Le parcours de la délicieuse Marie-France Boyer est l’un des plus curieux du cinéma français!
Cette gracieuse personne, blonde aux yeux bleu d’azur naît à Marseille le 22 Avril 1938 et c’est rigoureusement tout ce que je sais d’elle! A 21 ans elle débutait au cinéma dans « La Verte Moisson ». Une histoire de lycéens sous l’occupation où le rôle « vedette » était tenu par Dany Saval sur qui se fondaient encore les espoirs les plus fous. Quant à Marie-France, fut-elle échaudée de l’expérience, passa-elle inaperçue ou choisit elle de revenir lorsqu’elle se sentirait en meilleures conditions, je l’ignore. Il est d’ailleurs possible que l’on ne l’ait jamais revue si Henri Verneuil n’avait pas fait appel à elle pour « Week-End à Zuydcoote »…Cinq ans plus tard!
Marie-France Boyer avait 26 ans et débutait véritablement au grand écran au côté de Jean-Paul Belmondo. Encore dans un film de guerre et encore un film dont la vedette est une autre actrice, cette fois Catherine Spaak.
Elle allait ensuite tourner un des sketches des « Baisers » dans des circonstances qui firent longtemps la joie des gazettes. Marie-France avait fait des essais pour un autre film. Le producteur Georges de Beauregard hésitait entre elle, Sophie Hardy et France Anglade. Finalement le film ne sera fera pas du tout. Beauregard, propriétaire des essais, les montre à d’autres metteurs en scènes pour d’autres films.
Grâce à ces essais pour un film qui n’existera jamais, France Anglade et Sophie Hardy obtiennent des rôles dans d’autres films. Bernard Toublanc les visionne à son tour et choisit Marie France pour être l’héroïne du « Baiser d’été ».
Mais si au cinéma elle était encore une parfaite inconnue, la télévision lui avait donné dès 1963 ses titres de noblesse puisque sa blondeur lui avait valu de devenir Blanche dans »Thierry la Fronde ». Ce héros mythique des écrans noirs et blancs, résolvant tous les conflits à coups de cailloux et qu’incarnait Jean-Claude Drouot. Thierry la Fronde qui emportait tous les suffrages chez les petits comme chez les grands et fit tomber de leurs chevaux respectifs Ivanhoé et Zorro soi-même! Notre blonde héroïne restera d’ailleurs abonnée aux héros chevaleresques puisqu’elle sera également de « Quentin Durward » et de »Rocambole ».
Marie-France avait rencontré dans les couloirs bien fréquentés de la télévision le producteur Rémi Grumbach qui deviendra plus tard le producteur des émissions de Michel Drucker et le couple avait légitimé leur rencontre par un discret mariage.
En 1965, Agnès Varda aura l’idée d’exploiter au grand écran les comédiens légitimés par le petit, Thierry et Blanche de Thierry la Fronde. Jean-Claude Drouot et Marie-France Boyer deviennent ses interprètes nouvelle vague du « Bonheur ».
Marie-France est alors lancée au cinéma après la télévision. Elle devient une étrange auto stoppeuse dans « L’Etrangère » où Sergio Gobbi teste sur elle les personnages de blondes distantes et énigmatiques qu’il confiera bientôt à Virna Lisi. l’Italie fait appel à elle, les journaux de mode et la chanson aussi, elle s’aligne au côté d’autres douceurs blondes du cinéma français des années 60, Catherine Deneuve, Françoise Brion, Mireille Darc, Anna Gael, Geneviève Grad ou Claude Jade.
Marie France Boyer devient un petit phénomène de société, le symbole d’une certaine France.
Depuis les années 20 où les garçonnes se sont mises à fumer sans soutien-gorge.
Depuis les filles aux cheveux lâchés dansant le Be-Bop dans les caves de Saint Germain
Depuis les folles de rock à califourchon sur les motos des blousons-noirs
Depuis les yéyé revendiquant l’amour libre, la mini-jupe et le bikini.
Avant qu’elles ne bronzent nues prennent la pilule et balances des pavés sur les casques des CRS.
La France a perdu de vue une de ses spécificités premières: La jeune fille!
Alors, comme un retour de bâton, les tailleurs ringards à boutons dorés de Chanel refont la mode, la jupe pas trop courte, le talon pas trop haut, les cheveux sagement tirés en catogan, la France se rachète une « bonne conduite » féminine. La jeune fille bien sous tout rapport qui aime papa-maman, les vacances à la Baule et ne songe pas au sexe mais à l’amour d’un mari réapparaît. La star sexy, allumeuse flamboyante n’est plus de mise. Bardot se rhabille. Donnez-nous plutôt Christine Delaroche en serre-tête. Donnez-nous de la jupe plissée et du bas blanc.
Avec sa blondeur angélique et ses grands yeux clairs, Marie-France Boyer va devenir l’archétype de cette tendance bine sage et bine proprette. Elle aurait beau jouer les plus fieffées salopes au cinéma on lui demanderait quand même de parrainer la chorale des petits chanteurs à la croix de bois pour Noël.
Pourtant Marie-France n’est pas cette potiche nigaude et bégueule. Elle n’est pas cette petite dinde qui croit à ces histoires de fleurs, d’abeilles et de papillons. Elle est une femme libre et indépendante bien dans son temps et n’en ayant pas grand chose à cirer d’être miss premier mai.
Elle aura beau compromettre son image pieuse dans des rôles risqués ou s’afficher sur les pages de papier glacé des magazines pour messieurs, rien n’y fera. Marie-France restera la douce tendre fidèle et vierge Isabelle.
Divorcée de Rémi Grumbach, Marie-France va faire la rencontre du très mondain Jean Zorbie qui deviendra son mari au début des années 70 et le père de ses deux enfants. Et si l’on excepte un film italien tourné en 1976, le mariage de madame Zorbie scelle le destin de Marie-France Boyer l’actrice. Son mari, éleveur réputé de chevaux de courses et directeur de la ligne Lancel devint le pivot de sa vie familiale et mondaine qui se partage entre la Suisse et la France. Marie-France s’est lancée avec succès dans le monde des affaires et s’est fait une réputation d’écrivaine.
Marie-France Boyer-Zorbie est toujours blonde et a toujours les yeux d’un azur magnifique. Elle affiche le sourire radieux d’une femme heureuse et sans regrets, et elle a la délicatesse de ne pas renier un passé d’actrice en acceptant pour Agnès Varda de participer aux bonus du DVD collector du « Bonheur ».
Quel film pourrait en effet mieux la définir?
Celine Colassin
QUE VOIR?
1959: La Verte Moisson: Avec Dany Saval, Pierre Dux, Jacques Perrin et Claude Brasseur
1964: Week-End à Zuydcote: Avec Catherine Spaak et Jean-Paul Belmondo
1964: Les Baisers: Avec Catherine Sola et Jacques Sébrien
1965: Le Bonheur: Avec Jean-Claude Drouot et Claire Drouot.
1965: La Bonne Occase: Avec Edwige Feuillère et Francis Blanche
1966: Roger la Honte: Avec Anne Vernon et George Geret
1967: L’Inconnu de Shandigor: Avec Jacques Dufilho et Serge Gainsbourg
1967: Jeudi on Chantera comme Dimanche: Avec Bernard Fresson
1968: L’Etrangère: Avec Pierre Vaneck et Pierre Massimi