Carole Mathews a un parcours assez atypique qu’elle ne doit probablement qu’à son caractère bien trempé.
Celle qui sera souvent créditées au générique de ses films comme « La blonde » ou « la serveuse » ou « la fille » naît à Montgomery dans l’Illinois le 13 Septembre 1920 sous le patronyme de Jean Deifel, elle a en outre deux frères et une soeur dont elle est la cadette. Ses parents divorcent assez vite après sa naissance et confient la petite dernière à sa grand’mère. La petite fille grandit sagement. Trop aux yeux de cette grand’mère nourrie aux idéaux de suffragette! Elle aimerait que sa petite Jean s’amuse un peu, profite de la vie comme toutes les jeunes filles de son âge. Mais celle-ci ne se plaît qu’à la messe et rêve de devenir nonne depuis sa plus tendre enfance!
Dès qu’elle a atteint l’âge requis, la jeune Jean entre au couvent Saint François à Milwaukee. La grand’mère désespérée à l’idée de sa petite fille confite en dévotions derrière ces hauts murs, coupée du monde va tout faire pour la « sortir de là ». Et entre autres stratagèmes proposer les photos de la jeune fille aux concours de beauté qui font partie intégrante de la culture Américaine de l’époque et ont une toute autre importance qu’aujourd’hui.
Jean abandonnera donc le voile de novice pour une couronne de Miss.
Comme il convient à tout prix de beauté, Jean reçoit quelques propositions. Elle fait ses débuts de mannequin et a son propre programme matinal à la radio . Devenue Jeanne Francis, elle passe un test des plus concluants pour la MGM et dans la foulée épouse l’écrivain Arthur John Stockton rencontré à la radio. Lequel conçoit le mariage comme le fondement d’une famille. Il souhaite une épouse qui l’attend dans leur maison de Chicago au lieu de poireauter, lui, dans une loge en attendant que madame ait fini de minauder devant les caméras.
la MGM laisse tomber sans discuter, nous sommes en 1939.
En 1942, le couple Stockton n’est pas aussi idyllique que prévu et la jeune mariée frustrée tente à nouveau sa chance. C’est la Columbia cette fois qui la prend sous contrat. Mais la jeune femme qui imaginait un patron de studio comme un personnage de Fitzgerald se trouve face à Harry Cohn qui a plus l’air de sortir d’un « porno trash » et tente de culbuter cette ex novice divorcée d’un écrivain sur le divan de son bureau. Autant dire qu’elle lui vouera une haine plus que tenace toute sa vie, Ce qui était d’ailleurs tout à fait réciproque!
L’attrait Hollywoodien s’est considérablement émoussé après le passage dans le bureau de Cohn et la malchance va continuer. Alors que le contrat est signé pour son premier film, elle est remplacée à la demande expresse d’Humphrey Bogart au profit de Lauren Bacall. Celle qui est devenue Carole Mathews ne fera pas tourner la tête de Bogey dans « En Avoir ou pas » et c’est la chance de sa vie qui lui passe sous le nez.
La jeune recrue disparaît aux tréfonds des génériques des films où on la croise parfois comme dans « Chaînes du Destin » en 1949 dans l’ombre de Barbara Stanwyck. Au début des années 50, elle tente sa chance à Broadway mais son passage sur les planches ne semble pas avoir laissé un souvenir inoubliable au public.
Carole Mathews après quinze ans de vains efforts pour intégrer le cercle doré des stars Hollywoodiennes passe à autre chose. C’est, très étrangement cette deuxième carrière qui va lui ouvrir les portes d’Hollywood en grand et lui permettre de fréquenter de nombreuses célébrités d’égale à égaux, de pouvoir croiser Clark Gable au restaurant et de lui lancer un « Salut Clarkounet » comme s’ils avaient grandi ensemble!
Elle ouvre à New-York le « Bar de la Musique » et l’endroit devient vite un « hit » de la vie mondaine et nocturne. Carole Mathews devient la Regine Américaine. Reine de la nuit, reine des « Place to Be », elle aura bientôt des parts dans le célébrissime Cirio’s avant d’en avoir au Mocambo! Femme d’affaires très avisée, elle investit ses bénéfices plutôt rutilants dans un ranch et ouvre à Hollywood une agence de voyages. Les studios ne savent rapidement plus s’en passer pour ventiler leurs précieuses vedettes aux quatre coins du monde dans des conditions optimales de confort et de discrétion.
Jolie revanche pour la « Fille blonde » des fins de génériques! Carole Mathews, bon pied bon oeil jusqu’à un âge fort avancé comptait toujours ses joyeux bénéfices au milieu de tous ses chers animaux dans son ranch de la Réséda Valley.
Elle s’est éteinte paisiblement dans le sommeil de sa 94ème année le 6 novembre 2014.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1944: She’s a Sweetheart: Avec Jane Frazee, Nina Foch et Larry Parks
1945:I Love a Mystery: Avec Nina Foch et Jim Bannon
1948: The Accused: Avec Loretta Young, Robert Cummings et Wendell Corey.
1949: No Man of Her Own : avec Barbara Stanwyck et John Lund
1953: Meet me at the Fair (Le Joyeux Charlatan) avec Diana Lynn et Dan Dailey
1953: City of Bad Men: Avec Jeanne Crain et Dale Robertson
1958: The Strange Awakening: Avec Lex Barker et Lisa Gastoni
1961:Look in Any Window: Avec Ruth Roman et Paul Anka
1962: Tender is the Night: Avec Jennifer Jones, Joan Fontaine, Jill St John et Jason Robarts