La gracieuse Macha Méril, née princesse Marie-Madeleine Gargarine à Rabat au Maroc, le 3 Septembre 1940 faillit bien être une des grandes égéries du cinéma « nouvelle vague ». Les parents de la future Macha font tous les deux partie de l’aristocratie russe ayant dû fuir leur pays à la révolution de 1917. Ils étaient vaguement cousins, Ils avaient déjà été mariés tous les deux, et Wladimir Gargarine, le futur père de Macha avait déjà un fils, Georges, né de ce premier mariage. Avec un reste de fortune personnelle et quelques derniers bijoux à vendre, le couple pourra s’offrir une petite exploitation agricole dans le midi de la France, pays dont ils adopteront la nationalité.
Ils auront trois filles, Hélène et Elizabeth nées en France et Marie-Madeleine la cadette née au Maroc. On pourrait croire le couple Gargarine enfin au bout de ses peines après tant de tumultueuses années, mais il n’en sera hélas rien. Parce que l’on a proposé à Wladimir Gargarine de créer une plantation d’agrumes, la famille s’installe au Maroc, alors sous protectorat français. Mais ce sera la révolte avant la révolution, il faudra fuir et tout abandonner. il y aura la guerre et Georges y sera tué la veille de l’armistice. La paix revenue, Wladimir entamera un long voyage pour se recueillir sur la tombe de son fils dont il ne reviendra hélas jamais, emporté par une épidémie de typhus.
Pour Marie Belsky, veuve avec trois filles dont la plus jeune n’a que cinq ans, les temps s’annoncent difficiles. la petite Marie-Madeleine sera pensionnaire à Sceaux. Devenue une gracieuse adolescente à la peau diaphane et aux yeux bleu faïence, elle s’inscrit à la sorbonne pour y préparer une licence en lettres. Mais lorsque l’on étudie de beaux textes, on a envie de les dire. En parallèle, la jeune Marie-Madeleine suit les cours de Charles Dullin, ceux de l’école du TNP et dès qu’elle en aura les moyens, dévorée par le démon du jeu (d’acteur) elle s’envolera pour New-York et son célèbre Actor’s Studio.
Pour la jeune Marie-Madeleine, les choses vont s’enchaîner à une allure rarement vue.
Nous sommes en 1959, le cinéma accouche de sa nouvelle vague. On aime faire tourner des inconnues sans expérience, souvent même sans talent. Notre demoiselle est choisie par Eric Rohmer pour un court rôle dans « Le Signe du Lion ». Le film toujours au montage, un concours de circonstances va littéralement placer la débutant sur orbite. Un concours de circonstance nommé Brigitte Bardot. La star numéro un incontestée avait donné son accord à Rohmer pour être sa « Pauline à la Plage ». Finalement elle ne fait pas le film mais accepte d’être la vedette du premier film de Gérard Oury « La Main Chaude ». Malheureusement pour Oury, Brigitte convole avec Jacques Charrier. Elle attend un bébé et doit renoncer au film à moins de le jouer enceinte jusqu’au menton. Aucune star française n’a en 1959 un prestige comparable à celui de Brigitte. Gérard Oury décide alors de confier son rôle à une inconnue, ce sera Marie-Madeleine, rebaptisée Macha Méril pour l’occasion!
Comme de bien entendu c’est aussitôt la « folie Macha » . Les propositions pleuvent et parmi elles, celle du photographe de mode Richard Avedon qui l’invite à venir travailler à New-York pour l’illustrissime « Harper’s Bazaar ». New-York! Le mot magique! La ville de Lee Strasberg et de son actor’s studio. Macha n’hésite pas, ses couronnes de vedette française à peine tressées, elle s’envole, s’exile pour deux ans. Les années américaines ne seront pas des années perdues. Après Lauren Bacall, c’est au tour de Macha d’être repérée en couverture du Harper’s Bazaar. La Paramount se penche sur son cas et lui offre un contrat fabuleux, le rêve de toute actrice: six films en sept ans pour l’un des plus mythiques studios de toute l’histoire du cinéma. Aussitôt Macha est dirigée par Daniel Mann qui lui donne le crooner Dean Martin et la sorcière bien aimée Elizabeth Montgomery pour partenaires dans « Who’s been sleeped in my Bed ». Ce qui on s’en doute ne manquait pas de prestige mais n’était pas non plus une nouvelle adaptation d’Anna Karénine.
Si l’on avait proposé à Macha Méril des films d’une plus haute teneur, sans doute son destin en aurait-il été différent. Mais après cette pseudo comédie avec Dean Martin, comment pouvait-elle résister à ce scénario venu de France, celui de « Chère Menteuse » où on lui proposait de devenir la soeur de Marina Vlady sous la direction de Michel Deville. Macha revint, elle s’entendit comme larrons en foire avec Marina et les deux comédiennes s’amusaient à troquer leurs costumes, Marina préférant la chemise de nuit attribuée à Macha et celle-ci, celà tombait bien, briguait le pyjama que n’aimait pas Marina!
L’actrice se partage alors entre New-York et Paris, déclarant qu’elle tient à faire un film français par an et fait le silence sur son mari américain. C’est pour cette raison dit-elle qu’elle fera « Le Mépris » avec…Brigitte Bardot! Un mari américain que Macha « épousait sans l’aimer assez » . Un mariage qui malgré sa courte durée aura une incidence sur le reste de sa vie. L’actrice fait la rencontre de Michel Legrand et en tombe follement amoureuse. Un coup de foudre absolu et…réciproque. Mais Michel Legrand est marié, il a deux enfants dont le dernier est encore un nourrisson. Les bans de Macha et de son américain sont publiés. Elle est une princesse, pas une femme perdue. Il ne se passera rien, ils détourneront pudiquement le regard et reprendront le cours de leur vie pour une parenthèse…d’un demi-siècle.
Macha, jeune vedette divorcée hante comme tout le cinéma français le Saint Tropez des années 60. Au printemps 1967 elle déjeune sur la plage avec une autre actrice de sa génération qui elle non plus ne trouve pas sa vraie place au cinéma et cumule des échecs malgré de bons films: Françoise Dorléac. Macha se souvenait qu’elles évoluaient comme au milieu d’un nuage de garçons qu’elle faisait mine d’ignorer et que Françoise traitait fort mal pour éclater de rire l’instant suivant. Ce jour là Françoise est nerveuse, plus encore que d’habitude. Elle a un avion à prendre et elle est la seule actrice au monde coutumière de retards plus effarants encore que ceux d’Elizabeth Taylor. Or elle a un nouveau petit ami qui déjà excédé lui a dit que si elle loupait son avion, ce n’était plus la peine d’en prendre un autre. Elle emprunte la petite Renault qu’à louée son beau frère le photographe David Bailey et file à tout berzingue vers l’aéroport. Françoise conduisait comme une bourrique. Macha ne la reverra jamais.
Après l’aventure américaine, Macha aurait alors pu devenir une actrice internationale, star d’un cinéma joyeux et bon enfant, mais Godard passa par là.
Elle tourna « Une Femme Mariée ». Mai 68 approchait. Elle se sentit très « nouvelle vague », se piqua au jeu, refusa les offres trop commerciales (sauf celle de « L’Espion » pour jouer avec Montgomery Clift), Ne lança pas de pavés mais fonda sa propre maison de production, la « Macha Films » pour produire un film « jeune » comme il se doit: « Au Pan Coupé » film qui comme on le sait révolutionna à tout jamais l’art subtil de la filmographie et que l’on regarde encore tous les jours!
A l’époque elle déclarait, très fière: » Je fais ce que je veux et je défend ce que j’aime! Pour le tournage dans le midi, j’ai payé moi-même mon avion! » (Bin tiens! Elle était productrice!) Puis elle ajoutait: « Ce qui fait le charme du film, c’est que les jeunes sont vraiment jeunes! Patrick Jouané n’a jamais suivi de cours mais c’est une vraie bête de cinéma »
Elle fut alors de ces comédiennes toujours en jeans et en pull, cheveux en bataille, ne parlant que de message, d’évolution et de révolution. Plus tard, la mode rétro apparue et Joan Collins triomphant sous des tombereaux de paillettes dans « Dynasty », elle déclarera, un rien désabusée: » Je fais partie d’une génération de comédiennes à qui l’on demandait plutôt de tenir la perche ou beurrer les sandwiches que de se coller des faux-cils. Oui, je suis un peu frustrée de n’avoir pas pu porter de belles robes à l’écran et d’être coquette moi aussi »
Macha Méril avait en son temps passablement perturbé le public qui ne savait plus trop comment la cataloguer, ce qui on le sait est une de ses occupations favorites. L’actrice enfonça le clou en épousant un cinéaste italien après l’éditeur américain et en s’exilant pour Rome et son cinéma. Gian Vittorio Baldi avait déjà été marié et avait des enfants. Macha épousa autant l’homme que la famille. Elle avait subi très jeune un avortement mal mené qui la priverait à jamais des joies de la maternité. Avec les enfants Baldi elle se sentait enfin mère, enfin accomplie. On ne la reverra en France qu’en 1973, elle revient pour se faire diriger par Pialat dans « Nous ne vieillirons pas Ensemble » à l’ombre du couple Jean Yanne et Marlène Jobert. Le film de Pialat fait un scandale, l’image de Marlène Jobert en sort écornée, mais Macha Méril ne déteste pas participer à ces petits brûlots qui ébouriffent de ci de là la « majorité silencieuse ». Dans la foulée, elle produit « Porcherie » de Pier Paolo Pasolini pour qui elle a une véritable fascination.
Divorcée au milieu des années 70, Macha gardera des liens très fusionnels avec les enfants de son ex mari et continuera dorénavant son incessant partage entre des oeuvres populaires et des films d’auteur plus risqués. Chabrol fait d’elle une présentatrice de talk show qui interviewe Michèle Morgan avant Jacques Villeret. La scène avec Michèle est tournée en champ contre champ, les deux actrices ne se rencontrent pas au grand dam de Macha qui se venge en maniant le porte cigarette comme une vraie Gloria Swanson.
Le temps passant elle reviendra à ses premières amours littéraires et deviendra romancière. Puis elle continuera de joyeusement noyer son image en alignant les pièces difficiles, les films faciles et les films rares et… les livres de cuisine (Joyeuses pâtes sera un best seller du genre) Le tout en devenant un des piliers de l’émission « Les Grosses Têtes ». Ajoutons que la première égérie d’Emmanuel Ungaro fut ensuite l’image de « DAXON », la ligne troisième âge du groupe la Redoute.
Macha Méril a joyeusement fêté ses 71 ans sur scène…En attendant son prochain film son prochain livre, sa prochaine recette et que Philippe Bouvard rende enfin l’antenne.
Très présente à la télévision, la vétérane sur qui le temps ne semble pas avoir de prise surprend tout le monde en épousant Michel Legrand à Monaco le 16 septembre 2014. La mariée a 73 ans et le marié…82! Le couple s’était recroisé et le coup de foudre était revenu les surprendre aussi fort qu’en 1964. Un second mariage aura lieu à l’église orthodoxe Saint Alexandre à Paris. C’est que la princesse ne badine pas avec ses racines. Le 5 janvier 2019, Michel Legrand la laissait veuve.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1959: La Main Chaude: Avec Jacques Charrier et Franco Bettoïa
1962: Le Signe du Lion: Avec Michèle Girardon, Jess Hahnn et Stephane Audran.
1962: Adorable Menteuse: Avec Marina Vlady et Michel Vitold
1962: Le Repos du Guerrier: Avec Brigitte Bardot et Robert Hossein
1962: Qui a Dormi dans mon Lit?: Avec Elizabeth Montgomery et Dean Martin
1964: Jean-Marc ou la Vie Conjugale: Avec Marie-José Nat, Jacques Charrier et Michel Subor
1965: Der Ölprinz: Avec Stewat Granger, Pierre Brice et Terrence Hill
1966: L’Espion: Avec Montgomery Clift
1967: Belle de Jour: Avec Catherine Deneuve
1967: Ne Jouez pas avec les Martiens: Avec Jean Rochefort
1967: L’Horizon: Avec René Dary et Monique Mélinand
1968: Au Pan Coupé: Avec Patrick Jouané et Bernard Verley
1968: Ne jouez pas avec les martiens: Avec Jean Rochefort
1970: L’Amour Conjugal: Avec Thomas Millan
1972: Nous ne Vieillirons pas Ensemble: Avec Marlène Jobert et Maurice Pialat
1974: Les Chinois à Paris: Avec Jean Yanne et Nicole Calfan
1975: Le Dernier Jour d’Ecole avant les Vacances de Nöel: Avec John Steiner
1975: Profundo Rosso (Deep Red) Avec David Hemmings et Clara Calamai
1976: Perdutamente Tuo…Mi Firmo Macaluso Carmello Guiseppe Fu: Avec Umberto Orsini
1976: Chinesisches Roulette: Avec Anna Karina, Brigitte Mira et Ulli Lommel
1977: Passion: Avec Maria José Cantudo
1978: Robert et Robert: Avec Jacques Villeret, Jean-Claude Brialy et Charles Denner
1978: Va voir Maman, Papa Travaille: Avec Marlène Jobert et Philippe Léotard
1978: Tanto va la Gatta al Lardo: Avec Valentina Cortèse et Walter Chiari
1978: Ridendo e scherzando: Avec Walter Chiari et Orchidea de Santis
1980: Tendres Cousines: Avec Thierry Tevini et Valerie Dumas
1981: Les Uns et les Autres: Avec Daniel Olbrychski
1981: Beau Père: Avec Arielle Besse, Patrick Dewaere et Maurice Ronet
1982: Le Crime d’Amour: Avec Richard Berry
1983: Mortelle Randonnée: Avec Isabelle Adjani, Guy Marchand et Stéphane Audran
1983: Au Nom de Tous les Miens: Avec Michael York et Brigitte Fossey
1983: Le Grand Carnaval: Avec Philippe Noiret, Richard Berry et Roger Hanin
1984: Les Fauves: Avec Gabrielle Lazure et Daniel Auteuil
1985: Sans Toit ni Loi: Avec Sandrine Bonnaire
1985: Les Nanas: Avec Marie-France Pisier, Dominique Lavanant et Clémentine Célarié.
1985: Les Rois du Gag: Avec Coluche, Mathilda May et Michel Serrault
1989: La Vouivre: Avec Laurence Treil et Lambert Wilson
1993: Berlin ’39: Avec Kay Rush et John Savage
1994: Délit Mineur: Avec Caroline Cellier et Pierre Brasseur
1998: La Fille d’un Soldat ne Pleure Jamais: Avec Barbara Hershey, Jane Birkin et Kris Kristofferson
2003: Rien, Voilà l’ordre: Avec Amira Casar, Laurent Terzieff et Claude Rich
2009: Hôpital (Court Métrage) Avec Christa Theret
2012: Un bonheur n’arrive jamais seul: Avec Sophie Marceau
2009: Trésor: Avec Alain Chabat et Mathilde Seigner
2012: Un Bonheur n’arrive Jamais Seul: Avec Sophie Marceau et Gad Elma