Denise Billecard naît à Paris le 8 Septembre 1925 d’une mère au foyer et d’un père boulanger en gros. La famille Billecard comptera bientôt cinq filles: Alice, Suzanne, Hélène, Denise et Jeannette. Cela implique une enfance passée à regarder les rutilantes stars hollywoodiennes sur les écrans et une jeunesse dans une France en guerre. Rude déception pour une jeune fille qui rêvait d’être une étoile habillée comme Jean Harlow et s’endormir dans les bras de Robert Taylor dans une chambre digne d’Hedy Lamarr que de se retrouver dans un Paris occulté où règne le ticket d’alimentation! Comble de malchance, dès le début de l’occupation, un soir une escouade d’allemands s’introduit chez les Billecard pour confisquer les pains, le père s’interpose et se fait tuer sous les yeux de sa femme et ses filles.
La jeune universitaire qu’est Denise aura en cadeau pour ses vingt ans un Paris libéré qui retrouve ses lumières et sa liberté. Peut-on imaginer pareille chose pour une jeune fille: avoir 15 ans, être jolie comme un coeur et au moment où la vie commence: La guerre, les hommes partis, les femmes conduisant le métro, les chaussures à semelles de bois, le froid, la faim, la peur, plus de shampooing et du vernis à ongles de contrebande fabriqué avec les vieux films de Theda Bara refondus. Lorsque cette guerre enfin se termine, Denise est une femme. elle a été privée d’une joyeuse et insouciante jeunesse, va-elle rester sur les bancs de l’université ou rattraper le temps perdu?
Je ne perdrai moi-même pas de temps à réponde à cette question, retrouvons plutôt notre Denise se produisant dès 1945 dans les clubs, les boîtes et les caves avec son tour de chant!
La belle (car Denise est belle) n’a eu aucun mal à trouver un engagement. Elle est très précisément tout ce qui fait plaisir à voir après ces années sombres. Charpentée comme une pin-up pour GI’S, la poitrine provocante, le geste lascif, notre héroïne n’a rien oublié de ce que lui ont appris les films américains d’avant guerre. Denise sait plaire! Elle devient la mascotte des libérateurs: « The most photographied girl in Paris » et quelques unes de ces images s’envoleront jusqu’à Hollywood.
Denise, toujours fichée aux basques des soldats Américains finira par en épouser un: Robert Atkinson qui la ramènera au pays avec son ordre de démobilisation. Enfin atterrie au pays des stars où il faut bien le dire personne ne l’attend, on perd un peu de vue la belle Denise dont on apprend le second mariage avec le milliardaire Peter Crosby à New-York le 17 Octobre 1950. Commentaire de la belle « J’ai perdu 10 kilos pour le séduire et arriver à mes fins! »
La belle a bien entendu débuté au cinéma. Quel studio refuserait un contrat à une Française au buste généreux? Mais les débuts de Denise Darcel ne furent pas ceux d’Hedy Lamarr ou Marlène Dietrich. Elle tourne dès 1948 et ne sera créditée au générique qu’en 1950! La jeune madame Peter Crosby dont on parle plus pour la profondeur de ses décolletés sur son buste avantageux que pour ses prouesses dans un « Tarzan » de troisième ordre devient pourtant une des plus tapageuses habitantes d’Hollywood.
Ainsi, en 1951, la belle et son tendre époux passent la soirée au Stork Club de New-York. Sans doute ont-ils pris un avion privé parce que Denise trouve la béarnaise meilleure au Stork qu’au Ciro’s? Vêtue d’une robe que même Jayne Mansfield n’aurait oser envisager, la belle joue du décolleté chaque fois qu’un photographe passe à proximité à un point tel qu’en se penchant un peu on verrait son stérilet. Lassé de cette exhibition de mauvais goût, le richissime mari vide la bouteille de Mumm Cordon Rouge sur la tête de notre Denise au lieu de la vider dans les verres! Sa mise en plis définitivement foutue, la belle entra dans une telle rage qu’elle voulut divorcer sur le champ, refusant d’attendre les heures ouvrables pour lancer la procédure. Elle tira du lit huissiers et avocats et aurait ameuté toute la maison blanche s’il avait fallu. La chose peut sembler fort ridicule, et d’ailleurs elle l’est. Mais le scandale fit un tel bruit que dès le lendemain, de jeunes avocats frais émoulus des facultés et en mal de clientèle précisèrent sur leur carte de visite « divorces de nuit »!
Peter Crosby dégrise et Denise recoiffée, les protagonistes du « divorce de nuit » passèrent à l’acte deux.
Une rencontre de conciliation, mal nécessaire, fut organisée dans le palace où la belle se drapait dans sa dignité offusquée (et la plus chère des suites). Notre héros milliardaire, tenant malgré tout à sa tempêtueuse « petite femme de Paris » se présenta muni d’une époustouflante étole de renard blanc à faire passer le manteau de Marlène Dietrich pour une serpillère et une paire de boucles d’oreilles de rubis qui aurait poussé Elizabeth Taylor ou la reine d’Angleterre au crime.
Bonne fille, Denise consentit à roucouler dans le renard et se parer des rubis (sa pierre préférée) mais lorsque ce bon Peter la suivit jusqu’à sa suite pour une folle nuit de retrouvailles matrimoniales, ce fut pour trouver deux solides garde du corps devant la porte de la belle. Denise s’engouffra dans ses appartements avec ses renards et ses pierreries et ne fut pas le moins du monde dérangée par le bruit du passage à tabac de l’infortuné futur ex-mari!
La belle ensuite accepta 50.000 $ pour présenter une collection de pullovers et s’envola pour l’Amérique latine où elle se produisit dans son tour de chant à 5.000$ la semaine! En ces temps où Marilyn besognait à la Fox pour 75$ la semaine, on appréciera!
Les exploits matrimoniaux tapageurs et les décolletés plongeants ne suffirent pas pour faire de Denise Darcel la vedette que l’on se dispute à coups de contrats mirobolants et sa carrière aurait pu être à l’image de ses mariages. Beaucoup de bruit pour rien. Mais en 1954 Robert Aldrich la sauvait de la médiocrité où elle s’enlisait et du mépris blasé des cinéphiles.
Il fait de Denise Darcel la partenaire de Gary Cooper et Burt Lancaster dans « Vera Cruz ».
Le film restera un coup d’épée dans l’eau et le seul haut fait de la carrière de Denise. Laquelle aura encore un mari, d’autres crises de star furibonde et sera longtemps très appréciée des scènes de Vegas!
Le temps passant le souvenir de Denise s’estompera et la belle se consolera en élevant ses deux fils qu’elle adore et qui le lui rendent bien.
Définitivement enracinée à Hollywood, elle meurt le 23 Décembre 2011, emportée en quelques minutes par une rupture d’anévrisme. Elle avait fêté ses 86 ans trois mois plus tôt.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1948: Thunder in the Pines: Avec George Reeves
1950: Tarzan and Slave Girl: no comment
1952: Young Man with Ideas: Avec Ruth Roman et Glenn Ford
1954: Vera Cruz: Avec Gary Cooper, Burt Lancaster et Sarita Montiel.
1954: Dangerous When Wet: Avec Esther Williams et Fernando Lamas
1961: Seven Women from Hell: Avec Cesar Romero, Patricia Owens et Yvonne Craig