Dans les années 60, soudain, le monde ou plus exactement la planète people s’enticha d’un nouveau type féminin. Un type survenu d’outre manche, le type jeune fille aux jupes courtes aux cheveux longs et raides. C’est la « silhouette de jeune fille anglo-saxonne au teint translucide, aux longs cheveux cendrés et aux yeux clairs » comme les définit le très sérieux magazine VOGUE Des jeunes filles aux jambes longues et aux poitrines menues, des jeunes filles qui s’appelaient Julie Christie, Charlotte Rampling, Jane Birkin! Tel était le nec soudain de la séduction. Si soudain qu’il reléguait avec les vestiges de l’ère glaciaire les artifices vampesques d’une Marilyn Monroe ou d’une Gina Lollobrigida!
A mort Jayne Mansfield ou Diana Dors et même Sophia Loren! Vive Françoise Hardy! Et vive la très éphémère Joanna Shimkus dont le passage tout éphémère qu’il soit n’en fut pas moins spectaculaire.
La nouvelle beauté anglaise n’avait en réalité encore jamais mis les pieds sur l’île de sa gracieuse majesté lorsqu’elle devint follement célèbre!
Joanna Shimkus est née au Canada, à Halifax. le 30 Octobre 1943. Et si elle devient célèbre à peine sortie de l’adolescence, ce n’est pas à Londres mais à Paris que cela se passe. la jeune Joanna est une de ces jeunes filles dont la mode soudain s’entiche et en quelques mois.
Le père de Joanna est directeur d’un grand magasin et elle est persuadée qu’elle aussi fera carrière dans le commerce. Mais avant de s’y mettre, elle a un rêve à réaliser: visiter Paris.
Débarquée en France sans un rond, Elle se plaît follement à Paris et souhaite y rester plus longtemps. Alors il lui faut un peu d’argent. Faisant quelques photos pour vivre, de mannequin anonyme elle devient une égérie du prestigieux magazine VOGUE! Elle s’affiche partout et elle gagne très vite beaucoup d’argent. Son visage en couverture du magazine fait monter les ventes. Qu’elle porte les créations d’un couturier et ca se ressent jusque dans la rue car toutes les femmes, toutes les jeunes filles s’en inspirent! Diana Vreeland, rédactrice en chef du VOGUE USA écrit « Faire une rubrique beauté aujourd’hui est devenu très simple! Il n’y a qu’une seule véritable beauté au monde, c’est Joanna Shimkus, le reste inutile d’en parler!«
Comment le cinéma ne se serait-il pas lui aussi entiché de la belle Joanna? Surtout si Jean Aurel, ce grand amateur de beautés à filmer s’apprête à réaliser « De l’Amour » avec Anna Karina et Elsa Martinelli? Mais Joanna est d’abord et avant tout une créature de papier glacé, pas de pellicule. En 1966, dans « Qui Etes-vous Polly Maggoo », elle joue son propre rôle, celui d’un mannequin. Plus tard chaque fois qu’elle voudra évoquer ces premières expériences, à peine de la figuration, elle éclatera de rire en se souvenant de son attitude complètement empotée.
Lorsqu’elle abandonna la mode pour le cinéma alors qu’on ne l’avait jamais autant sollicitée et aussi somptuairement payée, on s’étonna.
Ne lâchait-elle pas la proie pour l’ombre? Il fallait au moins que le cinéma ait été une vocation.
Mais non, même pas! Elle n’y avait jamais pensé!
Il faudra toute la patience de Robert Enrico qui s’en entiche complètement pour qu’enfin, Joanna Shimkus actrice voie le jour. Il fera d’elle son actrice trois fois, lui donnant les plus prestigieux noms du cinéma comme partenaires dont Alain Delon, Jean-Paul Belmondo et Lino Ventura. Bientôt elle connaît ses propres succès personnels à l’écran avec « Tante Zita » et « Ho! ».
Sur ses tournages elle est comme dans la vie, calme, stoïque, patiente. ur le tournage de « Tante Zita », la comédienne Katina Paxinou trans pire tout ce qu’elle peut sous une montagne de couvertures. Dans le scénario, tante Zita est malade. Il fait une chaleur de four sur le plateau. Pendant qu’on règle les éclairages, la présence de Joanna n’est pas requise. Elle pourrait se prélasser dans sa loge bien tranquillement. Mais non, elle reste là, dans un coin du plateau. DE temps en temps elle fait un petit signe affectueux à Katina en train de fondre comme si c’était vraiment sa tante, comme si elle était vraiment souffrante. Elle pousse même la compassion jusqu’à transpirer tout autant.
La presse crut que le film avait été écrit pour elle tant elle y était à sa place. Robert Enrico dut démentir en expliquant que l’histoire de cette jeune fille qui découvre l’amour la nuit même où sa tante adorée qui l’a élevée meurt était l’histoire de sa femme Lucie Hanon. Il s’empressait quand même d’ajouter que sans Joanna le film n’était pas possible. Aucune fille jusqu’ici n’avait autant de charme, de grâce, de pudeur et de lyrisme tout à la fois.
Joanna qui entend celui qu’elle appelle « Monsieur Enrico » sourit en baissant pudiquement les yeux. Plus tard elle dira « Monsieur Enrico m’a fait confiance, il m’a tout appris puis m’a donné ma grande chance avec « Les aventuriers », je lui dois tout.
Elle reste une créature discrète, ne s’exprimant que peu en dehors de ses films, sauf peut-être pour monter en chaire contre le réalisateur Christopher Miles qui la dirige dans « La Vierge et le Gitan » avec Franco Nero.
« J’avais une doublure pour les scènes de nu mais Christopher Miles m’a expliqué par A+B que si je ne tournais pas au moins une partie de la scène seins nus et face caméra on ne comprendrait pas grand chose. je l’ai cru et je l’ai fait dans l’intérêt du film. Maintenant que j’ai vu le film je comprends qu’il s’est moqué de moi et j’exige que ces images soient supprimées » Ce qui sera fait.
Joanna est donc devenue une star en quelques films et une star authentique à la Greta Garbo d’autrefois. Elle choisit ses rares films avec patience et discernement. Elle ne se montre guère en dehors de ses tournages, reste avare de confidences et ne se montre jamais à la télévision. Hollywood bien entendu s’intéresse de fort près à cette créature divine et lorsqu’elle quitte Paris pour Los Angeles tout le monde est absolument persuadé qu’il s’agit d’un nouvel échelon vers les sommets de la gloire, là où est sa vraie place. ne s’envole-elle pas pour aller y donner la réplique au couple Burton-Taylor?
A l’annonce de son départ, toute la presse cinéma s’affola mais impossible d’en savoir d’avantage. A toutes les questions, Joanna répond par un sourire. Secrète et prudente. Son ascension a été si fulgurante que sa chute pourrait l’âtre tout autant. Alors avec son accent à la Birkin et son doux sourire elle dit « Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui je suis à Paris et que j’aime Paris! » Il faudra s’en contenter!
Qui pouvait imaginer un seul instant qu’elle tomberait follement amoureuse de l’acteur noir Sidney Poitier et qu’elle arrêterait tout net sa carrière pour devenir son épouse le 23 janvier 1976 et la mère de leurs deux filles Anika et Sydney? Sidney Poitier est l’aîné de Joanna de 16 ans mais cela n’empêche pas ce mariage de durer plus de 45 ans! Sidney Poitiers a fait de Joanna sa veuve 17 jours avant de fêter leurs 46 ans de mariage. Sidney a été terrassé par une crise cardiaque dans leur maison de Beverly Hills. Il avait 94 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1964: De l’Amour: Avec Anna Karina, Michel Piccoli et Elsa Martinelli
1965: Paris vu par… Avec Serge Darvi
1966: Qui Etes-Vous Polly Maggoo: Avec Dorothy MacGowan
1967: Les Aventuriers: Avec Alain Delon et Lino Ventura
1967: A Time for Loving: Avec Britt Ekland et Susan Hampshire
1968: Ho! Avec Jean-Paul Belmondo
1968: Tante Zita: Avec Bernard Fresson et Katina Paxinou
1968: Boom: Avec Elizabeth Taylor et Richard Burton
1969: L’Invitée: Avec Michel Piccoli et Paul Barge
1970: The Virgin and the Gipsy: Avec Franco Nero
1971: The Marriage of a Young Stockbroker: Avec Richard Benjamin
1972: A Time for Living: Avec Mel Ferrer et Britt Ekland
2012: Yard Sale (court métrage) avec Resmine Atis et Sidney Tamila Poitier