Gloria Paul est non seulement une femme d’une grande beauté mais une artiste aux talents multiples et variés. Danseuse de grand talent, chanteuse, elle est une comédienne très affûtée et le tout se complète d’un sens de l’humour désopilant qui fait d’elle une reine de comédies. Et si elle ne devint pas un incontestable numéro un du cinéma c’est parce que la vie lui donnait tellement plus ailleurs. Le cinéma, après tout ne la méritait peut-être pas. N’allait-on pas lui préférer Claudine Auger pour le rôle de Domino dans « Thunderball »?
Gloria naît à Londres le 28 Février 1940. La guerre, hélas, vient de commencer. Bientôt Londres ne sera plus qu’un brasier sur un fleuve de sang. Le père de Gloria est reporter de guerre, il est parti. Son épouse restée seule avec leur bébé quitte Londres pour se mettre à l’abri à la campagne avec l’enfant. Pour distraire la petite fille, sa maman a l’idée de l’inscrire à des cours de danse et l’enfant allait se passionner pour cette discipline pourtant intense. A quatre ans elle pouvait accueillir son papa qui rentrait à la maison par un petit ballet parfaitement interprété. Gloria adorait danser et elle était douée!
A dix-sept ans elle réalisait un de ses grands rêves. Elle avait déjà beaucoup dansé à Londres, elle envoya ses photos et son cv au Lido de Paris où elle fut convoquée. Elle passa des auditions et fut admise dans le sacro saint corps de ballet des Blue Bell Girls.
A la même époque arriva une proposition de Cinecitta pour un film de la part d’un producteur ébloui qui l’avait vue danser sur les scènes de Londres. Mais le Lido voulait d’elle, le cinéma en regard de celà n’était rien, Gloria refusa: « Excusez-moi monsieur, je suis encore trop jeune pour faire du cinéma »! Malheureusement, la Blue Bell Girl déchanta. Elle qui avait tant rêvé de Paris s’y trouvait malheureuse et se mit bientôt à détester le Lido alors qu’elle en était maintenant l’une des reines. Son moral était si bas que ses parents venaient le plus souvent possible de Londres passer du temps avec elle à Paris. Ils redoutaient qu’un soir où elle serait encore plus déprimée que d’habitude, Gloria ne commit l’irréparable.
Heureusement, le cinéma n’avait pas renoncé et une nouvelle proposition lui vint. Cette fois-là, Gloria s’y rua comme une naufragée sur une bouée. C’était pour une comédie sans grand intérêt, mais avec Ugo Tognazzi. Gloria débutait au cinéma, elle avait 20 ans et Rome allait l’adorer. Elle allait adorer Rome!
Elle devint Romaine d’adoption. Elle devint une des reines de la comédie Italienne, jouant avec Tognazzi mais aussi Toto. Elle dansera plus souvent qu’à son tour à la télévision où sa beauté et son talent font merveille! Elle continua sa carrière de danseuse et mena en vedette des spectacles de grand prestige en tournée à Paris et à Londres. Les années 60 furent des années de bonheur pour Gloria Paul dont les photos de pin-up s’affichaient partout bien qu’elle refusât toujours avec obstination les offres mirifiques de Playboy.
Seul le cinéma la décevait un peu, ne l’avait-on pas évincée du casting de « Thunderball » au profit de Claudine Auger?
Mais qu’importe. En Italie, Gloria avait un créneau filmé bien à elle. Depuis qu’elle avait joué avec Toto en 1961 dans une parodie de la « Dolce Vita », elle était la vedette « obligatoire » de tous les films parodiques, et il s’en tournait beaucoup! Elle tournera après la fausse Dolce Vita un faux James Bond, un faux western Spaghetti. Et puis les années 60 allaient se terminer en apothéose! Hollywood lui faisait un pont d’or pour qu’elle vienne tenir le rôle de « Crêpe Suzette » dans une comédie de Blake Edwards, » Darling Lilli », avec Julie Andrews et Rock Hudson. Gloria accepta, elle était ravie mais il fallait faire vite! Elle avait rencontré l’homme de sa vie et attendait un heureux évènement! le scénario prévoyait un strip tease, il ne fallait pas traîner! Elle vint.
Elle se trémoussa presque nue tout en gardant un gigantesque chapeau de plumes digne de Mae West sous le regard effaré de Julie Andrews qui en fondit en larmes de dépit. Puis elle rentra chez elle en Italie, se souciant comme d’une guigne des critiques acerbes et du bide que fit le film. Rock Hudson n’était pas Cary Grant et Julie Poppins lassait. Dans le film, Julie se consumait de jalousie et se lançait elle aussi dans un strip tease, surgissant en guêpière jaune d’une robe à volants calquée sur celle de « Mary Poppins ». IL fallait voir là dit-on, la symbolique d’une Julie Andrews s’émancipant de ses anciens rôles en femme libérée post Woodstock. Ce que l’on voit c’est que là où Gloria était toute de grâce, souplesse humour et volupté, Julie Andrews a l’ait excédé dans un exercice de gymnastique.
Gloria était devenue madame Piero Piccioni, un des plus fameux compositeurs italiens du moment et en 1970 le petit Jason venait au monde. (Un souci d’exactitude m’oblige à dire ici qu’une amie journaliste américaine aujourd’hui à la retraite me dit qu’en réalité les scènes de Gloria dans « Darling Lili » furent retardées au maximum et tournées après l’accouchement de la star) Voilà qui est dit.
Quoi qu’il en soit, la jeune maman comblée et plus sublime que jamais, soucieuse du bonheur et de l’éducation de Jason souhaita être une maman présente et dorénavant, la télévision italienne aurait ses préférences. Tant pis pour Hollywood! Même si elle fut la seule à tirer, Ô combien, son épingle du jeu dans » Darling Lili ». Jason allait d’ailleurs lui aussi se montrer digne de son talentueux lignage. A onze ans le petit garçon a déjà enregistré plusieurs disques qui sont des succès et il a même donné la réplique à Alberto Sordi! Papa et maman peuvent être fiers!
Ce bonheur parfait va pourtant être brisé net.
En 1996, Gloria est toujours aussi fabuleusement belle et en pleine activité. Jason après avoir été un « enfant vedette » a sagement suivi ses études dans des collèges londoniens et cette vie parfaite semble n’avoir jamais de fin.
Mais un matin, alors qu’elle est attendue sur un tournage, Gloria Paul est victime d’un grave accident. Alors qu’elle sort de sa douche, le container d’eau de la salle de bains qui a été mal attaché s’écroule sur elle et la fracasse littéralement sur le sol sous le poids de 500 litres d’eau et du container de métal qui s’abattent d’un coup sur l’actrice.
Gloria sera sauvée mais restera paralysée à jamais, condamnée à la chaise roulante pour le reste de sa vie. Les assurances professionnelles n’étant pas obligatoires à l’époque, la star ne sera jamais indemnisée et l’entrepreneur ne sera jamais inquiété.
La carrière de Gloria Paul fut brisée net. On la revit, pourtant. Ses fans italiens lui restèrent fidèles à jamais et régulièrement elle est invitée à se produire encore à la télévision où, toujours suprêmement élégante malgré le passage du temps, elle chante alanguie sur un lit ou un canapé. Alors pour la divine Gloria Paul, ce sont les gens qui se lèvent, les applaudissements crépitent et les larmes coulent.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1961: Pugni, Pupe e Marinai: Avec Ugo Tognazzi et Maurizio Arena
1961: Cacciatori di Dote: Avec Lauretta Masiero et Rosella Como
1964: Le Sette Vipere: Il Marito Latino: Avec Umberto D’orsi et Lisa Gastoni
1964: I Due Evasi di Sing-Sing: Avec Franco Franchi
1966: Pour Quelques Dollars de Moins: Avec Lando Buzzanca
1966: I Due Figli di Ringo: Avec Franco Franchi
1968: Tre Supermen a Tokio: Avec George Martin
1970: Darling Lili: Avec Julie Andrews et Rock Hudson
1987: Tango Blu: Avec Valentina Cortèse