Si la belle Catherine Rouvel était née un peu plus tôt et ailleurs,, elle aurait pu devenir une Jane Russell pour le cinéma américain. Mais cette beauté solaire et pulpeuse est née à Marseille, le 31 Août 1939 sous le patronyme officiel de Catherine Vitale. Pour Hollywood c’est un peu loin et…Un peu tard.
La petite marseillaise se rêvait danseuse et finit par apprendre l’art dramatique et faire partie d’une troupe locale. Celle du « Théâtre Quotidien » dont elle est un des membres fondateurs comme la très belle et très blonde Marie-France Boyer. En 1956 elle fera une première brève incursion au cinéma. A peine une figuration, celle d’une candidate au titre de « Miss Flots Bleus » dans un « véhicule » destiné à faire reluire encore un peu plus le blason d’une des plus grandes stars mondiales de l’époque: Fernandel. Fernandel qui après Raimu a fait de l’accent marseillais un des ressorts comiques les plus prisés du cinéma populaire français. Mais « Honoré de Marseille » ne fut pas pour Catherine Vitale le tremplin vers la gloire filmée. Elle se dépêcha de retourner à son cher théâtre où elle était mieux servie grâce à Racine ou Molière que dans le cinéma plutôt laborieux de Maurice Récamey plus occupé sur le film à se dépatouiller avec le technicolor qu’à diriger ses acteurs.
Catherine avait tourné pour Récamey en 1956. Elle avait probablement oublié elle-même cette courte expérience lorsqu’elle débarque à Paris en 1958. La jeune marseillaise songe à y progresser encore en tant que comédienne de théâtre. Elle ne s’imagine pas un seul instant que son arrivée dans la capitale va l’entraîner dans un tourbillon de folie et changer son destin d’actrice et de femme pour toujours et en seulement quelques semaines! Très vite, la jeune élève de la rue Blanche qu’elle est devenue rencontre celui qui restera son mari pour la vie, Serge Rouveyre, un professeur de lettres de dix-huit ans son aîné et futur père de son fils qui naît en 1960.
Très vite aussi elle rencontre Jean Renoir complètement fasciné par sa beauté qui lui évoque furieusement les toiles de son père Auguste. C’est lui qui propose à Catherine de changer de nom pour devenir Rouvel et accessoirement un grand rôle dans le film qu’il prépare: « Le déjeuner sur l’herbe ». Elle devient donc « Nénette », face à Paul Meurisse. Une Nénette bien peu attirée par les messieurs. Rôle qui attirera d’emblée sur elle l’attention du milieu homosexuel parisien dont elle deviendra au fil du temps, non pas une icône comme Dietrich ou Mae West mais une sorte de référence bienveillante comme l’est Catherine Lachens. Le reste de la presse la salue comme « Le nouveau modèle de Renoir ».
Ainsi, dès son arrivée à Paris, la belle marseillaise avait tout pour devenir une star de première grandeur. Un physique ravageur, découverte par Renoir, récupérée par Chabrol, elle n’allait jamais décevoir.
Son talent valant bien largement sa beauté et son métier de comédienne est déjà très affûté. On parle quand même d’une actrice qui va partager trois fois l’affiche avec la star numero un incontestée du cinéma français à savoir Michèle Morgan et être par deux fois la partenaire de Jacques Brel, d’Alain Delon et de Jean-Paul Belmondo, franchement, qui peut en dire autant?
Mais alors me direz-vous, pourquoi la starification de Catherine Rouvel n’atteignit pas les sommets de ses prestigieux partenaires?
A un journaliste qui lui disait « Vous étiez élève à la rue Blanche lorsque vous avez rencontré Renoir qui vous a offert votre premier grand rôle » elle rectifia: « Mon SEUL grand rôle! Douze films et vingt pièces plus tard j’attend toujours le second! » Toujours égale à elle-même, elle allait répondre à un autre journaliste qui lui demandait si elle était fière de voir son nom en haut de l’affiche « Fière? Non, pourquoi fière? Peut-être que je me suis habituée, ou que je trouve ca normal après dix-huit ans de métier. En tout cas ca prouve que j’existe, c’est déjà ça! »
Il y a plusieurs raisons qui influent les destinées de l’actrice. Tout d’abord, et dès ses débuts, Catherine Rouvel fut très sollicitée par la télévision et y trouva matière à de nombreux succès populaires et toute une fournée de rôles très intéressants. Mais ce qui nous paraît comme allant de soi aujourd’hui n’en allait pas de même a l’aube des années 60. La télévision est encore le parent pauvre du cinéma. Ceux qui s’y adonnent sont implicitement considérés comme « ceux qui ne réussissent pas au grand écran et se consolent à vil prix sur le petit ». Ce sera un véritable scandale lorsque Michèle Morgan et Simone Signoret s’y produiront. Il y a alors un réel clivage entre les deux médias et il faut bien le dire, Catherine sera bien plus présente à la télévision qu’au cinéma.
Ensuite encore, la nouvelle vague va bientôt dicter sa loi et si Chabrol a fait appel à l’actrice, on la voit quand même beaucoup dans des productions populaires et donc honnies par ces messieurs mal pensants. Et enfin, la mode est aussi en pleine révolution et si Catherine Rouvel a débuté alors que Marilyn Monroe était le nec le plus ultra de la féminité, on va bientôt adorer les silhouettes longilignes de Twiggy ou de Françoise Hardy et les courbes voluptueuses de la belle Catherine ne sont « plus dans le coup ». ELLE et VOGUE lui ferment leurs pages. Catherine Rouvel est plutôt de celles qui font les délices de LUI avec un numero « bleu blanc rouge » resté mémorable. LUI, le magazine de l’homme moderne qui se soucie peu des avis de Mary Quant! Questionnée sur les raisons qui l’avaient poussée à se montrer nue elle répondait: « Maintenant tout le monde sait que je suis bien faite, ça va limiter la concurrence! Et puis tout le monde le fait, si je ne l’avais pas fait aussi je serais passée pour une coincée ou une mal foutue! »
Catherine avait d’ailleurs abondamment régalé le spectateur de sa pulpeuse plastique. Dans « La Rupture » de Claude Chabrol avec Jean-Pierre Cassel. Elle était nue pratiquement d’un bout à l’autre du film. « Normal, je jouais une fille qui ne sortait pas de chez elle, et quelle femme traîne à la maison en tailleur Chanel?« Elle avait tourné « Les Menteuses », un film sans grand intérêt ni ambitions et avait eu la surprise d’entendre que le titre était »équivoque ». On aurait pu penser à un film léger voire pornographique. Catherine était déjà tellement à cheval sur ce qui se disait d’elle que c’est Jean Yanne sur le tournage de » Chobizenesse » qui le lui fit remarquer. Ca lui avait complètement échappé. Sa réponse fut on ne peut plus laconique « Ah bon? » Finalement le film poursuivra sa carrière sous le titre de »Les Grands Moyens ». A l’époque un journalise (encore un) lui demande: Vous avez posé et tourné nue, ca ne choque pas votre fils? Et Catherine de répondre: « Pourquoi serait-il choqué? Il me voit à poil tous les jours à la maison! »
En un mot comme en cent, son éclectisme professionnel lui porte préjudice dans cette époque de clivages et d’étiquettes. Sa silhouette n’est pas tendance et pour conclure, Catherine Rouvel ne se retrouve jamais dans les potins « people » dont elle se fiche comme d’une guigne, laissant la place à Brigitte Bardot ou Johnny Hallyday. Elle préfère tirer un épais rideau de discrétion sur sa vie privée lorsque le spectacle est terminé.
Le temps passant, Catherine Rouvel reste une actrice célèbre, mais on la voit avec une telle régularité à la télévision que parfois le public se s’étonne de la croiser dans un film! Elle fait désormais dans l’esprit du public français partie de cette catégorie de comédiennes telles Martine Sarcey, Geneviève Fontanel ou Catherine Allégret que l’on considère comme des stars télévisées. Tant pis si on oublie un peu vite que Catherine Rouvel a joué pour Renoir, Chabrol, Deray, Duvivier, Deville, Carné, Annaud ou encore Jean Yanne et l’excellente Jeanne Labrune.
Le public préfère se souvenir avec délices de ses rencontres avec Navarro, Maigret ou les Rois maudits. Et il n’y a certes pas là de quoi rougir ou avoir des regrets. Catherine Rouvel peut à juste titre être fière d’une belle carrière éclectique menée avec rigueur et discrétion dans un univers professionnel qui en manque tant.
En 2019 elle se coltinait le capitaine Marleau Et je suis sûre que quelques belles surprises sont encore à venir!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1956: Honoré de Marseille: Avec Fernandel
1959: Le Déjeuner sur l’Herbe: Avec Paul Meurisse
1964: Les Amoureux du France: Avec Marie-France Pisier et Olivier Despax
1963: Le Roi du Village: avec Henri Tisot
1963: Chair de Poule: Avec Robert Hossein et Jean Sorel
1963: Landru: Avec Charles Denner
1964: Les Pas Perdus: Avec Jean-Louis Trintignant et Michèle Morgan
1968: Benjamin ou les Mémoires d’un Puceau: Avec Michèle Morgan, Catherine Deneuve et Pierre Clémenti
1969: Mr Freedom: Avec Delphine Seyrig et Donald Pleasance
1970: Borsalino: Avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo
1970: Mont Dragon: Avec Françoise Prévost et Jacques Brel
1970: La Rupture: Avec Jean-Pierre Cassel
1971: Le Soldat Laforêt: Avec Roger Van Hool et Francisco Rabal
1971: Les Assassins de l’Ordre: Avec Jacques Brel et Michael Lonsdale
1971: La Cavale: Avec Juliet Berto et Jean-Claude Bouillon.
1973: Ah! Si Mon Moine Voulait: Avec Jean-Marie Proslier
1973: Les Volets Clos: Avec Marie Bell, Jacques Charrier et Lucienne Bogaert
1974: Borsalino and Co: Avec Alain Delon
1974: The Marseille Contract: Avec Michael Caine, Alexandra Stewart, Anthony Quinn et James Mason
1975: Les Grands Moyens: Avec Hélène Dieudonné et Roger Carel
1975: Chobizenesse: Avec Jean Yanne
1976: Noirs et Blancs en Couleurs: Avec Jean Carmet et Jacques Dufilho
1978: Les Grands Moyens: Avec Hélène Dieudonné et Roger Carel
1980: Tendres Cousines: Avec Thierry Tévini et Evelyne Dandry
1985: Louise…L’Insoumise: Avec Roland Bertin et Marie Christine Barrault
1986: Fuegos: Avec Angela Molina
1987: Le Solitaire: Avec Jean-Paul Belmondo
1988: De Sable et de Sang: Avec Sami Frey et Clémentine Célarié
1992: Les Mamies: Avec Danielle Darrieux et Sophie Desmarets
1995: Elisa: Avec Vanessa Paradis et Gérard Depardieu
2001: Va Savoir: Avec Jeanne Balibar
2011: Beau Rivage: Avec Françoise Arnoul, Daniel Duval et Chiara Caselli
2011: En Enkel till Antibes: Avec Rebecca Fergusson