Si lorsqu’on évoque les plus GRANDES stars du cinéma vous êtes automatiquement citée, Si lorsqu’on évoque les plus BELLES stars du cinéma votre nom revient, si vous avez eu un prix d’interprétation au festival de Cannes et si lorsque vous rédigez vos mémoires vous écrivez à propos du film qui vous a valu ce prix »Dans ce film je n’étais rien c’est l’autre actrice qui était fabuleuse, pas moi. Moi je n’ai fait que l’admirer. Ce film est son film, pas le mien » Il peut être intéressant de se pencher sur cette « autre » actrice.
Celle qui parle ainsi c’est Michèle Morgan, le film c’est « La Symphonie Pastorale », l’autre actrice c’est Andrée Clément. La tragique et très regrettée Andrée Clément.
Andrée Louise Boyer naît le 7 Août 1918 à Marseille et on ne sait à peu près rien d’autre des origines et des jeunes années de celle qui deviendra célèbre sous le patronyme d’Andrée Clément. On sait que sa passion pour le jeu d’acteur lui vint lorsqu’elle organisait des spectacles pour les scouts dont la cheftaine qu’elle était avait la charge.
Les vacances terminées, elle gagnera Paris et suivra de très sérieuses études d’art dramatique.
C’est un de ses professeurs qui va la remarquer en premier, et non des moindres: Monsieur Louis Jouvet en personne! Mais Jouvet n’est pas le seul à la remarquer. Jean-Louis Barrault et Charles Dullin, deux autre de ses professeurs sont subjugués par cette étrange fille aux deux longues nattes qui lui encadrent le visage en dépit de toutes les modes et lui balaient le creux des genoux. Dullin en parlera même à son amie Simone de Beauvoir qui a son tour sera fascinée par cette étrange jeune fille et son amoureux des jeunes années. Un autre aspirant comédien que mademoiselle de Beauvoir trouve étrange lui aussi, un jeune comédien qui ne veut pas utiliser son prénom « Jacques » pour n’être que Dufilho.
Les amours de jeunesse ne dureront pas et Andrée Clément ne saura jamais la fascination qu’elle a exercée sur Simone de Beauvoir.
Elle débute au cinéma en 1943 mais alors la jeune première est déjà veuve de guerre. Son mari est tombé au front dès les premiers jours de l’offensive et l’a laissée seule avec une petite fille. La jeune veuve ne joue d’ailleurs pas les jeunes écervelées folichonnes au cinéma. Elle apparaît généralement les cheveux tirés en un sévère chignon tressé, l’air guilleret d’une grille de couvent mais avec une telle présence et une telle force noire qu’à côté d’elle une Maria Casarès a l’air d’une écuyère de cirque!
Andrée Clément tourne peu mais tourne de manière inoubliable.
On mettra sur le compte de sa situation de veuve avec un enfant à charge le fait qu’elle répugne à se mêler à la vie trépidante du « Tout Paris ». Andrée Clément est aux boîtes de nuit ce qu’un virus est à la parfumerie!
Mais la réalité est moins simple: déjà brisée dans le coeur, Andrée Clément l’est dans le corps.
Elle souffre de tuberculose et la maladie exige d’elle de longs séjours loin du tumulte et de l’air vicié de la capitale. C’est presque un miracle si elle accepte de recevoir « Cinémonde » dans son appartement parisien en 1947. Pour les reporters elle joue les fofolles sur son balcon dominant la Seine. Elle accepte même de dénouer ses longs cheveux noirs qui lui tombent jusqu’aux genoux, chose insensée en cette époque de « nuques dégagées ».
Mais la maladie aura raison de la fabuleuse Andrée Clément.
Après avoir été pour Jean Gabin une secrétaire aussi fidèle que revêche et aussi dévouée que grande gueule dans « La Vierge du Rhin » en 1953, Andrée Clément s’éteint le 31 Mai 1954. Elle avait 36 ans.
Elle avait la pudeur de sa maladie, et lorsqu’on la questionnait sur ses longues absences des écrans, elle répondait crânement: « Depuis mes débuts, on ne me propose que des choses graves, alors que je suis l’exact opposé de ces personnages. Je veux être gaie, jouer la fantaisie mais on ne pense pas à moi pour celà, alors, c’est vrai, j’ai songé à abandonner le cinéma. »
Or, elle se mourait.
Heureusement pour nous, cinéphiles que nous sommes, ses beaux films lui ont survécu et joignons-nous à Michèle Morgan pour cet hommage tant mérité à cette éphémère très grande dame du cinéma français.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1945: La Symphonie Pastorale: Elle est l’inoubliable Piette entre Michèle Morgan et Jean Desailly
1946: Macadam: Avec Paul Meurisse, Simone Signoret et Françoise Rosay dont Andrée est la fille.
1946: La Fille du Diable: Avec Pierre Fresnay et Fernand Ledoux.
1947: Bethsabée: Avec Danielle Darrieux, Paul Meurisse et Georges Marchal
1948: Une Grande Fille Toute Simple: Avec Madeleine Sologne, Raymond Rouleau et Jean Desailly
1950: La Soif des Hommes: Avec Dany Robin et Georges Marchal
1952: Destinées: Avec Michèle Morgan
1953: La Vierge du Rhin: Avec Jean Gabin et Elina Labourdette
PS: Vous trouverez d’autres informations sur Andrée la sublime sur www.cineartistes.com
Et merci à Michèle Morgan pour « Avec ces Yeux-là », peut-être l’autobiographie la plus sincère du cinéma.