Si mes lecteurs savent que j’ai toujours grand plaisir à voir et revoir les films de Marilyn Monroe, ils savent aussi que je ne suis pas cliente de sa légende auto-façonnée de pauvre petite orpheline courageuse et maltraitée. Dans cette légende, l’épisode de sa « découverte » dans une usine d’armement par un talent scout m’a toujours parue suspecte. Sur les fameuses photos d’usine, elle est déjà maquillée par Max Factor et partage à l’époque, dates faisant foi, un appartement avec sa bonne copine Shelley Winters à Hollywood! Ces images font l’objet d’un reportage et Marilyn a été engagée pour la journée à l’agence Conover. Mais vous vous en doutez, je n’ouvre pas une page consacrée à Jane Nigh pour démêler le vrai du faux dans le parcours de Marilyn Monroe. Lorsqu’elle sera en fin de vie sous l’emprise de l’alcool et des tranquillisants, elle s’en chargera parfaitement elle-même.
Cet étrange préambule a pourtant sa raison d’être ici, puisque si une jeune fille fut effectivement découverte dans une usine d’armement par un talent scout de la Century Fox qui en fit une blonde starlette, c’est miss Jane Nigh!
La future découverte naît le 25 Février 1925 à…Hollywood! Elle est pour l’état civil Bonnie Lénora Nigh. Jolie fille sans histoire, Bonnie est étudiante au collège de Long Beach lorsque l’Amérique entre en guerre. Elle quitte les bancs de l’école pour travailler comme sténodactylo dans une usine d’armement. Là où effectivement elle sera découverte par un talent scout qui lui déclare: « Si vous voulez vraiment servir l’industrie américaine, servez celle du film, pas de l’aviation! » Miss Monroe en cet instant précis à suivi son mari monsieur Dougherty affecté sur l’île de Catalina!
La Century Fox qui raffole des blondes puisque Betty Grable et Alice Faye sont alors les deux mines d’or du studio lance son battage publicitaire habituel. Elle est déjà élue « La première fille que les GI’s veulent voir lorsqu’ils rentreront au pays » alors qu’elle n’a tourné aucun film. La Fox la parachute dans « Laura » d’Otto Preminger. Une très fugace apparition, un courant d’air, histoire quand même de justifier le label d’actrice! Il faut dire que le studio est très occupé. Betty Grable devient difficile, Gene Tierney l’a toujours été, June Haver n’a pas le succès escompté. Il s’agit également de convaincre Alice Faye de rester malgré l’arrivée de Linda Darnell en plein « lancement ». Tout comme cette autre blonde dont le studio vient de s’enticher: Barbara Lawrence.
Finalement c’est le producteur David Rose, ex mari de la légende Fanny Brice qui s’intéresse le plus à Jane et devient son chevalier servant hollywoodien. Mais Jane a qui le studio laisse décidément beaucoup de temps libre fréquente également beaucoup Huntington Hartford II. Lorsque l’acteur Lew Ayres sera démobilisé, elle sera « La première fille qu’il aura vue après la guerre ».
Depuis toujours le studio rêve d’avoir sous contrat de « grandes dames » comme celles de la MGM ou de la Paramount! Ah Norma Shearer, Hedy Lamarr, Carole Lombard, Greta Garbo, Marlène Dietrich, Greer Garson! Mais depuis Clara Bow, leurs vedettes maison n’ont jamais eu l’élégance comme dénominateur commun! Alors forcément le tapage de ces dames énerve un peu! Marilyn Monroe, Joan Collins, Diana Dors et Jayne Mansfield feront définitivement déborder la coupe.
Jane de son côté, mal vue par un studio qui lui fait tourner n’importe quoi, s’ennuie et se fiance officiellement avec l’architecte très en vogue John Lindsay qui nonobstant la fait de très bien gagner sa vie s’apprête à hériter d’une fortune colossale. Prudente, Jane Nigh a également fait la conquête de Claude Cartier. Claude Cartier, comme on l’aura compris, de la célèbre dynastie de diamantaires!
Hélas pour la Century Fox, June Nigh n’en a pas fini de leur en faire voir de toutes les couleurs. Avec cette fois le concours inattendu d’une autre blonde du studio: Diana Lynn! Diana a mis le grappin sur le beau John Lindsay. Sans doute lassé d’attendre le bon vouloir de Jane. Celle-ci pour ne pas être la dinde de la farce, on a sa dignité, a jeté son dévolu sur Bob Neal, fiancé éconduit de la charmante Diana! On s’arrache les cheveux au studio, on se frotte les mains dans les gazettes! Jane déclare être dévastée de chagrin le jour où Diana Lyn devient madame Lindsay et envoie bouler Bob Neal en signe de bonne foi!
C’en est trop, le studio résilie son contrat!
Libre et sans attaches professionnelles comme sentimentales, Jane déclare, sans doute un peu tard « Je connais peut-être 1% de tous les hommes à qui on m’a dit liée! Tout ca c’est bobard de journalistes! je suis le genre de fille qui rentre le soir épuisée du studio et préfère rester à la maison à lire un bon livre! » Puis elle ajoutait « Et quand bien même je n’ai pas le choix, il n’y a pas un seul homme présentable à Hollywood! » ou « Comment se faire des centaines d’ennemis influents en deux phrases par Jane Nigh! Les journalistes, en particulier, traités de menteurs par l’actrice se désintéressèrent de ses faits et gestes et ne relayèrent même pas sa liaison avec Scott Brady ou Dan Dailey ni son hospitalisation.
Etrangement, malgré sa présence rare aux écrans, Jane Nigh a un réel public. Ses fans réclament des films avec elle en vedette, et qu’un magazine mette sa photo en couverture et les ventes montent en flèche! On essaiera donc de satisfaire tout le monde en lui offrant des rôles plus consistants bien qu’épouvantablement stéréotypés dans quelques westerns de série B comme il s’en tourne des milliers à Hollywood.
Jane de son côté avait compris depuis belle lurette qu’Hollywood ne serait pas pour elle le tremplin vers la gloire et la fortune. Elle s’était diversifiée en enregistrant un premier disque de chansons. le succès avait été suffisant pour qu’on lui propose une tournée en Corée pour distraire les militaires américains. Elle devance donc Marilyn Monroe dans l’emploi. Puis, rentrée au pays, la télévision lui offre un contrat absolument mirobolant que personne n’aurait refusé. Jane s’engouffre. Elle ne refera plus jamais de cinéma après son retour de Corée en 1952 et deviendra une grande vedette de la télévision américaine dix ans durant.
Mais à l’heure de son retour, Jane a d’autres chats à fouetter. Elle est rentrée au bras du beau lieutenant John E. Baker. Le couple se marie à Las Vegas. Jane annonce renoncer à sa carrière au cinéma. Le couple Baker s’installe dans un ranch à la campagne et compte bien y couler des jours paisibles ave leurs enfants.
Jane travaille pour la télévision et tient un rôle récurrent dans le feuilleton « Big Town ». Un énorme succès.
Lorsqu’elle découvre qu’elle attend un heureux évènement, elle renonce sans hésiter à son rôle qui échoit à Beverly Tyler.
Malheureusement, le 3 Novembre 1952, sa petite fille naît prématurément et ne vit que quelques heures. Jane est dévastée.
Le couple Baker surmonte son chagrin. Si Jane tourne encore pour la télévision, elle déclare: « C’est par passion pour ce métier, aujourd’hui je ne me considère plus comme une actrice mais comme une femme au foyer. Mon mari et moi cultivons le coton, nous nous aimons, nous vivons heureux et si demain je ne devais plus tourner ca ne changerait rien dans ma vie! »
Les Baker avaient enfin eu un autre enfant, un fils en parfaite santé, John Christopher né le 2 Février 1954. Une petite fille allait suivre: Stacy Jane née le 2 janvier 1955. Stacy naît elle aussi prématurément et devra rester huit semaines en couveuse entre la vie et la mort.
En 1959, nouveau coup de théâtre! Le couple Baker divorce! Jane déclare: « Quand il n’est ni à la chasse ni à la pêche ni ivre mort, il se souvient que j’existe! » Elle ne demande rien pour elle mais une pension alimentaire pour ses deux enfants que son mari refuse de lui donner. C’est le moment où Jane Night en jeune mère éplorée pourrait toucher les cœur des bien pensants. Malheureusement, elle n’a rien de plus pressé que de se jeter au cou de Ted Jordan, l’ex de la strip-teaseuse Lili Saint Cyr!
Le 18 Mars 1963, Jane Nigh avait enfin obtenu sa pension alimentaire et se remariait avec un milliardaire fabriquant de contreplaqué. Norma Davidson Jr. Le 19 Décembre de la même année, leur fille Julia Lee vient au monde. Mais Davidson n’est pas que le père de sa fille, il est aussi un mari violent. En Février 1964 ils divorcent, Jane reçoit deux millions de $ et une pension alimentaire confortable. En Juillet 1966 ils se pardonnent leurs offenses et se remarient. 2 mois et 17 jours plus tard ils sont à nouveau séparés. Ils se réconcilieront encore avant de se re-re-séparer en 1967.
Jane Nigh reviendra s’installer dans sa chère Californie natale et ouvrira un joaillerie qu’elle fera fructifier jusqu’en 1985. Elle n’avait pas été la tendre élue de Claude Cartier pour rien!
C’est dans une discrétion absolue qui ne lui ressemblait pas le moins du monde qu’elle s’éteint à 68 ans, foudroyée par une crise cardiaque le 5 Octobre 1993
Celine Colassin
QUE VOIR?
1944: Laura: Avec Gene Tierney, Clifton Webb et Dana Andrews
1944: Something for the Boys: Avec Carmen Miranda et Vivian Blaine
1945: State Fair: Avec Jeanne Crain, Vivian Blaine et Dana Andrews
1947: Unconquered: Avec Paulette Goddard et Gary Cooper
1948: Give my Regards to Broadway: Avec Nancy Guild et Dan Dailey
1949: Red, Hot and Blue: Avec Betty Hutton, Victor Mature et June Havoc
1950: Capitain Carey USA: Avec Wanda Hendrix et Alan Ladd
1950: Country Fair: Avec Rory Calhoun
1952: Fort Osage: Avec Rod Cameron
1952: Rodeo: Avec John Archer