agostina belli

Agostina Belli fut bien plus qu’une jolie fille facilement dévêtue dans « Playboy », bien plus qu’une actrice, bien plus qu’un sex symbol. Elle fut le flamboyant étendard d’une Italie subitement libérée de tous les tabous et de toutes les conventions de bienséance catholique. (du moins dans les apparences mais c’est déjà ça!) Et même si en Italie comme ailleurs la libération sexuelle ne fut qu’un feu de paille avant que ne reviennent les carcans bourgeois et religieux, elle y fut flamboyante, vive et gaie!

Le cinéma français allait avec la déferlante érotique déclenchée par Sylvia Kristel continuer à intellectualiser ce sujet là comme les autres en faisant de la question « érotisme ou pornographie » un nouveau sujet essentiel de philosophie de comptoir ou de débats télévisés. Ce qui revient au même sans les bières. En Italie, le sexe serait certes libéré, mais il serait polisson, grivois et sans malice. Le sexe allait faire rire et les plus grands noms du septième art allaient se mettre à la tâche et faire de quelques jeunes beautés transalpines les reines d’un nouveau cinéma dont Agostina Belli et Laura Antonelli seraient les déesses!

Agostina Maria Magnoni naît le 13 Avril 1947 dans une famille pauvre de Milan. Son père Domenico est un modeste artisan. Sa mère Adèle tient ce qu’il serait convenu d’appeler une « pension de famille » fort modeste Via Copernico aux vieux trams bringuebalants et où se rabat la fumée des trains les jours de grand vent. La future Agostina Belli a une soeur, Armida, et les deux gamines grandissent à la va comme je te pousse. Elles sont le pendant italien des « titis de Paris », jouant dans les rues avec leur bande de copains du quartier et la morve au nez! Agostina a tout pour une enfance heureuse. Jolie, des parents qui l’adorent qui la gâtent tant qu’ils peuvent. Pourtant elle est une enfant sombre. Un caractère impossible alimenté par une liste interminable de complexes.

Agostina Belli

Lorsqu’Agostina a treize ans ses parents se séparent et sa terreur est de devoir rester avec sa mère, femme aimante mais autoritaire à la taloche facile alors qu’elle vénère littéralement son papa. Agostina sera confiée à son père avec qui elle restera toujours étroitement liée. Sa mère connaîtra un bien triste sort car elle mourra assassinée dans sa pension de famille et son crime restera non élucidé. Après la mort de sa maman, Agostina s’en voudra de n’avoir pas aimé sa mère comme elle le méritait. Ni superstitieuse ni croyante elle n’a pas peur de la mort et n’a pas besoin de dieu. Lorsque dans la très catholique Italie on s’en étonne, elle répond « Mon dieu, c’est ma mère ».

Agostina suit des cours de secrétariat. Le saint graal des fille de familles pauvres qui ne pouvaient guère espérer mieux. Elle trouva un emploi dans un grand magasin de Milan qu’elle quitta au bout de trois mois après une claque aux fesses qu’un tempérament forgé aux jeux des rues ne lui permettait pas de tolérer. Elle se retrouva trimballant des encyclopédies de porte en porte. Personne n’en voulait et elles pesaient un âne mort. Mais au moins il n’y avait personne pour la surveiller ni lui tâter les fesses. Toujours à l’affût d’opportunités qui pourraient la sortir de son train train quotidien, la jeune fille qui se rêve un jour riche et célèbre se présente avec sa seule bonne mine comme recommandation au directeur de production d’un film qui se prépare à Milan.

Le cerveau gavé d’articles lus dans des revues de cinéma, elle déclare avec une fausse modestie mais la vraie candeur de ses 20 ans qu’elle pourra se contenter de petits rôles ou même de figurations dans un premier temps! Lorsqu’on lui demande si elle a des photos, elle tend celle qu’elle a prise dans un photomaton sur son chemin. L’éclat de rire qui accueillit la photo résonnera dans ses oreilles toute sa vie. Elle était si mortifiée qu’on lui donna malgré tout quelques bons conseils. Comme de faire des photos professionnelles. Carlo Lizzani, le réalisateur du film, bien conscient de la beauté exceptionnelle qui se tenait devant lui, rouge comme une pivoine, lui confia quand même un minuscule rôle dans « Banditi a Milano ». Elle y serait prise en otage par Gian Maria Volonte et croisera Margaret Lee et Carla Gravina. Bien sûr le rôle était si minuscule qu’il ne risquait pas de provoquer un tsunami d’enthousiasme chez une foule de fans en délire. A peine la voyait-on. Elle devra retourner à ses encyclopédies. Mais cette pauvre petite expérience lui avait fait découvrir de nouveaux horizons. Elle allait devenir une actrice. Elle était belle, elle serait riche et célèbre.

Agostina-Belli

Au début des années 70, à force de travail et d’acharnement elle obtient enfin quelques rôles dignes de ce nom. Mais celle qui est devenue Agostina Belli n’en a pas fini avec les heures sombres. A l’heure où sa maman perd la vie dans les abominables circonstances que l’on sait, Agostina est elle-même clouée sur un lit d’hôpital après un violent accident de voiture. Elle a été renversée par un chauffard. Elle restera hospitalisée tout un an.

Un tueur en série, « Le monstre de Milan » va poignarder sept jeunes femmes. La maman d’Agostina meurt sous ses coups, chez elle, le 16 février 1970. le « Monstre de Milan » ne sera jamais ni identifié ni arrêté. L’enquête sera arrêtée au bout de quelques mois. Agostina cherchera alors seule le « Monstre de Milan ». Après l’empoisonnement de son chien, le sabotage de sa voiture et des menaces de mort au téléphone « Laisse tomber si tu ne veux pas finir comme ta mère », c’est la police qui conseille à l’actrice de « Foutre la paix au tueur et de s’acheter une arme ». Pourtant elle avait réussi à prouver que le vol n’était pas le mobile. Que le criminel avait été reçu comme un ami et faire le lien entre sa mère et deux autres victimes.

Nous sommes en 1974. Agostina se le tient pour dit. Elle abandonne ses recherches et passe son port d’arme.

Au cinéma, elle avait attendu 1972 pour enfin afficher son nom au générique d’un film de prestige puisqu’elle est une des victimes du Barbe Bleue incarné par Richard Burton. Ce qui fait d’elle l’égale d’une Raquel Welch ou d’une Virna Lisi. Elle devient célèbre, elle est à la mode. Il était temps, elle a 25 ans! Mais dorénavant, les rôles d’Agostina Belli seront des premiers rôles! En 1974 elle est la star de six films et elle a commencé l’année précédente une longue liaison avec l’acteur norvégien Fred Robsham avec qui elle sera liée durant plus de quinze ans. Cette liaison fait d’elle une partie plus intégrante encore du tout cinéma italien puisque sa belle-sœur Margaret a été l’épouse d’Ugo Tognazzi. Cette liaison pourtant finira mal. Fred Robsham sera incarcéré pour trafic de stupéfiants et sortira de prison en ayant contracté le virus du sida.

Mais en attendant ce triste épilogue, Agostina va vivre un véritable conte de fées.

Elle devient une véritable vedette en Italie. Tant pis si bon nombre de ses films n’ont pas franchi les frontières. Elle a obtenu la reconnaissance de son talent avec « Mimi Métallo » avant qu’elle n’entre dans le gloire absolue en étant la partenaire d’un Vittorio Gassman en était de grâce dans « Parfum de Femme ». Le chef d’oeuvre de Dino Risi est un triomphe critique et public, une des pièces majeures de la décennie et de toute l’histoire du cinéma italien. Agostina devient une star de premier plan! Elle enchaîne avec  »Il Convient de Bien Faire l’amour » de Festa Campanile qui lui fait connaître un nouveau triomphe avant « Telephoni Bianchi » où elle incarne une star du cinéma mussolinien pour…Dino Risi qui lui offre comme partenaires Maurizio Arena, Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman. Fidèle du cinéma de Dino Risi, égérie de Festa Campanile qui a fait d’elle la reine de la comédie érotique italienne, la renommée d’Agostina Belli a franchi, enfin, allègrement les frontières. Elle tourne beaucoup en France. Ne donne-elle pas la réplique à Yves Montand et à Claude Brasseur? On la réclame aussi à Hollywood! Ne donne-elle pas la réplique à Kirk Douglas, Richard Burton et Fred Astaire?

agostina belli

 

Avec l’argent de la gloire, Agostina s’est offert une villa somptueuse avec un parc immense qui s’en va mourir en pente douce dans les eaux du lac de Bracciano. Peu friande de dolce Vita, elle vit en jeans et n’aime rien tant que de regarder ses moutons vivre paisiblement dans son parc  . Avec son mari elle a découvert ce qu’était le froid, le vrai, dans l’hiver norvégien. Fred Robsham a construit de ses mains un voilier magnifique, ça lui a pris trois ans.  Ils ont navigué du grand nord à l’Irlande avant de regagner les côtes italiennes. Agostina sera à jamais amoureuse de la mer. De ses beautés comme de ses violences. Une tempête avait failli les envoyer par le fond au large de l’île de Man.

Après les années 70 viendront les années 80 qui débutent avec une Agostina Belli au sommet du box office international. Mais une décennie n’est pas l’autre! les premiers « yuppies », plus branchés sur les cours de la bourse que sur la gaudriole des films de Festa Campanile se passionnent désormais pour de nouvelles icônes telles Gabrielle Lazure ou Clio Goldsmith. Le cinéma hollywoodien d’action envahit les écrans. Stallone et Schwarzenegger sont les nouveaux rois du box office. Le cinéma Italien entre en agonie après  ses trente glorieuses. Agostina approche mine de rien de la quarantaine. Elle se rhabille, tourne moins, le genre de films où elle avait tant brillé tombe en complète désuétude et ils sont souvent devenus introuvables aujourd’hui. Si ce n’était la gloire éternelle de « Parfum de Femme », sans doute aurait-on oublié aussi, la fabuleuse Agostina Belli.

Dès 1989 on ne la vit plus qu’à la télévision puis elle disparut aussi des petits écrans après avoir déserté les grands. Aujourd’hui Agostina Belli a plus de soixante dix ans mais en paraît trente de moins. Sans pour autant afficher les dérives bistouristes et autre botoxiennes qui sont souvent le lot des beautés cinématographiques vieillissantes.

En 2008 elle était de nouveau à l’affiche d’une production italienne, mais ce n’était hélas qu’un amical baroud d’honneur semble-il.

Agostina Belli, comme Laura Antonelli a avoué sa crainte face au temps qui passe. Mais si elle a fui le cinéma c’est avant tout le manque de qualité et l’absence totale de créativité qui lui a fait déclarer forfait. « Si le cinéma revient, alors je reviendrai aussi » déclarait-elle avant de prendre une retraite quasi totale en 1996. Agostina s’est retirée dans sa villa sur les bords du lac Bracciano à seulement 30 kms de Rome. Elle vit paisible avec une foule d’animaux et son cher papa qui aujourd’hui d’un âge vénérable ne l’a jamais quittée.

Personnellement, j’avoue aimer Agostina Belli non seulement pour l’actrice dont le talent comique m’a toujours enchantée mais pour le symbole de toute cette époque qu’elle représente. Une époque où l’amour n’était plus puni, ou l’on croyait avoir vaincu le sexisme et les extrémismes religieux. Les maladies sexuellement transmissibles, les politiciens véreux et le pouvoir de l’argent. Une époque où le cinéma Italien était encore un des plus beaux du monde.

Aujourd’hui un demi siècle s’est écoulé depuis la mort tragique de la mère d’Agostina. De nouvelles méthodes d’investigation ont vu le jour et elle a entrepris une collaboration avec des enquêteurs et des criminologues, bien décidée à connaître enfin la vérité sur la mort de sa maman.

Celine Colassin

agostina belli

QUE VOIR?

1968: Banditi à Milano: Avec Margaret Lee, Carla Gravina et Gian Maria Volonte

1969: Il Terribile Ispettore: Avec Paolo Villaggio

1970: Cran d’arrêt: Avec Marianne Comtell, Bruno Cemer et Renaud Verley

1970: Angeli senza Paradiso: Avec Romina Power et Albano

1970:Formula 1: Nell ‘Inferno del Grand Prix : Avec Olga Schoberova

1971: The Fith Cord: Avec Franco Nero et Silvia Monti

1972: Mimì Metallurgico ferito nell’onore: Avec Mariangela Melato et Giancarlo Gianinni

1972: Barbe Bleue: Avec Richard Burton

1973: Quando l’amore è sensualità: Avec Gianni Macchia et Ewa Aulin

1973: Baciamo le mani: Avec Arthur Kennedy

1974: Virilità: Avec Marc Porel et Turri Fero

1974: Parfum de Femme: Avec Vittorio Gassman et Alessandro Momo

1975: Il Convient de Bien Faire L’amour: Avec Gigi Projetti et Eleonora Girogi

1975: Le Jeu avec le Feu: Avec Anicée Alvina, Sylvia Kristel, Jean-Louis Trintignant et Philippe Noiret

1976: Le Grand Escogriffe: Avec Yves Montand et Claude Brasseur

1976: Telefoni Bianchi: Avec Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi et Maurizio Arena

1977: Doppio Delitto: Avec Marcello Mastroianni, Ursula Andress et Peter Ustinov

1977: Holocaust 2000: Avec Kirk Douglas

1977: Un Taxi Mauve: Avec Charlotte Rampling, Philippe Noiret, Fred Astaire et Peter Ustinov

1982: Vai Avanti tu Che Mi vien da Ridere: Avec Lino Banfi

1982: La Guerilléra: Avec Jean-Pierre Cassel et Victoria Abril

1984: Torna: Avec Mario Merola

1987: Soldati – 365 all’alba: Avec Claudio Amendola

1989: Happy End: Avec Dragan Nikolic et Jamie Rose

2008: Amore che vieni, amore che vai: Avec Fausto Paravidino

 

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