longtemps le secret et dont il ne pouvait guère se passer.
Dominique Davray dut malgré tout attendre l’avènement de la décennie suivante pour enfin se faire une place au soleil des sunlight français.
Elle enchaîne en 1950 « Ma Pomme » avec Maurice Chevalier et Sophie Desmarets qui est comme on le sait la bru de Jacques de Baroncelli et « Le Passe-Muraille » face à Bourvil. Deux films qui resteront des fleurons du cinéma des années 50 et dont la popularité perdure aujourd’hui.
En 1952, elle ajoute à sa déjà prestigieuse couronne d’actrice un chef d’oeuvre absolu qui connut pourtant un échec retentissant à sa sortie, un comble pour un des plus beaux films jamais tournés au monde; Elle est la bonne copine de Simone Signoret, alias « Casque d’Or » dans le chef d’oeuvre de Jacques Becker.
En deux ans, Dominique Davray s’affiche dans trois films piliers du patrimoine filmé français. Et ce n’est, qui l’aurait cru,qu’un début.
Sa gouaille et son autorité font mouche et elle fait de chacune des répliques qu’on lui confie un petit régal d’humour. Sa corpulence de rondelette l’éloigne des rôles de grande duchesses et de douairières revêches, mais elle n’est jamais aussi sensationnelle qu’en patronne de bistrot ou en maquerelle de maison close. Inutile donc de préciser qu’elle ne sera jamais à l’écran la tendre amoureuse de Gérard Philippe, mais mettez-la donc face à Jean Gabin, à Louis de Funès et surtout face à Bernard Blier et vous saurez ce qu’être « actrice » veut dire!
Dominique Davray est non seulement sensationnelle, elle est à couper le souffle. Même si son personnage dans un film ne justifie qu’un seul jour de travail, peu importe elle sera excellente et surtout, elle aura cette particularité de ne jamais se contenter de venir faire « son numero » comme le font d’autres seconds rôles tels que Pauline Carton ou Jean Lefèbvre.
Non. Dominique fait partie intégrante de l’action, elle n’est pas une »guest » et elle ne joue pas dans « Mélodie en sous sol » comme dans « Les Bons Vivants ». Elle est une actrice, pas une curiosité et une attraction encore moins!
Les plus grands réalisateurs ne s’y trompent pas. Jean Delannoy la fait tourner autant que Michèle Morgan et elle sera solicitée par Anatole Litvak, Josuha Logan et Alfred Hitchcock soi-même! Chapeau bas, madame Davray!
La liste des metteurs en scène qui ont fait appel à son talent est aussi éclectique que prestigieuse puisque s’ajoutent aux noms déjà cités ceux de Gérard Oury, Jean-Paul Le Chanois, André Cayatte, Henri-Georges Clouzot, Pierre Granier-Deferre, Agnès Varda, Marcel Carné, Julien Duvivier, George Lautner, Henri Verneuil, Jean-Claude Brialy et tant d’autres.
Et vous aussi qui lisez ces lignes, vous connaissez et aimez Dominique Davray, souvenez-vous de ceci: « Qu’est-ce que vous avez dit? Vous savez très bien ce que vous avez dit! Vous avez dit : »Elle est forte celle-là! » Soyez correct! Soyez correct! » Et oui, bien entendu, c’est Dominique Davray la « religieuse un peu forte » des Gendarmes qui terrorise Louis de Funès.
Elle sera d’ailleurs son épouse hilare dans « Le Tatoué »
Et le temps passant, de nouveaux cinéastes feront appel à elle. C’est Dominique encore qui ouvre le bal dans « Les Valseuses » de Bertrand Blier. Souvenez-vous de la séquence d’ouverture du film où une grosse dame portant des gâteaux est poursuivie par Depardieu poussant Dewaere assis dans un caddy de supermarché en l’appelant Ursula! C’était bien là Dominique.
C’est Robert Hossein qui le dernier aura la chance de la faire travailler dans ses « Misérables » en 1982.
Dominique se retire alors et décède fort discrètement 16 ans plus tard, le 16 Août 1998 à Paris. Elle avait 79 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1942: La Duchesse de Langeais: Avec Edwige Feuillère.
1948: Le Diable Boiteux: Avec Sacha Guitry et Lana Marconi
1948: Le Secret de Monte Cristo: Avec Madeleine Lebeau, Pierre Brasseur et Marcelle Derrien
1950: Ma Pomme: Avec Maurice Chevalier et Sophie Desmarets
1950: Le Passe-Muraille: Avec Bourvil et Joan Greenwood
1951: Identité Judiciaire: Avec Odette Barencey, Jean Debucourt, Dora Doll et Danielle Godet
1952: Casque d’Or: Avec Simone Signoret
1954: Touchez pas au Grisbi: Avec Jean Gabin
1954: La Rage au Corps: Avec Françoise Arnoul et Philippe Lemaire
1954: Papa, Maman, la Bonne et Moi: Avec Gaby Morlay, Robert Lamoureux et Nicole Courcel
1955: La Main au Collet: Avec Grace Kelly et Cary Grant
1955: Méfiez-vous Fillettes: Avec Antonella Lualdi et Robert Hossein
1955: Pas de souris dans le business: Avec Geneviève Kervine, Howard Vernon et Dora Doll
1956: Marie-Antoinette, Reine de France: Avec Michèle Morgan
1957: Méfiez-Vous Fillettes: Avec Antonella Lualdi et Robert Hossein
1957: Les Espions: Avec Curd Jurgens et Vera Clouzot
1958: Maigret Tend un Piège: Avec Annie Girardot et Jean Gabin
1958: Prisons de femmes: Avec Danièle Delorme
1959: Guinguette: Avec Zizi Jeanmmaire, Jean-Claude Pascal et Paul Meurisse
1960: La Main Chaude: Avec Macha Méril, Jacques Charrier et Franca Betoja
1961: Par Dessus le Mur: Avec Silvia Monfort
1961: Fanny: Avec Leslie Caron et Maurice Chevalier
1962: Cartouche: Avec Claudia Cardinale et Jean-Paul Belmondo
1962: Le Bateau d’Emile: Avec Annie Girardot et Pierre Brasseur
1962: Cléo de 5 à 7: Avec Corinne Marchand
1962: Comment réussir en amour: Avec Dany Saval et Jean Poiret
1963: Du Mouron pour les Petits Oiseaux: Avec Dany Saval, Suzy Delair et Paul Meurisse
1963: Mélodie en Sous-Sol: Avec Jean Gabin
1963: Les Tontons Flingueurs: Avec Lino Ventura et Bernard Blier
1964: Coplan prend des Risques: Avec Virna Lisi et Dominique Paturel
1965: La Tête du Client: Avec Sophie Desmarets, Jean Poiret et Michel Serrault
1965: Cent Briques et des Tuiles: Avec Marie Laforêt et Jean-Claude Brialy
1965: Piège pour Cendrillon: Avec Dany Carrel et Madeleine Robinson
1965: Les Bons Vivants: Avec Bernard Blier
1965: Paris au Mois d’Août: Avec Leslie Caron et Alain Delon
1967: Les Grandes Vacances: Avec Louis de Funès
1968: Le Tatoué: Avec Louis de Funès
1968: Le Gendarme se Marie: Avec Louis de Funès
1968: A Flea in her Ear (la puce à l’Oreille): Avec Rachel Roberts, Rex Harrisson et Louis Jourdan
1972: Eglantine: Avec Valentine Tessier et Odile Versois
1973: Les Volets Clos: Avec Marie Bell, Catherine Rouvel et Jacques Charrier
1974: Les Valseuses: Avec Gérard Depardieu et Patrick Dewaere
1976: Calmos: Avec Marthe Villalonga et Dominique Lavanant
1976: L’Aile ou la Cuisse: Avec Louis de Funès et Coluche
1976: Le Trouble Fesses: Avec Bernadette Lafont, Anicée Alvina et Michel Galabru
1976: Le Chasseur de chez Maxim’s: Avec Marie Hélène Breillat et Michel Galabru
1977: Le Gang: Avec Alain Delon
1979: Nous Maigrirons Ensemble: Avec Catherine Alric et Peter Ustinov.
1982: Les Misérables: Avec Lino Ventura, Jean Carmet et Evelyn Bouix.
Eh bien ! Pour un article qui ne s’annonçait pas « digne de ce nom »… quel hommage ! Et amplement mérité. Dominique Davray a toujours été pour moi un « pilier » du cinéma français. Je suis heureuse de constater que je ne suis pas un cas isolé. Merci !
Merci pour ce bel enthousiasme envers notre chère Dominique!
Merci pour cet espace rendant hommage à Dominique Davray, cousine à ma grand-mère. Je ne l’ai croisée qu’une fois, enfant, mais quel tempérament, quelle originalité (je me souviendrai toujours de sa salle de bain peinte en noir !). Une actrice éclatante qui recadre De Funès dans ses répliques, chapeau bas !
maryamdambach.com
Grand merci pour cet hommage bien mérité….à notre chère Dominique
La rediffusion de « Touchez pas au grisbi » sur Arte m’a donné l’envie et l’occasion de m’intéresser aux fabuleux seconds rôles du cinéma français et c’est un bonheur de trouver un site comme le vôtre, parler de Dominique Davray. J’ignorais son nom, vous m’avez permis de mettre un patronyme sur le visage de l’une des actrices les plus incroyable du cinéma d’après guerre.
Bonjour,
Il y a des noms que l’on connaît et des visages dont on a du mal à mettre un nom dessus. Et finalement, ce nom connu va avec ce visage également connu. Pour ma part, j’avais depuis longtemps mis un nom sur le visage de Dominique Davray. C’est plutôt au sujet du nom connu répondant à celui de Jacques Hilling que j’ai enfin identifié cet acteur au visage connu, participant, comme Dominique Davray, à de très nombreux films du cinéma français d’après-guerre jusqu’aux années 70.
Petite rectification au sujet du « générique » de « Paris au mois d’août » de Pierre Granier-Deferre. Si Dominique Davray apparaît dans ce film devenu invisible, ce n’est pas dans celui-ci que l’on trouve Alain Delon et Leslie Caron. Ces derniers partagent des scènes dans la première partie du film « Paris brûle-t-il ? » de René Clément (1966-67).
Cordialement
Mais oui bien sûr! Où ais-je la tête, parfois!!!
merci cher ami!
Celine
On se souviendra aussi d elle pour son rôle mémorable de madame Mado des : Tontons flingueurs du regretté Georges Lautner .
Bin oui cher ami, mais comme le film ets listé dans la filmographie, pourquoi le redire?
Cette filmographie omet le seul rôle dramatique de Dominique Davray, dans « L’Espagnol », le téléfilm en deux parties réalisé par Jean Prat en 1967 d’après le roman Bernard Clavel. Elle y campe une agricultrice pyrénéenne accueillant un réfugié républicain espagnol comme ouvrier saisonnier pendant la Guerre d’Espagne. Elle est merveilleuse d’authenticité et de gravité dans ce rôle antinomique par excellence. Le DVD est disponible sur le site de l’INA.
C’était quelques mois avant sa performance mémorable dans « Le tatoué » : « Ben yes, yes, darling…! »
http://fr.wikipedia.org/wiki/L'Espagnol
http://www.ina.fr/video/MAN1697715596/dvd-l-espagnol-video.html
Bonjour Laurent,
Je ne relève pas les téléfilms dans les filmographies mais merci de cette intéressante information
Celine
Bonsoir, je lis avec intérêt ce bel hommage à Dominique Davray.
Je me souviens très bien d’elle dans le feuilleton « L’esprit de famille ». Véronique Delbourg rend visite à sa tante sur l’île de Bréhat. Dominique incarne avec tendresse cette tante pleine de conseils chaleureux.
J’ai su par François Nocher que Annie Sinigalia l’avait accompagnée jusqu’à la mort dans le dénuement le plus total.
Et malheureusement Dominique Davray, faute de moyens et de famille, a été enterrée dans la fosse commune.
Merci Fabrice pour ce témoignage.
Celine
bonjour , Merci pour cet hommage à mme Dominique Davray qui fut une très bonne comédienne du cinéma français . Je lis qu ‘elle est hinumée au cimetière de pantin ,pourriez vous m’ndiquer la division ,j’irais lui porter une petite plante pour l’a remercié du bonheur qu’elle nous a apporté ,merci à vous .
Bonjour ami, je n’ai pas plus d’infos mais ils se feront un plaisir de te renseigner au cimetière je présume. Celine
MAGNIFIQUE ACTRICE charismatique je l’avais adoré dans « mélodie en sous-sol » de VERNEUIL 1963 elle m’avait marqué ah là là elle me manque
Merci pour ce magnifique travail de recherches qui permet de faire revivre le temps d’un instant ces actrices qui nous ont fait rêver.
Une petite remarque Dominique Davray née le 27 janvier 1919 dans un Paris « libéré » depuis trois mois, jamais durant le premier conflit mondial (1914/1918),les allemands n’ont mis un pied à Paris !
Vous confondez avec la période de l’occupation 1940/1945.Libération de Paris Août 1944.
Cordialement
Je ne confonds rien les Allemands ont bloqué Paris durant la première guerre mondiale rendant l’approvisionnement plutôt rare et faisant tonner ses canons à ses portes. Paris a été bombardé en 1918. Ne plus vivre sous la menace c’est aussi une libération. je n’ai jamais dit qu’ils avaient défilé au pas de l’oie dans la capitale française
magnifique Dominique Davray . l ‘inoubliable madame Mado des tontons flingueurs ! merci pour ce bel hommage
elle est enterrée division 153 au cimetière de pantin juste à coté d ‘un ami
Bonjour, connaissez-vous les causes de son décès ? merci
non je les ignore
0549097402
Que du bonheur et combien de souvenirs émus
Vive le cinéma !! (Français)
Didier