Les années 80 prirent de plein fouet une vague de nostalgie cinématographique et remirent un temps au panthéon des icônes adorées les Garbo, les Dietrich, les Bacall et les Tierney. Dans cette mouvance assoiffée de glamour ancestral, la chasse à la nouvelle bombe de celluloïd vintage battait son plein. Il n’était pas un jour où une nouvelle venue n’était pas sacrée comme la nouvelle mouture d’une star d’autrefois. On réussira la prouesse d’associer les noms de Sabine Azéma à ceux de Louise Brooks et Clara Bow, c’est dire! La nouvelle Marilyn ne pouvant être que Kim Basinger.
Quant à la succession de la très stylée Lauren Bacall, beaucoup furent envisagées mais seule Greta Scacchi remporta tous les suffrages. On parla d’ailleurs également d’elle pour la succession de Grace Kelly et d’Ingrid Bergman. Rien que ça.
Oui, le cinéma tenait sa nouvelle star glamour. La suite prouvera que non, mais n’anticipons pas…
Greta Scacchi vient au monde le 18 février 1960 à l’heure où le glamour Hollywoodien tente une ultime et désespérée tentative de survie.
Nous sommes à Milan dans une famille très liée aux arts. Son père, italien est peintre et marchand d’art. Sa mère, anglaise, est danseuse et antiquaire! Elle a fait partie des Bluebell Girls et a même dansé avec Gene Kelly. Greta a déjà deux frères aînés à l’heure de sa naissance mais seulement trois ans à la séparation de ses parents. La vie qui s’annonçait heureuse sous le beau ciel d’Italie s’assombrit. Paméla, sa mère, regagne son Angleterre natale, ses trois enfants sous le bras. D’abord installée à Londres, la petite famille amputée d’un père va se fixer dans le Sussex…Momentanément.
Enfin divorcée, Paméla se remarie et suit son nouveau mari en Australie, à Perth où il enseigne à l’université. Evidemment, Paméla traîne sa marmaille à sa suite. Depuis qu’elle a huit ans, Greta mène une vie d’enfer à sa maman pour qu’elle lui apprenne à danser. C’est donc en Australe que Greta apprendra le dur métier de comédienne et fera ses débuts au théâtre. Ses parents ne font aucune objection à sa vocation artistique, mais curieusement, Paméla déteste le cinéma. A ces yeux ce n’est pas de l’art, l’interprétation se fait petit bout par petit bout désordonnés et soumis d’abord à la technique.
Mais lorsque la vocation de théâtreuse tenaille une jeune fille romantique, il n’y a qu’un lieu au monde qui compte et il n’est certainement pas en Australie. C’est l’Old Vic de Londres où scintille encore le souvenir chéri de Laurence Olivier et Vivien Leigh. Greta s’envole pour Londres peaufiner ses sortilèges d’actrice à l’école de l’Old Vic. Elle a 18 ans et l’idée de s’arrêter en chemin pour visiter son papa à Milan.
L’Old Vic attendra, elle est immédiatement repérée avec ses cheveux blonds et ses yeux gris d’orage…Par le VOGUE Italie s’il vous plaît!
Voilà une chose qui ne se refuse pas. Mais les robes, les bijoux, les photos, ça va la lasser très vite. Et puis, elle se trouve laide et ne se sent pas à sa place. Ca n’empêche pas Dominique Graf de l’engager en Allemagne pour un film mineur. Et qu’elle fasse enfin ses débuts au théâtre en Angleterre dans « Oncle Vania ». Greta pour être née en Italie, avoir vécu en Angleterre et en Australie se sent libre et partout chez elle. Et douée pour les langues elles parle l’anglais et l’italien, bien sûr mais aussi le français et l’allemand ce qui ne peut que lui ouvrir en grand les portes d’une carrière internationale.
Mais en attendant, elle se cherche encore, les propositions ne s’enchaînent pas forcément et elle se retrouve même à travailler dans un fast food. Et puis un jour c’est la révélation: Un jour de pluie, un petit cinéma de quartier, un film au hasard: Violette Nozières de Claude Chabrol. Greta sort de la projection subjugue, transformée. Maman a tort, le cinéma ça ne peut pas être un rafistolage de « petits morceaux mis bout à bout. C’est autre chose et cette chose-là, elle la veut. En attendant elle pose encore pour des photos, fait des petits trucs sans grand intérêt à la télévision.
Mais grâce à un de ces petits trucs, un polar où elle apparaissait « Bergerac », un certain James Ivory la contacte. Il l’a vue, elle lui a immédiatement fait penser à la Jeanne Moreau de « Ascenseur pour l’échafaud » et…Il est en carafe sur le casting de son prochain film dont le tournage commence deux jours plus tard.
Elle sera donc dirigée dès son deuxième film par James Ivory qui lui confie un rôle de premier plan au côté de Julie Christie dans « Heat and Dust ». Le projet ne l’enthousiasmait pas follement mais par contre le tournage à Hyderabad en Inde, si!
Le film tourné sous une chaleur intense en costumes avec des temps de pause consacrés au piano et dans l’angoisse absolue. Faute de matériel de projection, on ne peut pas visionner les rushes.
Le film encensé à Cannes fait un triomphe, Greta devient la nouvelle Garbo. Laurence Olivier la réclame, la télévision lui offre le rôle de la dame aux camélias, la presse la traque, de comédienne elle est devenue actrice, d’actrice elle est devenue star et la voilà « people »
Les films vont s’enchaînent à vive allure, une allure internationale qui fait de Greta Scacchi une des actrices les plus présentes des années 80. Et ceci n’étant que la partie cinéma d’une carrière tout aussi riche à la télévision et plus encore au théâtre. Elle est la première à s’en affoler! « Ma carrière va trop vite pour moi » Alors, installée à Los Angeles avec ses cinq agents pour cinq pays, elle se met à trier les propositions, devient ce que l’on appelle au cinéma « difficile ». De quoi faire fuir les plus importants producteurs dont un certain Weinstein à qui elle a dit non merci ».
Considérant qu’elle doit tout à l’Angleterre et folle de Shakespeare, elle aura la stupéfaction de se voir refuser la nationalité anglaise…par deux fois! Greta restera italo-australienne! Durant toutes les années 80 elle est une véritable star internationale. Un statut qui peut jouer des tours à une actrice. Et là c’est mon expérience de casteuse qui parle. Les gens de cinéma ont ceci de particulier d’à la fois connaître parfaitement les rouages de leur métier mais d’encore fantasmer l’univers du film. Ainsi, on sait tous qu’un film peut parfois mettre deux ans avant de sortir sur les écrans et que de toute façon la post production et la distribution prendront au moins un an. Pourtant, il m’est arrivé plus d’une fois de m’entendre répondre lorsque je proposais une comédienne « Oh mais non, elle est en Amérique » Parce qu’un film américain sortait à ce moment là avec l’actrice en question. Comme si elle avait émigré définitivement en Amérique ou ailleurs suivant l’origine du film à l’affiche avec elle. C’est arrivé plus d’une fois à propos de Greta Scacchi d’entendre « oh mais elle n’est pas en France » (et comme les avions n’existent pas…)
La belle heureusement trouva assez de matière pour vivre intensément son parcours professionnel et accessoirement sa longue histoire avec le musicien australien Tim Finn qui durera de 1983 à 1989. Greta sera une des rares « nouvelles stars » des années 80 à poursuivre sa carrière et trouver encore de grands rôles dans des films de prestige. Les années 90 seront particulièrement fournies et les années 2000 ne verront pas faiblir la cadence. Elle est, comme Diane Lane, une actrice que l’on sollicite volontiers même si elle ne fait plus la « une » de l’actualité, n’étant plus une « révélation » mais une valeur sûre.
Elle fut peut-être aussi celle qui prouva une fois pour toutes que les stars des années 40-50 n’étaient pas « clonables » et qu’il ne suffisait pas d’une mise en plis pour être Lauren Bacall. Les gens de cinéma semblent aussi volontiers oublier que derrière une Garbo, une Gardner ou une Crawford il y avait des usines de glamour à leur service et que leur image magnifiée trouvait à se placer dans des films dont la seule finalité était de les magnifier encore. Nous n’en sommes plus là. Peut-être qu’à la MGM des années 30 ou 40, Greta, Sharon, Demi ou Gwyneth seraient devenues Bacall, Harlow, Gardner ou Kelly…
Aujourd’hui elles sont des actrices. Des interprètes, pas des « sex symbol ». D’ailleurs Greta elle-même en refuse le statut en concluant qu’elle a de trop grands pieds pour être une allumeuse comme Marilyn ou Madonna!
Il y aura un autre épisode inattendu: Greta va tomber follement amoureuse de Carlo Mantegazza. Rien là de bien extraordinaire si Carlo n’était pas…Son cousin germain. le couple se mariera en 1997. Greta qui était déjà la maman d’une petite Leila lui donnera un petit frère, Mattéo en 1998.
Depuis la petite famille Mantegazza-Scacchi coule des jours heureux et Greta reste la boulimique de travail qu’elle a toujours été, laissant le temps s’occuper à sa manière de sa beauté fatale en toute tranquillité.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1982: Das zweite Gesicht: Avec Thomas Schücke
1983: Heat and Dust: Avec Julie Christie
1987: Un homme amoureux: Avec Peter Coyote et Jamie Lee Curtis
1987: White Mischief: Avec Sarah Miles et Geraldine Chaplin
1987: Good Morning Babilonia: Avec Vincent Spano
1987: Un homme amoureux: Avec Peter Coyote
1988: Les trois soeurs: Avec Fanny Ardant et Valeria Golino
1990: Presumed Innocent: Avec Harrison Ford
1991: Troubles: Avec Tom Béranger
1992: Les Vaisseaux du Coeur: Avec Vincent d’Onofrio
1994: Country Life: Avec Sam Neil
1994: The Browning Version: Avec Albert Finney
1995: Jefferson in Paris: Avec Nick Nolte et Gwyneth Paltrow
1996: Emma: Avec Gwyneth Paltrow
1998: Le violon rouge: Avec Jean-Luc Bideau et Carlo Cecchi
1999: Ladies Room: Avec Lorraine Bracco
2004: Beyond the Sea: Avec Kevin Spacey
2005: Flightplan: Avec Jodie Foster
2007: Shoot on Sight: Avec Naseeruddin Shah
2015: North v South: Avec Judith Alexander
2019: Shepherd: Avec Tom Hugues
2019: Palm Beach: Avec Frances Berry