En 1973, même si c’est le nom de Raquel Welch qui brille en haut de l’affiche de « Barbe Bleue » au côté de Richard Burton, c’est pourtant bel et bien la charmante Joey Heatherton qui a le premier rôle féminin du film devant dame Raquel, Virna Lisi, Marilu Tolo, Karin Schubert , Agostina Belli et Sybil Danning.
Davenie Johanna Heatherton naît à New-York le 14 Septembre 1944. Elle est la précieuse fille d’Heatherton Ray qui connaît la gloire à Broadway en qualité d’acteur, chanteur et danseur. Sa réputation fort flatteuse aurait pu s’étendre au cinéma si Hollywood ne lui avait pas préféré le plus rentable Mickey Rooney pour tenir à l’écran le rôle qu’Heatherton avait porté au triomphe sur les planches dans « Babe in Arms ».
Malgré de sévères études dans de très catholiques collèges, la petite Davenie, surnommée Joey depuis toujours, ne pouvait pas échapper éternellement aux feux de la rampe, à quinze ans elle est une habituée des plateaux où son statut est un peu particulier et plutôt privilégié. Si on devait jouer au jeu des comparaisons, on pourrait dire alors qu’elle est une Lolita à mi chemin entre Liza Minnelli et Goldie Hawn
Les stars de Broadway sont en cette fin des années 50 très présentes à la télévision, Joey y a fait son entrée dans le sillage de son illustre père. Ravissante, chantant juste et bien, elle est régulièrement invitée dans les « shows » des plus prestigieux crooneurs américains, histoire d’interpeller un public de teenagers, les plus grands consommateurs de disques du marché américain. C’est ainsi que Joey grandit en chantant avec Perry Como et s’épanouit avec Dean Martin et Frank Sinatra, sa présence sur le petit écran sera régulière jusqu’au milieu des années 70, soit une solide quinzaine d’années.
Elle est aussi un des fers de lance des tournées USO avec Bob Hope. Ce sont des spectacles proposés aux troupes américaines en mission. De Marlène Dietrich à Marilyn Monroe, de Marilyn à Jayne Mansfield et de Jayne Mansfield à Raquel Welch, les tournées USO sont un must dans la carrière d’un sex symbol hollywoodien. Mais Joey Heatherton s’y collera toute une décennie car plus, bien plus qu’un sex symbol, elle est une bête de scène de première force.
Bien sûr elle apparaît dans une multitude des séries, et inévitablement le cinéma allait se pencher sur son cas. Elle sera particulièrement remarquée en 1964, jouant la fille meurtrière de Susan Hayward alors que l’on sait parfaitement que « Where Love Has Gone? » retrace « l’affaire Cheryl Crane », la fille meurtrière de Lana Turner. Joey est Cheryl, Susan Hayward est Lana.
En 1969; Joey est devenue pour l’état civil madame Lance Rentzel, joueur de football américain aussi célèbre que ne le fut Joe Di Maggio au base ball ou…Eddy Merckx au cyclisme! Le joli mariage tournera court lorsque l’heureux mari footballeur sera arrêté pour exhibitionnisme face à des petites filles! Joey apprendra que son cher mari est un ardent récidiviste et encourt maintenant une peine de dix ans de prison ferme. Il y échappera contre la promesse de suivre un traitement psychiatrique mais entretemps Joey aura pris la fuite et demandé le divorce. C’est au cours de cette période troublée que Joey accepte « Barbe Bleue », essentiellement parce que le film se tourne en Europe, à Budapest, et l’éloigne de la bouillie médiatisée qu’est devenue sa vie.
Joey est tout simplement excellente dans le film mais dieu sait pourquoi les propositions qu’elle était en droit d’attendre ne suivront pas.
Un petit scandale ayant émaillé le tournage, la presse se régala et curieusement, Joey qui n’y était strictement pour rien. A l’heure dudit tournage, Monsieur Barbe-bleue Burton est l’époux très aviné de la très enrobée Liz Taylor. Alors évidemment, la presse se régale d’avance à l’idée du monsieur lâché au beau milieu de ses huit femmes de cinéma toutes plus séduisantes, plus jeunes et plus minces que Liz. Celle-ci lève à peine un faux-cil d’un air dédaigneux pour affirmer qu’elle ne craint personne. Son Richard elle l’a bien en mains. A peine quelques jours plus tard, on apprenait que sous son aspect matrimonialement débonnaire, la tigresse Liz était toujours bien là. Et qu’à ce titre, elle avait fracassé une chaise sur la tête d’une de ces dames! Liz éructait à propos de « cette petite blondasse de starlette minable! Pour qui se prenait-elle? Richard était à elle, il était son bien, sa chose et gare à qui y touche. Liz, pour ne pas faire de publicité à sa rivale du jour, se garda bien de mentionner son nom. Et aucune fracture du crâne n’ayant été mentionnée dans les hôpitaux environnants, on en déduisit que, Raquel Welch étant brune, c’était donc Joey Heatherton, cette blonde allumeuse à cervelle de moineau.
En réalité, Liz n’était pas dans les environs. Elle commençait ailleurs le tournage de « Night Watch ». Et bien qu’à l’époque elle boive autant que Burton, elle est bien plus résistante. On n’a jamais vu Liz Taylor tituber. Au comble de la soulographie, elle rit pour un rien, bredouille un peu et s’exprime avec une vois haut perchée qui la fait rire elle-même. A Budapest, Burton est tellement imbibé d’alcool qui n’est plus jamais à jeun. Lorsqu’il arrive sur le tournage il a déjà avalé un demi litre de vodka et il faut deux assistants pour l’extirper de sa Rolls. Il ne peut tourner qu’une heure ou deux par jour. Liz le sait et c’est pour ça qu’elle n’est pas inquiète outre mesure. Son Richard n’est pas en état de satisfaire à la bagatelle. Un soir où il tourne une simple scène de raccord avec une de ses blondes partenaires, une scène où ils marchent dans une rue et disparaissent en tournant le coin, ils ne réapparaissent pas. La Rolls de Richard attendait derrière le coin en question et le duo s’engouffra dedans en costume d’époque.
Mais la blonde n’était pas Joey Heatherton. C’était…Nathalie Delon.
Richard offrira un énorme saphir à Liz pour se faire pardonner et elle le montrera à tout le monde en disant « Regardez, c’est ma bague Nathalie! »
Or, ce n’était pas Joey.
Ce scandale aujourd’hui bien oublié a t’il à l’époque à ce point entaché l’image de la belle Joey? Je l’ignore. Si c’est le cas c’est un comble puisqu’elle n’y était pour rien.
On la croisera encore à la télévision et même dans Play-Boy mais peu à peu l’étoile de Joey Heatherton faiblit avant de s’effacer complètement.
C’est très dommage, Joey Heatherton était vraiment sensationnelle.
Je pourrais m’étendre sur les démêlées judiciaires qui ont entaché sa jeune retraite, mais elle n’a jamais été condamnée et les charges ont toujours été levées ou abandonnées, alors à quoi bon? Est-ce vraiment important de savoir si elle avait vraiment séjourné dans cet hôtel qui lui envoyait une facture alors qu’elle était certaine de n’y avoir jamais mis les pieds? Oui elle avait mis des claques à un employé de bureau mais qui n’en a jamais eu envie? Les seuls faits avérés sont une dispute qu’elle avait eue avec son compagnon de vie. la chose ayant éclaté dans la cuisine, excédée, Joey lui avait fichu un coup de couteau à steak. Puis effarée de voir à quel point le couteau à steak était une arme efficace elle avait appelé les secours. Lors de sa déposition à la police, ces messieurs ne voulaient pas croire qu’ils avaient devant eux la star Joey Heatherton. Alors Joey excédée leur a lancé son sac à main à la figure pour qu’ils vérifient ses papiers. La charmante avait oublié que son sac contenait également sa petite provision de cocaïne. Là aussi l’affaire restera sans suite.
Son père s’éteindra en 1997.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1963: Twilight of Honor: Avec Richard Chamberlain et Claude Rains
1964: Where Love Has Gone? Avec Susan Hayward, Bette Davis et Jane Greer
1973: Barbe Bleue: Avec Richard Burton
1986: The perlis of P.K. Avec Nora Hayden et Kaye Ballard