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La postérité, cette chose étrange et fantasque entre toutes ne garda pas en mémoire le souvenir d’Alice Cocéa. Elle fut pourtant le reflet parisien de toute une époque. Celle où la « parisienne » était le nec le plus ultra de la féminité. Les années 30.

Sophie Alice Cocéa qui sera l’archétype de la parisienne frivole, piquante et bien habillée naît pourtant dans les Carpates le 28 Juillet 1899 à Sinaia. La petite Sophie grandit dans une famille distinguée. Et puisqu’elle a très tôt émis le souhait d’être une nouvelle Sarah Bernhardt, on lui offrira ce qui se fait de plus cher et de plus luxueux en formation artistique. Les plus grandes tragédiennes Roumaines et autres divas de l’opéra sont sommées d’éduquer l’enfant prodige, à prix d’or il va de soi.

Pour d’obscures raisons, madame Cocéa et ses deux filles, Sophie et Floricia gagnent Paris alors que leur père, général d’armée reste en Roumanie.

alice cocea

Le cinéma Français, bien que nous soyons encore avant la guerre 14-18 a déjà une solide réputation. La petite Sophie qui éradique ce premier prénom détesté pour le second plus « claquant » apparaît sur les écrans français. Ravissante bambine aux boucles d’or, véritable Shirley Temple locale que l’on croit Française puisque le cinéma muet ne peut nous transmettre ses « R » roulées à la Popesco. Les dames Cocéa sont des personnes bien comme il faut mais que la petite fasse du cinéma n’est pas mal perçu. La France est la partie des artistes, n’est-il pas?

Alice grandit presque devant les caméras malgré la tourmente guerrière qui secoue le monde et elle offre la fraîcheur de ses dix-huit ans aux « poilus » énamourés en 1917 dans « Le Délai » de Jacques de Baroncelli. Une star est née, mais une star qui n’est pas plus enthousiaste que ça pour un cinéma qui se tait. Alice aime chanter, danser, dire des textes. Se taire et mimer ne l’amuse pas. Elle se tourne vers le théâtre et très vite vers l’opérette où non seulement elle s’amuse comme une folle mais où elle est particulièrement efficace. Bientôt Mistinguett et Yvonne Printemps devront la considérer comme une très sérieuse rivale. Alice devient d’ailleurs la partenaire préférée de Maurice Chevalier.

La star  Alice Cocéa ne va plus quitter le haut de l’affiche et des potins mondains durant toutes les années 30. Elle est une des plus importantes figures du tout Paris. On ne parle que de son penthouse art déco semé de peaux d’ours polaires sur fond de laque blanche, miroirs et soie vert tilleul.

alice cocea

L’émoi sera à son comble lorsqu’un richissime fiancé, Victor Point se suicide en 1932, lassé de voir la date de leur mariage repoussée sans cesse depuis 3 ans pour cause de liaisons adultères de sa chère promise. Avant ce macabre épisode, elle s’était mariée en 1926 au Comte Stanislas de la Rochefoucauld, Duc de Bisaccia, mais le mariage s’était terminé par un divorce en 1931

La belle Alice, divinisée par Paris ne consentira à se montrer au cinéma que lorsque celui-ci se sera décidé à parler de manière intelligible.

Elle va alors être la vedette 24 carats de nombreuses comédies musicales où elle peut à son aise gazouiller et exposer sa luxueuse garde-robe Maggy Rouff qui ne jure que par elle. Elle sera la partenaire pour des débuts au « cinéma parlant » d’Albert Préjean dans « Marions-nous » en 1931. Le succès est bien sûr au rendez-vous. Un film avec Alice Cocéa est un film de prestige avec des chansons (souvent) et des belles robes (toujours).

alice cocéa

A l’heure du second conflit mondial, Alice Cocéa ne sait pas trop quelle attitude adopter. Après tout n’est elle pas fille de général Roumain et les Roumains ne sont-ils pas en guerre avec les Russes? Hitler n’est-il pas l’ennemi du bolchévisme? C’est très compliqué.

De plus Alice s’est remariée à un certain Roger Capgras bien qu’elle ait juré se retirer dans un couvent pour expier sa négligence à la mort de Victor Point. Or, ce monsieur Capgras va devenir un des fascistes les plus notoires de l’occupation. Paris aimerait que ses belles, Mireille Balin, Arletty, Corinne Luchaire et Alice Cocéa ne soient pas si aimables avec l’occupant. Mais Alice rétorque d’un haussement d’épaules couvertes de plumes d’autruche: « Je peux décemment décliner une invitation de l’ambassade d’Allemagne, mais six ou sept, non! »

Elle ne décline pas non plus la proposition qui lui est faite de reprendre la direction d’un théâtre parisien, le théâtre des Ambassadeurs dont le directeur est porté absent pour cause de juiverie en camp de concentration!

Paris libéré demandera des comptes à Alice Cocéa qui couverte de renards argentés fut libérée en dix minutes!

alice cocea

La guerre terminée, Alice Cocéa qui a maintenant 46 ans ne retrouve pas la place qui était la sienne et se retire de la vie publique. Ou presque. La toujours très belle Alice peut maintenant qu’elle en a fini avec le cinéma, s’adonner à son autre passion qu’elle exerce avec talent: la peinture. En Novembre 1965, le vernissage de sa première exposition fit courir le tout Paris malgré un mois de Novembre glacial, et comme toujours avec Alice, ce fut un triomphe artistique, mondain et…financier!

alice cocea

Elle avait participé à quelques grands moments de la vie théâtrale et avait entre autres crée « Les Parents Terribles » de Cocteau avec Jean Marais. Cocteau avait écrit la pièce pour ramener sa grande amie Yvonne de Bray à la scène. Yvonne vivait sur une péniche, affichait ouvertement sa vie maritale avec l’athlète olympique Violette Morris et accessoirement n’avait plus dessaoulé depuis l’armistice de 1918. Cocteau un peu dépassé, n’avait pas hésité à confier la mise en scène de la pièce à Alice. Le 14 Novembre 1938 c’est la grande première devant un « Tout Paris » subjugué. Yvonne, incapable de réfréner ses démons est remplacée par Gabrielle Dorziat. Mais c’en est trop pour la municipalité qui fait interdire la pièce. Elle ferait paraît-il « L’apologie des mœurs dissolues et des pires dépravations jusqu’à glorifier l’inceste, la prostitution et le proxénétisme »!  La pièce est reprise en 1941 mais là c’est l’occupant teuton qui s’ébouriffe et la fait interdire.

Alice-Cocea

Alice Cocéa publie ses mémoires en 1958.

En 1961 elle revient au théâtre. Elle joue « Douce Annabelle » à l’Ambigu avec Brigitte Auber. La presse, émue de retrouver « Celle que le cinéma accapara dès ses premiers mots » la trouve étourdissante de justesse et pour ainsi dire inchangée. Ce à quoi Alice répond « Oh, voyons, je joue une de ces adorables vieilles choses avec face à main! ». Elle tourne pour Vadim en 1964 et décède le 2 Juillet 1970 à Boulogne Billancourt avant de fêter ses 71 ans.

Celine Colassin

alice cocea

QUE VOIR?

1930: Mon Gosse de Père: Avec Adolphe Menjou

1931: Marions-Nous: Avec Fernand Gravey, Marguerite Moreno et Jacqueline Delubac

1934: Le Greluchon Délicat: avec Harry Baur.

1964: La Ronde: Avec Jane Fonda et Jean-Claude Brialy

 

 

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