A ceux qui croient ne pas connaître Joan Greenwood, je répondrai, un rien ébouriffée, « Vous n’avez donc pas vu Bourvil dans « Passe Muraille »? Et cette élégante créature moitié rat d’hôtel moitié mannequin de chez Dior, susurrant d’une voix que l’on s’attendrait à trouver chez Eartha Kitt, étrangement grave et sensuelle ses « Garrou-garrou » comme un panthère en chipotant son os de zébu, vous ne vous en souvenez pas? Et bien, mes bons, cette sensuelle qui mettait Bourvil dans tous ses états à coup de « Garrou-Garrou », c’était la divinissime Joan Greenwood.
La belle, naturellement blonde, naît à Chelsea dans une famille d’artistes le 4 Mars 1921. Après une stricte éducation religieuse, elle rejoint l’académie royale d’art dramatique et fait ses premiers pas sur scène à 17 ans. D’une taille délicieusement menue, elle reste la plus petite des actrices à avoir joué Peter Pan! Rôle où on n’a pourtant jamais vu de girafes!
La vie de Joan Greenwood peut lui sembler à juste titre enchanteresse! Elle connaît d’emblée le succès dans un métier qu’elle adore et aurait probablement passé sa vie sur un nuage si la fureur des hommes n’avait pas mis le monde à feu et à sang avant qu’elle n’ait fêté ses vingt ans. Elle restera dans Londres sous les bombes. Elle en profitera pour faire crânement ses débuts au cinéma, toujours sous les bombes. Dès ses 21 ans accomplis, elle passera d’abord son brevet de pilote avant de répéter sa pièce suivante. Au cas où sa gracieuse majesté eut besoin de ses services pour bombarder quelques malotrus voulant s’en prendre à la couronne!
Joan Greenwood fut au cinéma belle et brillante, marquant tous ses rôles de sa très réelle personnalité d’actrice. Un critique la définissant en ces termes: « Cette petite poupée de délicate porcelaine s’exprime avec élégance et avec la voix de quelqu’un qui se gargarise la gorge au champagne« . un autre ajoutant: « Cette rose anglaise avec cette voix scandaleusement érotique« La paix revenue, Joan Greenwood tenta comme la plupart de ses compatriotes l’aventure Hollywoodienne et en revint fort énervée.
« J’ai tourné quatre mois pour apparaître l’écran cinq minutes, je n’ai pas de temps à perdre avec de telles choses, surtout avec un assistant collé à mes basques qui est payé pour veiller à ce que je n’expose pas mes cheveux au soleil !« . Miss Greenwood ne resta cependant pas sur une défaite, elle profita de son séjour Américain pour traverser le pays et aller mettre Broadway à ses pieds. Elle reviendra régulièrement s’y faire applaudir durant toutes les années 50.
N’étant pas d’un naturel rancunier, Joan Greenwood reviendra comme de bien entendu tourner à Hollywood et y donnera entre autres, la réplique à Henri Fonda, Herbert Marshall, Albert Finney ou Christopher Plummer. Elle est parfois mystérieusement distribuée comme dans « L’île mystérieuse » où blonde platinée elle bataille avec un poulet géant avant de rencontrer le capitaine Nemo en personne.
La France elle-même n’est insensible ni à sa beauté ni à son talent, ni même à sa solide cote commerciale et elle donnera la réplique aux icônes bleu-blanc rouge des années 50 que sont Bourvil et Gérard Philipe. Terriblement sollicitée par le théâtre et consacrant son peu de loisirs au cinéma, elle ne trouvera le temps pour un mariage qu’en 1960, s’enfuyant avec l’élu de son coeur en Jamaïque pour y convoler. Joan Greenwood devenait la femme de l’acteur André Morell avec qui elle jouait Hedda Gabber sur scène et resterait son épouse jusqu’à ce que la mort la sépare d’André en 1978. André Morell était un acteur respecté et un gentleman dans la grande acceptation du terme. Il forma avec Joan un couple de prestige. Bien qu’il soit apparu dans des productions hollywoodiennes de grande envergure comme « Le Pont de la Rivière Kwai » ou « Ben Hur », il se spécialisera comme Christopher Lee dans un cinéma d’épouvante qui lui plaît beaucoup. A la mort d’André, Joan resta seule avec son fils Jason et ne se remaria jamais.
Elle poursuivit sa carrière avec la même voracité et le même succès et finit par ajouter la télévision à ses activités, devenant une des grandes favorites du public anglais. Elle est une des seules grandes beauté du cinéma à avoir déclaré en toute sincérité: « Me voilà enfin vieille, les rôles que j’ai à jouer sont bien plus intéressants qu’avant!«
Elle ne fut hélas pas vieille très longtemps (le fut-elle d’ailleurs vraiment?) Une crise cardiaque la foudroie le 27 Février 1987 alors qu’elle s’apprêtait à fêter son 66ème anniversaire quelques jours plus tard.
Elle laissa son fils Jason dans le deuil et son public dans le désarroi.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1943: The Gentle Sex: Avec Lilli Palmer et Rosamund John.
1946: They Knew Mr Knight: Avec Mervin Johns et Nora Swinburne
1947: The Man Within: Avec Jean Kent et Michael Redgrave
1947: The White Unicorn: Avec Margaret Lockwood, Julia Lockwood et Ian Hunter
1948: Saraband of Dead Lovers: Avec Stewart Granger, Françoise Rosay et Flora Robson
1949: The Bad Lord Byron: Avec Dennis Price et Mai Zetterling
1949: Kind Hearts and Coronets: Avec Dennis Price, Valérie Hobson et Alec Guiness.
1949: Whisky Galore: Avec Basil Radford et James Robertson Justice
1950: Le Passe Muraille: Avec Bourvil et Marcelle Arnold
1951: Mr Peek a Boo: Avec Bourvil
1951: L’Homme au Complet Blanc: Avec Alec Guinness
1951: Whisky à Gogo: Avec Basil Radford et Catherine Lacey.
1951: Flesh and Blood: Avec Richard Todd et Glynis Johns
1951: Young Wives Tale: Avec Nigel Patrick et Audrey Hepburn
1952: The Importance of Being Earnest: Avec Michael Redgrave et Edith Evans
1954: Monsieur Ripois: Avec Gérard Philippe, Natasha Parry et Valérie Hobson
1956: The Opposite Sex: Avec June Allyson, Joan Collins, Ann Sheridan et Joan Blondell.
1958: Stage Struck: Avec Henri Fonda Herbert Marshall et Susan Strasberg
1959: Le Chien des Baskerville: Avec André Morell
1963: Tom Jones: Avec Albert Finney et Susannah York
1961: Mysterious Island: Avec Michael Craig et Gary Merril
1971: Girl Stroke Boy: Avec Michael Horden.
1987: Little Dorrit: Avec Derk Jacobi et Alec Guiness (Ce film sortit de manière posthume pour Joan Greenwood)