Pour aborder le « cas » Johanna Matz il faudrait tout d’abord évoquer une particularité, un genre, j’aurais presque envie de dire un certain folklore. Je veux parler de la jeune fille viennoise! Certes, on rencontre des types de femmes et donc d’actrices propres à un pays. Les actrices italiennes ne sont pas les actrices espagnoles et les actrices américaines ne sont pas les actrices françaises et ne parlons pas des Irlandaises qui ne sont pas des Anglaises! Mais on reste malgré tout dans des notions de nationalité, d’origine. Mais imagine-on que l’on puisse trouver des actrices uniquement romaines, madrilènes voire même de Seattle ou de Vitry le François?
Et bien l’actrice viennoise existe!
Il s’agit d’une jeune fille blonde aux yeux clairs, facilement rieuse et aux bonnes joues roses sentant probablement le lait frais et le muguet! Elle aime les petites biches les petits lapins, les sapins de noël, son papa, sa maman et surtout, surtout les crinolines qui ont l’air faites en crème fouettée pour aller tournicoter sur les parquets cirés, celà s’appelle valser au bal de l’empereur, afin de se livrer à son biathlon favori: la danse et la chasse au prince! Car lorsque la viennoise fait tourner sa robe sur une valse de Strauss, et bien un prince arrive, c’est comme ça, c’est une loi de la nature, nous sommes à Vienne ! Le parfait prototype de la jeune fille Viennoise n’est pas comme on pourrait le croire Romy Schneider qui tourna pourtant beaucoup engoncée dans le moule froufroutant de petites écervelées tiraillées entre les convenances héritées de l’empire et des poussées hormonales violentes qui feraient rougir lady Chatterley et fuir tout un régiment de gardes chasses! Romy malgré ses « Sissi » en série ne fut que l’aspirante au trône de la « jeune fille viennoise » absolue, laquelle fut bel et bien Johanna Matz.
Cette créature étrange naquit à Vienne (Il ne naît pas de jeunes filles viennoise ailleurs, c’est interdit!) en 1932, le 5 Octobre. Elle est donc l’aînée de Romy de six ans. Johanna Maria Dorothée Emilie Matz prit de très sérieuses leçons de danse dès l’âge de quatre ans (ce qui est obligatoire pour une parfaite future jeune fille viennoise ne l’oublions pas) et suivit ensuite les cours de théâtre du très célèbre Max Reinhardt. La demoiselle était une élève douée et se révéla une actrice de première force, ce qu’aucun de ses futurs rôles filmés ne laissera deviner. Il faut savoir que les films avec des jeunes filles viennoises dedans laissent peu de place aux personnages à la Blanche Dubois ou à la Cléopâtre. Non! L’intrigue essentielle du film tient à ce qu’après avoir valsé au bal avec le prince, il l’invite à manger des fraises, mais que la greluche est allergique, les fraises lui donnent des boutons alors elle les refuse et le prince qui est un peu benêt se croit repoussé. Alors elle pleure beaucoup mais tout s’arrange! Si le film marche (ce qui ne loupe jamais) il y aura une suite ou le prince lui offrira des fleurs qui la font éternuer ! (Mais où vont-ils chercher tout ça?) On peut dès lors comprendre que Johanna ne manqua jamais de s’exclamer dès qu’elle voyait un journaliste: « Je suis avant tout une actrice de théâtre car j’aime exprimer des émotions! »
Et rendons justice à cette très gracieuse personne, lorsqu’elle fut diplômée de l’académie Reinhardt, elle passa une audition pour le très prestigieux Burgtheater. Elle sera engagée et son contrat sera renouvelé chaque année durant 43 ans! Mais son règne fabuleux sur les planches où elle aborda tous les rôles et tous les répertoires n’égala jamais dans le coeur des viennois, ses étranges compatriotes sa gloire filmée et juponnante!
Oh, bien sûr, Johanna sortira parfois de ses crinolines roses et bleues pour des oeuvres plus « risquées » comme « Asphalte » ou « Mannequins pour Rio » où elle finit respectivement victime d’un proxénète local puis de la traite des blanches!
Et même si j’ai l’air de me moquer un peu, sa gloire fut bien réelle, et comme pour Romy Schneider, Otto Preminger l’invitera à Hollywood pour « The Moon is Blue » ce qui ennoblit quand même un palmarès! (et déclencha une colère cyclonique chez Dawn Addams qui étripa Johanna par voie de presse pour une histoire de rôle qui tout compte fait se passait au téléphone!)
Johanna fut donc une star fulgurante des années 50 et il n’y eut guère que Romy Schneider, Maria Perschy et Marion Michael pour lui faire une vague concurrence très momentanée. En 1956, Johanna épouse l’élu de son coeur, l’acteur Karl Hakenberg qui la laissera veuve en 2002 après 46 ans de mariage. Le couple avait un enfant.
Le temps passant, Johanna revint de plus en plus à son cher théâtre attitré mais resta d’une éblouissante somptuosité. La maturité avait gommé les rondeurs un peu trop « bébé Cadum » de l’adolescente et elle était devenue une altière créature à la beauté proche de celle d’une Grace Kelly période monégasque. Il m’est d’ailleurs arrivé de trouver la photo d’ouverture de cet article référenciée comme étant une photo de la princesse Grâce. Il faut dire que l’on voyait rarement Johanna en négligé. La robe de bal gardait ses préférences et restait le symbole de sa popularité viennoise.
L’actrice, veuve, ne resta pas solitaire. Elle se remaria avec un certain Harry von Wutzler et le couple coule aujourd’hui une retraite paisible…Non loin de Vienne, où d’autre?
Johanna abandonna sa carrière en 2004, elle avait déjà renoncé au cinéma depuis 1947 et ne se consacrait plus qu’au théâtre et à la télévision après avoir tenu une quarantaine de grands premiers rôles et une véritable myriades de pièces en tous genres qu’elle conduisit au succès avec une sidérante régularité.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1951: Der Alte Sünder: Avec Maria Andergast et Rosa Albach Rety (la grand’mère de Romy Schneider)
1951: Asphalt: Avec Viktor Gschmeidler
1952: Im Weibel Röbl: Avec Johannes Heesters
1953: The Moon is Blue: Avec Maggie MacNamara, William Holden et David Niven
1953: Arlette erobert Paris: Avec Karlheinz Böhm
1954: Mannequins pour Rio: Avec Scott Brady et Raymond Burr
1958: Im Prater Blüh’n Wieder die Bäume: Avec Gerhard Riedmann
1960: Frau Warrens Gewerbe: Avec Lilli Palmer et O.E. Hasse
1962:Das Leben Beginnt um Acht: Avec O.E. Hasse et Helmut Wildt
1962:Die glücklichen Jahre der Thorwalds: Avec Elisabeth Bergner
1965: Ruff Der Wälder: Avec Terrence Hill
1971: Der Kapitän: Avec Horst Tappert