La fragile Evelyn Holt dont le souvenir est aujourd’hui bien lointain doit l’anéantissement de ses rêves et de sa carrière à l’avènement du monstre teuton Adolph Hitler.
Cette douce et diaphane créature voit le jour à Berlin le 3 Octobre 1908 sous le patronyme d’Evelyn Sklarz. Son enfance, déjà s’abîmera dans le fracas d’une première guerre mondiale. Si elle est bien jeune encore pour comprendre les enjeux et les crimes, son père, journaliste se chargera de lui faire comprendre les ignominies de son temps. Lorsque la paix revient, Evelyn a 16 ans. Elle est jolie comme un coeur et, persuadée comme toute sa génération que cette guerre trop horrible ne pourra jamais renaître de ses cendres sanglantes, elle ne songe qu’à vivre, aimer, danser et surtout chanter!
Elle n’a que dix-huit ans lorsque le cinéma s’intéressa à elle! On a besoin d’une ravissante et fraîche jeune fille pour un rôle de princesse dans « Spitzen ». Certes ce n’est qu’un second rôle, mais c’est un rôle de princesse. Muet, hélas puisque le cinéma ne sait pas encore parler et encore moins chanter. Le minois délicat d’Evelyn, rebaptisée « Holt », ce qui fait plus hollywoodien que Sklarz, enchante les foules! Dans le Berlin des années 20 en perpétuel bouillonnement intellectuel, on est à l’affût de toute nouveauté et aussitôt, Evelyn est choisie par Curtis Bernhardt pour incarner Jane Eyre! Le film est prestigieux, Rosa Valetti joue Grace Poole, le succès est au rendez-vous et Evelyn est une star!
Elle sera la vedette de quatre films dès l’année suivante. En 1929 elle est cinq fois au sommet des affiches! Rien ne semble devoir arrêter l’ascension de cette gracieuse petite personne, au contraire! Le cinéma se met à parler dès 1930! Son rêve! Son régal! Elle va pouvoir gazouiller sur les écrans jusqu’à s’en étourdir! Enfin Evelyn Holt va pouvoir donner la pleine mesure de son talent alors qu’en Allemagne comme ailleurs, certaines des divas les mieux étables voient leurs carrières se fracasser devant l’intransigeant micro, comme la ténébreuse vamp Lissi Arna qu’Evelyn avait affrontée un rien terrorisée dans « Die Elf Teufel » en 1927! Mais hélas cette belle euphorie créative ne va pas durer. Après l’enthousiasme débridé des années 20, l’Allemagne traverse une crise économique épouvantable. Crise qui sera le ferment d’un nouveau fléau: le national socialisme qui n’aura de cesse que de mettre, une fois encore, le monde à feu et à sang.
Fille de journaliste, Evelyn Holt est une des premières à se rendre compte de la tournure désastreuse que prennent les choses. Elle s’en rend d’autant mieux compte que son nom de famille, Sklarz, a des résonnances sémites qui commencent à faire tache dans le tableau à croix gammée. Dès que le parti d’Hitler prend le pouvoir par le crime en 1933, Evelyn Holt quitte la UFA séance tenante. Je ne suis d’ailleurs pas certaine qu’elle ait terminé son film en cours « Fortschitt », car on en n’a retrouvé que de brefs fragments, ceux de ses chansons.
La célèbre firme allemande étant passée aux mains du ministre de la propagande Goebbels, Evelyn argumenta d’engagements au théâtre où elle se produisait dans des opérettes pour refuser toute proposition filmée.
En 1936 elle aggravait son « cas » en épousant l’éditeur Félix Guggenheim, Juif comme on s’en doute! En 1938 la vie étant devenue rigoureusement impossible pour un couple juif en Allemagne, les Guggenheim partirent pour la Suisse, puis l’Angleterre et les Etats-Unis enfin. Le couple s’installa à Los Angeles. John Loder qui avait donné autrefois la réplique à Evelyn plaida sa cause chez Paramount mais l’actrice déclina l’offre du studio qui ouvrait pourtant sa porte de fer forgé en grand pour les artistes fuyant le Reich sanglant.
Evelyn Holt ne refit jamais de cinéma et ne revint jamais en Allemagne.
C’est à Los Angeles qu’elle décède le 22 Février 2001. Elle avait 92 ans et n’était plus jamais réapparue en public.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1926: Spitzen: Avec Olaf Fonss et Elisabeth Pinajeff.
1926: Die Waise von Lowood: Avec Olaf Fonss
1927: Die elf Teufel: Avec Gustav Fröhlich, Willi Forst et Lissy Arna
1927:Die Achtzehnjährigen: Avec Andrée Lafayette et Erno Verebes
1928: Freiwild: Avec Fred Louis Lerch et John Loder
1929: Ehe in Not: Avec Helga Brink et Walter Rilla
1929: Nachtlokal: Avec Erna Morena et Iris Arlan
1932: Drei von der Stempelstelle: Avec Fritz Kampers et Anton Walbrook
1933: Fortschitt