La vie et la carrière de la très allurale Constance Cummings sont pour le moins paradoxales.
Fille d’un avocat et d’une chanteuse d’opéra, elle naît à Seattle le 15 Mai 1910 sous le patronyme de Constance Halverstadt. Cette jeune demoiselle bien née n’aura jamais de goût pour les déclarations tapageuses faites à la presse ni même pour les départements publicité des studios. On saura seulement qu’elle choisit le nom de jeune fille de sa mère, Cummings, pour faire ses débuts à Broadway à l’âge de dix-huit ans.
Comment Dallas Vernon Halverstadt, l’avocat de Seattle prit-il les velléités artistiques de sa fille, on ne le saura jamais. Est-ce lui qui lui imposa l’âge fatidique de dix-huit ans pour tenter sa chance à Broadway? On l’ignore tout autant. Un chose est sûre, elle monta sur scène et fut immédiatement repérée dans la figuration par Samuel Goldwyn en personne. Le big boss du plus prestigieux studio d’Hollywood, de passage à New-York, allait ramener en Californie, comme souvenir de son séjour, une nouvelle recrue pour son studio. Une recrue qu’il allait faire débuter d’emblée dans des emplois de grande vedette. Tout pourrait donc commencer comme dans les plus doux rêves de toute aspirante à la gloire. A ceci près que l’élégante Constance n’apprécia guère Hollywood!
Il faut dire que pour d’étranges raisons, on la parachuta dans les facéties d’Harold Lloyd ou des films noirs au climat glauque et aux intrigues toujours un peu sordides. Pour une jeune demoiselle déjà férue d’élégances et toquée de Shakespeare, on était loin en effet de la Juliette de ses ambitions.
Elle eut d’autres petites déconvenues propres à échauder n’importe quel orgueil d’artiste. En 1931 elle est prêtée à la Paramount pour « Night after Night » avec le très à la mode George Raft. Mais celui-ci après l’avoir toisée et sans doute furieux de ne pas obtenir sa chère Carole Lombard décrète que le film n’a aucune chance et supplie Mae West d’abandonner Broadway où elle triomphe pour venir sauve le film (et accessoirement faire ses débuts au cinéma à 30 ans passés) Mae accepte pour faire plaisir à George Raft, obtient tous les droits, y compris de remanier ses scènes et écrire ses dialogues. Et bien entendu elle est immédiatement payée dix fois plus que Constance supposée être la star du film! Mae n’étant pas un symbole de distinction folle, Constance Cummings vit probablement dans ces comportements le symbole même d’Hollywood.
Constance, aidée dans l’emploi par son élégance ne détestait pas le drame mondain où tout se passe en robe du soir comme « This Man is Mine » où elle convoite le mari d’Irène Dunne; ou, pourquoi pas, la « Silly comédie ».
Mais hélas pour elle, dans le Hollywood des années 30, c’est le portillon de la gloire auquel on se bouscule le plus! Irène Dunne, Carole Lombard, Ginger Rogers, Joan Crawford, Norma Shearer, Rosalind Russell, Claudette Colbert, Katharine Hepburn, Jean Harlow! C’est l’emploi le plus « encombré » d’Hollywood. Alors, même si elle sera dirigé par Frank Capra et donnera la réplique à Spencer Tracy et Irène Dunne, Constance Cummings n’est que rarement distribuée dans des films sur lesquels les studios misent beaucoup. Ce n’est pas à elle que l’on propose Anna Karénine, Camille ou Cléopâtre.
Hollywood et Constance Cummings n’ont jamais été sur la même longueur d’ondes et ne le seront jamais.
La meilleure chose qui lui soit arrivée dans la Californie des studios est peut-être sa rencontre avec le dramaturge Benn Levy. Ben Levy a dix ans de plus que la belle Constance. Et s’il est à Hollywood pour négocier les droits d’adaptation cinématographique de l’une de ses œuvres, l’auteur se double d’un homme politique. Il intégrera le parlement anglais dès 1945. Subjuguée par cet homme brillant « a sa mesure », Constance fondit comme un glaçon sur une plage des Bahamas. Le couple convola en 1933 et allait vivre un magnifique mariage de 40 années sans nuages et couronnées par la naissance de leurs deux enfants, un fils et une fille.
Lorsque son mari quittera l’Amérique pour regagner l’Angleterre, Constance le suivra sans la moindre hésitation, prête à tirer un trait définitif sur sa carrière et quitter Hollywood sans se retourner, ce que d’ailleurs elle fit!
Mais lorsqu’elle boucla ses malles avec un soupir de soulagement non dissimulé, elle était loin d’imaginer qu’elle allait connaître à Londres les heures les plus éblouissantes de sa carrière.
Là où Hollywood n’avait vu qu’une actrice de plus, Londres voyait un pur diamant.
Constance Cummings allait obtenir des rôles magnifiques au cinéma, à la télévision et enfin servir Shakespeare sur scène. Elle jouera avec les meilleurs et les plus grands. Elle fera du cinéma en grande vedette jusqu’au milieu des années 60 et travaillera pour la télévision jusqu’à la fin des années 80. Il n’est pas un seul grand nom des scènes et des écrans britanniques qui ne lui ait donné la réplique et s’en soit montré très honoré. Alec Guinness, Donald Pleasance, Peter Sellers, Noel Coward, Peter Ustinov, Peter Morley, Laurence Olivier, Rex Harrison, Peter Finch, Michael Wilding. Pas un qui ne considère le fait de lui avoir donné la réplique comme une sorte de légion d’honneur!
Son veuvage en 1973 ne l’avait pas éloignée d’un métier qu’elle adorait et qui lui rendait enfin justice. Elle ne se retirera qu’à 78 ans bien sonnés, ne pouvant plus à cet âge jouer les ladies peut-être un rien piquées mais toujours d’une élégance extrême.
Elle restera malgré tout dans son pays d’adoption, là où elle avait été tant heureuse, là où ses enfants étaient nés.
Elle avait atteint l’âge vénérable de 95 ans lorsqu’elle s’éteignit fort paisiblement dans son sommeil le 23 Novembre 2005 et c’est en Angleterre qu’elle repose.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1931: The Criminal Code: Avec Walter Huston et Philip Holmes
1931: The Last Parade: Avec Jack Holt et Tom Moore
1931: Night after Night: Avec George Raft et Mae West
1931: Lover Come Back: Avec Jack Mulhall
1931: Traveling Husbands: Avec Evelyn Brent
1932: Movie Crazy: Avec Harold lloyd
1932: Amercian Madness: Avec Pat O’Brien et Walter Huston
1933: Billion Dollar Scandal: Avec Robert Armstrong et Olga Baclanova
1933: Heads we Go: Avec Frank Lawton et Binnie Barnes
1934: Glamour: Avec Paul Lukas
1934: Looking for Trouble: Avec Spencer Tracy
1934: This Man is Mine: Avec Irène Dunne et Ralph Bellamy
1935: Remember Last Night? Avec Robert Young et Edward Arnold
1936: Seven Sinners: Avec Edmund Lowe
1945: Blithe Spirit: Avec Rex Harrison
1950: Into the Blue: Avec Odile Versois et Michael Wilding
1954: Three’s Company: Avec Elizabeth Sellars et Douglas Fairbanks jr.
1959: The Battle of the Sexes: Avec Peter Sellers et Robert Morley
1963: In the Cool of the Day: Avec Jane Fonda, Angela Lansbury et Peter Finch
1963: Sammy Going South: Avec Edward G. Robinson