linnea heacock

Je sais que cela va vous paraître tout à fait improbable, mais j’ai trouvé dans l’histoire du cinéma, une étoile plus filante encore que ces divines créatures des podiums et des couvertures de magazines ayant abandonné leur univers de luxe glacé le temps d’un film.

J’ai nommé Linnea Heacock.

Linnea dont la trace se perd dans les méandres du souvenir au point qu’il me semble impossible de trouver sur elle des informations du style « quand et où est-elle née, qui étaient ses parents que fit-elle qui aima-elle et que devint elle? Linnea ne fit qu’un film et savait pertinemment avant de le commencer qu’elle n’en ferait pas d’autre! Et qu’elle soit dans ce film la star de Milos Forman ne changeait rien à l’affaire, personne n’avait encore entendu parler de Milos Forman!

En 1967, le monde adoptait des couleurs psychédéliques, en 1968 les jeunes se révoltaient et faisaient valser les pavés de Paris, en 1969 on allait nus à Woodstock écouter de la musique POP, en 1970 le Flower Power était affaire entendue, le pouvoir jeune avait conquis le monde et ça avait été relativement facile, il ne s’était pas défendu.

linnea heacock

Il avait suffi de se laisser pousser les cheveux et la barbe pour y planter des marguerites et de la marijuana, de s’habiller de fripes pour écouter Bob Dylan, de s’acheter un camionnette pour partir en voyage initiatique à Katmandou, de pratiquer l’amour libre et de ne plus jamais s’asseoir sur des chaises mais toujours par terre pour crier « paix au Viêt-Nam! » Devant cet état de fait, Hollywood eut un peu du mal à s’adapter! L’essentiel de ses stars se drapa dans une dignité quelque peu ébouriffée et se retourna vers la télévision ou la maison de retraite. D’autres tentèrent de suivre le mouvement en raccourcissant ses jupes et en mettant le feu à sa guêpière comme Natalie Wood, Doris Day, Shirley MacLaine ou Dyan Cannon.

Il était clair que cette nouvelle génération n’irait plus voir les films d’Esther Williams ou de Betty Grable.  Même à la cinémathèque! Elvis faisait figure de vieux dinosaure adipeux, en bref le cinéma perdait des clients! On allait bien tenter de séduire en commettant des comédies musicales très échevelées comme « Hair » ou « Jésus Christ Superstar » mais tout ça ne fait pas une industrie rentable! On prit alors la décision de faire des films plus engagés mais moins chers et de confier leur réalisation a des cinéastes jeunes, débutants de préférence et détestant leur coiffeur!

C’est ainsi que Milos Forman put mettre en chantier son premier film « Taking Off », initialement « S.P.F.C. » à savoir « Société de parents d’enfants fugitifs » Chaque année nous dit Milos en 1970, 500.000 jeunes disparaissent en Amérique et on ne les retrouve pas tous.

Voilà le thème du film, mais hélas le budget prévu dépassait le million de dollars, chose qui dorénavant était tout simplement interdite à Hollywood! On rogna un peu sur tout, Milos avait parmi ses « potes » un fils de famille richissime qui vomissait sur sa famille impérialo-capitaliste mais emprunta quand même à papa et maman l’argent qui manquait à Milos pour faire son film. Claude Berri, je tiens à le dire participa lui aussi à l’élaboration de l’oeuvre! De son côté, le réalisateur Tchèque bénissait la révolution culturelle américaine où l’on ne faisait plus, depuis quelques mois, la différence entre un Américain et un étranger. Ca n’allait pas durer et ce n’était pas nouveau puisque Mickey Hargitay disait déjà la même chose  vingt ans plus tôt.

Et donc tout entier à la préparation de son film, il étudiait les « mille et une méthodes pour rogner un budget » en donnant le rôle du père de l’adolescente en fugue à son scénariste Buck Henry, la mère à une copine de John Cassavetes, Lynn Carlin, quant à l’adolescente en question, il la découvrit alors qu’il regardait les photos prises par une amie qui préparait un sujet sur les hippies de Central Park. Parmi les hippies en question, une jeune fille assise sur l’herbe comme l’impose la nouvelle politesse, un « visage d’ange intelligent et désabusé’ et de longs cheveux blonds mal peignés comme c’est également la règle!

Milos la pointa du doigt « C’est elle, il me la faut » clama-il!

On partit donc à la chasse à la belle inconnue blonde, ce ne fut pas difficile car les hippies au look de nouveaux nomades étaient les nouveaux sédentaires puisqu’on les retrouvait toujours invariablement assis au même endroit, sauf quand il pleuvait!

Linnea Heacock, puisque c’est d’elle qu’il s’agit accepta la proposition de Milos Forman, tourna le film sans adresser la parole à aucun journaliste, sans poser pour la moindre photo de mode et pour Playboy » encore moins. Elle fut magnifique, idéale, prodigieuse, une nouvelle star était née à ceci près que la demoiselle avait été très claire: le film terminé elle retournait sur sa pelouse et accessoirement à ses études! »

Ce qu’elle fit!

Milos Forman reconnut qu’il était un peu délicat de diriger des acteurs non professionnels, surtout avec peu d’argent et s’attela à la préparation de son prochain film « Vol au Dessus d’un Nid de Coucou » où cette fois il ferait appel à Jack Nicholson!

On ne revit jamais Linnea Heacock qui se fondit dans sa vie privée, le film de Milos Forman tomba dans l’oubli car le Flower power n’était pas une révolution mais une mode et on passa à autre chose de mieux rangé. On réhabilita les coiffeurs et les chaises et on tourna la page sur les doux rêves utopistes d’une génération et sur la jeune fille blonde au visage d’ange désabusé des pelouses de Central Park où il est désormais interdit de s’asseoir.

Celine Colassin.

linnea heacock

QUE VOIR?

1971: Taking Off: Avec Lynn Carlin et Buck Henry

 

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