Ah! Geneviève Fontanel! Une actrice que j’adore et qui fait partie de cette catégorie d’actrices au talent évident et à la popularité certaine mais qui ne trouvèrent jamais au cinéma d’aussi prestigieuses occasions de nous émerveiller comme elles le faisaient au théâtre et à la télévision. D’autres actrices et non des moindres partagent cet étrange statut français dont Monique Mélinand, Sylvia Monfort, Suzanne Flon, Ludmilla Michaël, Martine Sarcey, Nicole Courcel, Claire Maurier ou Pascale Roberts. Heureusement, François Truffaut lui offrit le rôle qui la rendit immortelle aux yeux des cinéphiles. Celui de la marchande de frivolités, un rien « cougar » trouvant Charles Denner trop vieux pour elle dans le magnifique « L’Homme qui aimait les Femmes ». Mais heureusement encore, il n’y a pas eu que ca.
Geneviève Fontanel naît à Bordeaux, le 27 Juin 1936 mais n’en est pas bordelaise pour autant! Ses parents sont alors en partance pour le Maroc où ils comptent s’installer. Geneviève n’a que quatre mois lorsque la famille quitte la France pour la grande aventure Nord Africaine. C’est là qu’elle grandira avec le bassin méditerranéen comme berceau et le soleil comme compagnon de jeux. Elle a également une terrible passion chevillée au corps et au coeur: le théâtre. Le théâtre et encore le théâtre! D’autres petites françaises grandies comme elle sous le soleil de l’exil grandiront en ne pensant qu’à ça. Elles ont pour nom Françoise Arnoul, Françoise Fabian ou Pascale Audret.
Les parents de Geneviève prendront la décision la plus difficile de leur vie: Laisser leur fille regagner la France à dix-huit ans pour s’inscrire aux cours de la rue Blanche. C’est là qu’elle va rencontrer le premier amour qui sera l’homme de sa vie, un jeune étudiant de sa promotion: Jacques Destoop. Ils jouaient « Electre » de Giraudoux lorsqu’ils s’embrassèrent pour la première fois et le trou de mémoire qui s’en suivit les faisait encore rire 60 ans plus tard!
Tous les deux remportent les premiers prix de comédie moderne et classique et entrent ensemble, le 3 Juillet 1958 à la comédie française qui comme on le sait ouvre ses portes aux premiers prix. La maison de Molière a déjà accueilli Jeanne Moreau, Suzanne Flon et Annie Girardot pour les mêmes nobles et prestigieuses raisons. Mais ces dames ne sont pas restées, se sentant gênées aux entournures par le « carcan » de la vénérable maison, Geneviève fera pareil. Après quatre ans de bons et loyaux services, elle quitte la comédie française et prend son envol de « vedette ». Durant ces quatre années au français, Jacques et Geneviève se sont mariés en 1960 et leur petite Isabelle est venue couronner cette bienheureuse union en 1961.
Mais en cette année 1960, « madame Geneviève Fontanel de la comédie française » n’a pas fait que se marier. Elle est apparue pour la première fois à la télévision dans ce que l’on appelait alors une « dramatique »: « La Méprise » d’après Marivaux, ce qui doit avoir incité Geneviève Fontanel à tenter l’aventure! Elle partage le générique avec Jacques Toja qu’elle retrouvera plus tard sur le plateau de « Angélique Marquise est Anges » puisqu’il y jouait Louis XIV.
Les débuts au cinéma, c’est pour l’année suivante. Elle est dans « Quai Notre Dame » avec Anouk Aimée et Jacque Dacqmine. L’année suivante encore, elle entre définitivement dans la cour des grands puisque Verneuil la choisit pour être la boniche du couple Jean Gabin-Suzanne Flon dans « Un Singe en Hiver ». On pourrait alors espérer à juste titre que le cinéma français ait recruté un de ces nouveaux noms qui fait que sa qualité perdure mais hélas, il faudra encore dix ans à Geneviève Fontanel pour trouver des rôles dignes de son grand talent au cinéma.
Après avoir retrouvé Gabin dont elle est la belle-fille dans « L’Affaire Dominici », ce sera « La Rivale », « Cours Après-moi que je t’attrappe » et quelques joyeuses comédies un rien franchouillardes comme « La Zizanie » où elle joue face à Louis de Funès et Annie Girardot. Nonobstant le fait que l’une chante et l’autre pas, Geneviève Fontanel a, au cinéma, une carrière qui évoque furieusement celle de Suzy Delair! Elle ne fait partie d’aucune chapelle, elle ne sera pas de la bande à Gabin, de la bande à Blier, d’Audiard ou de la bande à Lautner. Plus tard elle ne sera pas du groupuscule « nouvelle vague ». Et toutes les deux, Suzy et Geneviève clameront la même chose à quelques années d’intervalle : »Le cinéma ne m’emploie pas! Qu’est-ce que j’y peut? » Geneviève Fontanel à d’autres choses bien plus intéressantes à faire que de deviser sur les derniers articles des « Cahiers du Cinéma ». Elle a son couple, sa fille, sa famille au Maroc, la télévision qui l’accapare et bien sûr son cher théâtre où elle a la chance de souvent donner la réplique à « son homme »!
Mais dans le cinéma français, sans « clan » et sans « étiquette », les choses ne sont pas simples. D’autant que la grande prêtresse des classiques du répertoire n’aime rien tant à l’écran que la joyeuse comédie sans prétention destinée à amuser le public sans lui plomber son dimanche soir avec des non-questions existentielles à la Jean-Luc Godard qui n’intéressent que celui qui se les pose et ne valent pas le prix d’un billet de cinéma.
Résultat des courses, on ne l’appelle pas, ou peu. Ajoutant à celà le fait qu’elle ne vit jamais le moindre intérêt à se déverser en confidences ou en photos légères pour la presse people, Geneviève Fontanel finit par échapper un peu à tout le monde, sauf à elle-même et à sa famille! Tout ceci ne l’empêcha pas de mener à la télévision une des carrières les plus prestigieuses d’entre toutes! Dès 1964 elle entre dans le mythique « La Caméra explore le Temps », elle poursuit entre de très nombreux autres avec « Vidocq », « Les Evasions Célèbres », « Les Cinq Dernières Minutes », « Au Théâtre ce Soir », « L’Heure Simenon », « Le Vent des Moissons », « Maigret », « Marie Pervenche » et même « Maguy » où elle joue Christine Babar; « Docteur Sylvestre », « Navarro » « Central Nuit », « Faites comme chez Vous » et en 2011 elle était encore la mère de Clémentine Célarié dans « J’ai Peur d’oublier »
Geneviève Fontanel a aligné plus de cent tournages pour la télévision , elle n’a tourné qu’une trentaine de films en plus de cinquante ans de carrière pour le cinéma.
Le couple Destoop vécut toujours parfaitement heureux entre théâtre et télévision, entre leur appartement du parc Montsouris et leur maison dans l’Oise. Jacques Destoop avait lui aussi fini par quitter la comédie française, mais il y sera resté vingt six ans!
La famille de Geneviève est restée au Maroc et l’heureux couple devint un heureux couple de grands parents!
La mort a emporté Geneviève Fontanel le 18 mars 2018. une journée froide et triste sur laquelle tombait une neige tardive et glaciale.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1961: Quai Notre Dame: Avec Anouk Aimée et Jacques Dacquemine
1962: Un Singe en Hiver: Avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo
1964: Angélique Marquise des Anges: Avec Michèle Mercier , Robert Hossein et Jean Rochefort
1964: Un Monsieur de Compagnie: Avec Catherine Deneuve, Annie Girardot et Jean-Pierre Cassel
1969: Trois Hommes sur un Cheval: Avec Colette Brosset, Robert Hery et Jean Poiret
1973: La Femme en Bleu: Avec Léa Massari, Michel Piccoli, Simone Simon et Michel Aumont
1973: L’Affaire Dominici: Avec Jean Gabin et Gérard Depardieu
1974: Femmes au Soleil: Avec Juliette Mayniel et Nathalie Chantrel
1974: La Rivale: Avec Jean Piat et Bibi Anderson
1974: Dis-Moi que tu m’aimes: Avec Mireille Darc et Marie José Nat
1976: Cours Après moi que Je t’attrappe: Avec Annie Girardot et Jean-Pierre Marielle
1977: L’Homme qui Aimait les Femmes: Avec Charles Denner
1977: La Vie Devant Soi: Avec Simone Signoret
1978: La Zizanie: Avec Annie Girardot et Louis de Funès
1978: les Ringards: Avec Mireille Darc et Aldo Maccione
1980: Cocktail Molotov: Avec François Cluzet, Elise Caron et Henri Garcin
1980: Chère Inconnue: Avec Simone Signoret, Jean Rochefort , Delphine Seyrig et Madeleine Ozeray
1980: Rodriguez au Pays des Merguez: Avec Philippe Clair et Evelyne Séléna
1982: Transit: Avec Richard Bohringer
1982: Tête à Claques: Avec Fanny Cottençon et Francis Perrin
1984: Notre Histoire: Avec Nathalie Baye et Alain Delon
1990: Un Jeu d’enfant: Avec Dominique Lavanant, Laura Morante et Jean Carmet.
1991: La Reine Blanche: Avec Catherine Deneuve et Bernard Giraudeau
1994: Montparnasse-Pondichéry: Avec Miou-Miou, Yves Robert et André Dussolier
1999: Une pour Toutes: Avec Anne Parillaud et Jean-Pierre Marielle