Je vous propose aujourd’hui une véritable petite curiosité mais qui a tout à fait sa place dans mon panthéon d’étoiles filantes puisque celle-ci ne brilla que quatre ans, mais rendons-lui cette justice, elle tourna cent films durant ces quatre ans!
La petite Marie Eline vint au monde à Milwaukee le 27 Février 1902. Hormis qu’elle ait eu une soeur, Grace, c’est tout ce que je sais de cette charmante enfant! Plus les étoiles filent vite, moins elles laissent de traces, c’est bien connu!
En ce début de siècle où le cinématographe est encore une curiosité technique plus qu’un mode d’expression, le public va très vite se passionner pour deux phénomènes: les histoires de miséreux qui se résolvant à coups de tartes à la crème et de coups de pieds aux fesses, et les sordides drames mettant en scène les déboires innommables auxquels sont soumis de pauvres orphelins! Les héros de littérature populaire de l’époque étaient d’ailleurs souvent eux-mêmes en bas âge puisque l’on raffolait d ‘Oliver Twist, Jane Eyre, les deux Orphelines, Peter Pan ou autres Tom Sawyer! D’ailleurs Marie Eline jouera aussi souvent des rôles de garçons que de filles, on n’était pas regardant!
La recette pour obtenir un succès filmé était simple: prenez l’enfant d’une mère mourante mais bonne. Confiez le à une vieille tante très maigre ou un viel oncle très gros qui le martyriseront à loisir. Dès le jour de l’enterrement de la pauvre maman et ce jusqu’à ce qu’il soit sauvé in extrémis par un miracle quelconque. Le public est aux anges! parfois l’enfant aura un chien, cette variante plaît aussi beaucoup! Imaginez, l’enfant injustement jeté hors du taudis par l’oncle obèse qui veut pour lui tout seul la soupe fumante cuisinée par la tante maigre. l’enfant pleure dans l’escalier sombre, son cabot revient avec un vieil os pourri après avoir fait les poubelles et voyant son petit maître désespéré, il laisse tomber le nonos à ses pieds. A la séquence suivante le méchant gros boucher à moustaches, en ayant marre de voir ses poubelles dévastées par le cabot, le fait saisir par la fourrière. l’enfant fait alors tout pour sauver son compagnon mais ca ne marche pas. Jusqu’à ce qu’il traverse sans regarder et se fasse cogner par une auto. Celle d’une dame très riche et très belle qui l’adopte, sauve le chien et fait arrêter la maigre et le gros qui vont en prison! (Ce rôle de dame riche est souvent dévolu à la belle Muriel Ostriche)
Ce genre de choses eut non seulement un succès fou mais la vie dure! On en retrouvera encore des versions jusqu’à la fin des années 30 et des grands noms du cinéma débuteront dans ces oripeaux d’orphelines à qui on fait toutes les misères du monde dont Lilian Gish, Janet Gaynor et surtout Mary Pickford la grande prêtresse du genre.
D.W. Fields haïssait ces enfants martyrs et leurs chiens plus que tout, mais Mae West les vénérait et avait débuté en « baby Mae ». En ce qui concerne Marie Eline, j’ignore par quel biais elle atterrit sur pellicule en 1910, mais elle connut un succès foudroyant. Les foules se ruaient pour la voir se faire molester injustement et se faire jeter dans la cave à charbon pendant que l’on jetait sa poupée au feu! Elle ne fut pas une actrice, elle fut une usine à faire couler les larmes! 25 films par an!
Et puis la petite fille grandit, elle eut 14 ans, elle était en âge de se défendre et de jeter des coups de pieds dans les tibias du gros tonton, on la flanqua dans la cave au charbon, pour de bon! Marie Eline se volatilisa dans les méandres de l’oubli et lorsqu’elle s’éteignit, le 3 Janvier 1981, un peu plus d’un mois avant de fêter ses 79 ans, personne ne s’en soucia, personne ne fut ému et personne ne lui rendit hommage.
C’est que voyez-vous, si ses films n’étaient pas perdus c’est qu’ils étaient oubliés, se souvenait-on même qu’ils avaient existé? Et quand bien même, le public qui l’avait tant aimée l’avait précédée dans la tombe.
Marie Eline ouvrit la voie à Mary Pickford, Mary Pickford l’ouvrit à Shirley Temple qui fut, reconnaissons-le mieux traitée.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1910: The Girls of the Ghetto: Avec Anna Rosemond
1910: Jane Eyre: Avec Gloria Gallop et Frank Hall Crane
1911: The Missing Heir: Avec Marguerite Snow
1911: Cupid the Conqueror: Avec Marguerite Snow
1911: The Stepmother: Avec Katherine Horn et Marguerite Snow
1911: The Charity of the Poor: Avec William Russell
1911: The Old Curiosity Shop: Avec Frank Hall Crane et Marguerite Snow
1912: Cross Your Heart: Avec Helen Badgley et Marguerite Snow
1912: But the Greatest of thes is Charity: Avec Marguerite Snow et James Cruze
1912: On The Storke of Five: Avec William Russell
1912: The Star of the Slide Show: Avec Bertha Blanchard
1912: Her Ladyship’s Page: Avec Florence La Badie.
1913: Cupid’s Lieutenant: Avec Muriel Ostriche et Boyd Marshall
1913: Flood Tide: Avec Muriel Ostriche et Eugène Moore
1913: The Changeling: Avec Mrs Lawrence Marston
1913: The Runaway: Avec Helen Badgley
1913: The Message to Headquarters: Avec James Cruze et Florence La Badie
1913: The Dove in the Eagle’s Nest: Avec Marguerite Snow et James Cruze
1914: A Circumstantial Nurse: Avec Muriel Ostriche et Boyd Marshall