Le 11 Janvier 1944, Marilu Tolo vient au monde à Rome dans une famille pauvre. l’Italie s’apprête à perdre une guerre où elle s’est fourvoyée, aveuglée par le charisme et les belles promesses de Mussolini. Il finira pendu à un crochet de boucher par une populace vengeresse. Mais chez les Tolo comme chez tout le monde, on a autre chose à faire que de crier vengeance, il faut manger.
L’enfance sera dure en tout et seulement riche en privations. Marilu a un frère et une soeur et dans cette Italie qui se reconstruit elle se rêverait architecte. Mais quand il y a un garçon dans la maison, c’est à lui de faire les études. C’est pour lui qu’on se tranche les veines s’il lui manque un livre. La soeur de Marilu se sentira parfaitement à l’aise dans cette condition de femme italienne. La même depuis des siècles et qui va pourtant bientôt évoluer, celle de l’épouse et mère. A 20 ans elle sera mariée, bientôt elle aura deux enfants. Tout celà atterre la jeune Marilu. Cette domination mâle acceptée comme une chose normale et presque salutaire la révolte. On a vu ce qu’ils ont fait au pays, les « mâles ». Pour Marilu comme pour beaucoup de femmes de sa génération il est hors de question de se soumettre.
Parce qu’elle se sait jolie grâce aux sifflements admiratifs dans la rue et malgré ce nez qui la nargue dans son miroir et qu’elle détestera toute sa vie, elle tente sa chance comme l’on fait avant elle les Gina, les Sophia, les Silvana. Elle n’a que 14 ans et elle se lance dans la course folle des aspirantes à la gloire. Elle a de la chance, elle plaît, devient mannequin. A 15 ans elle fait vivre sa famille et…Paye les études de son frère!
Et en Italie, quand vous êtes une « cover girl », vous êtes une « starlette » et Cinecitta, la cité du cinéma qu’avait voulue Mussolini vous ouvre ses portes. Pour que vous veniez vous déshabiller. Pour faire la danse du ventre dans un film d’aventure. Pour être vendue comme esclave sur un marché dans un péplum. Pour être mordue par un vampire dans un crypte mal fréquentée.
Marilu vint et se déshabilla plus qu’à son tour, peu lui importaient Maciste ou Dracula, seul comptait son chèque, elle se serait déshabillée pour faire rougir des tomates si on la payait pour le faire. Gagner de l’argent et se mettre à l’abri était le seul sens qu’elle donnait à sa vie et accessoirement à sa carrière.
Elle débuta devant les caméras en 1960 dans un petit film sans envergure destiné à mettre en valeur Mina et Adriano Celentano qui allaient si bien ensemble et dont le public raffolait. Un rôle minuscule, c’est Elke Sommers qui jouait les utilités sexy dans « Urlatori Alla Sbarra ». D’autres sottises allaient suivre comme « Shéhérazade » avec Antonio Vilar où Marilu ne serait exploitée que pour cette jeune plastique facilement offerte. Elle trouva, un temps, qu’elle avait beaucoup de chance. Elle gagnait de l’argent, portait de jolies robes, fréquentait des célébrités. Elle se grisait de champagne, dansait toutes les nuits « Via Venetto » qui devenait le nombril du monde grâce à la « Dolce Vita ». Elle ne rentrait qu’avec le lever du soleil et toujours accompagnée d’un chevalier servant, le plus beau qu’elle ait croisé durant sa folle nuit.
Mais bientôt la fête prit un goût amer, Marilu qui croyait dominer le monde ou tout du moins la situation se rendit compte qu’elle n’était guère plus qu’une marchandise sexy qui finirait au rebus lorsqu’elle ne serait plus à la mode ou que d’autres ambitieuses viendraient prendre sa place en en montrant plus pour moins cher.
Elle sombra dans la dépression et se serait probablement suicidée si dans un dernier élan pour s’en sortir elle ne s’était pas jetée dans un avion pour Hollywood. Mais si le décollage ne fut pas joyeux, l’atterrissage fut plus dur encore. Personne ne l’attendait à Hollywood, qu’aurait-on fait d’elle, elle ne baragouinait qu’un italien incompréhensible aux oreilles américaines.
Elle vécut alors deux années qu’elle croyait « libérées » dans des communautés hippies, elle passe d’hommes en hommes, essaie toutes les drogues et boit jusqu’à plus soif. Bientôt elle n’ a plus un sou et fait des ménages, la plonge et parfois pire pour survivre, pour manger. Son seul plaisir celui qui la rattache à son Italie natale qui, maintenant qu’elle la quittée, lui manque plus que tout, c’est un journal italien qu’elle achète chaque semaine et lit fébrilement de la première à la dernière ligne devant un expresso.
Un jour elle y découvre qu’il y a un festival du film italien à Caracas au Venezuela et qu’un de ses films y est projeté.
Elle prend celà comme un signe, elle qui est superstitieuse à mourir et se rend au festival de Caracas sans trop savoir ce qu’au fond elle espère. Elle débarqua parmi la meute de starlettes du festival et rencontra le réalisateur Elio Piétri et sa femme. Ils connaissaient Marilu, mais la femme qui se tenait devant eux n’avait plus rien en commun avec la jeune fille romaine et ambitieuse qui avait été leur amie à Rome. Ils n’hésitèrent pas et ramenèrent Marilu ave ceux en Italie presque de force!
Rentrée au bercail elle se rendit compte qu’elle adorait son pays plus que tout et que Rome était son paradis sur terre. Mais il fallait malgré tout, le problème n’avait pas changé, y vivre. Et là, il se produisit une chose tout à fait inattendue: Marilu revenue fut fêtée comme l’enfant prodigue! Elle n’avait pas avant son départ tourné assez de films pour avoir « manqué » au cinéma, et il y avait certainement d’autres filles bien plus belles qu’elle et tout aussi nues dans les fichiers des réalisateurs.
Etait-elle plus connue et surtout plus populaire qu’elle ne l’avait cru? Ou tout simplement celà venait-il du fait qu’après tout, elle n’était pas morte, pas folle, pas mariée, pas droguée et pas au carmel, je l’ignore. Toujours est-il que le cinéma la rappela, et la rappela pour des rôles plus étoffés, plus longs et plus intéressants.
Bientôt elle serait sur le plateau de « Barbe Bleue », donnant la réplique à Richard Burton et s’amusant comme larronne en foire avec sa nouvelle amie Elizabeth Taylor! Juste avant cela, Jacques Deray lui avait confie le seul rôle féminin de « Avec La Peau des Autres » face à Lino Ventura, film pour lequel elle avait dû apprendre à chanter.
Marilu devenait une star et jouait dans le cour des grands. Bientôt, ce n’est pas sans fierté qu’elle répondra à l’appel du cinéma français et que de film en film elle gardera ses vêtements de plus en plus longtemps. La liste de ses partenaires finit par s’étoffer de noms très prestigieux comme ceux de Marcello Mastroianni, Lino Ventura, Lee Van Cleef, Richard Burton comme on l’a vu, Anthony Quinn ou Michel Piccoli qui la fascina complètement. Elle enchaînait avec allégresse les tournages pour la télévision et on la vit même dans un épisode des « Brigades du Tigre » et dans un épisode des « Drôles de Dames, c’est dire!
Les années 70 commencèrent avec le nom de Marilu Tolo placé très haut dans le box office des actrices internationales en vogue! Et le fait que le couturier Valentino se soit complètement entiché d’elle alors qu’il habillait déjà Virna Lisi, Sophia Loren et Elizabeth Taylor montre assez à quel point Marilu Tolo était « lancée » internationalement! Le couturier affirmera plus tard qu’elle était la seule femme qui ait éveillé en lui une réelle fascination sexuelle et qu’il était prêt à l’épouser!
Le fait qu’elle disparaisse complètement de la circulation après un dernier film avec Christian de Sica et deux séries Tv en 1984 et 1985 est d’autant plus troublant.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1960:Urlatori Alla Sbarra: Avec Mina, Elke Sommer et Adriano Celentano
1960:I dolci inganni: Avec Catherine Spaak, Jean Sorel et Christian Marquant
1960: La Reine des Amazones: Avec Gianna Maria Canale et Rod Taylor
1961: Le Ambiziose: Avec Marisa Merlini
1963: La Celestina P…R…: Avec Assia Norris, Venantino Venantini, Beba Loncar, Rafaella Carra et Daliah Levi
1963: Shéhérazade: Avec Anna Karina et Antonio Vilar
1964: Il Magnifico Gladiatore: Avec Mark Forrest
1964: Mariage à l’Italienne: Avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni
1965: Le Chant du Monde: Avec Catherine Deneuve et Charles Vanel
1966: Un Colpo da Mille Miliardi: Avec Rik Van Nutter
1966: Perry Grant, Agente di Ferro: Avec Peter Holden
1966: Poppies are Also Flowers: Avec Senta Berger, Stephen Boyd et Yul Brynner
1966: Avec la Peau des Autres: Avec Lino Ventura
1966: La bourse et la vie: Avec Fernandel et Jean Poiret
1967: Les Sorcières: Avec Silvana Mangano et Annie Girardot
1967: Le Plus Vieux Métier du Monde: Avec Anna Karina
1967: Sept hommes et une garce: Avec Jean Marais et Guy Bedos
1968: Commandos: Avec Lee Van Cleef et Jack Kelly
1968: Candy: Avec Ewa Aulin, Richard Burton et Charles Aznavour
1968: Un killer per sua Maestà: Avec Kerwin Matthews
1970: Roy Colt e Winchester Jack: Avec Brett Halsey et Isa Miranda
1970: Un été sauvage: Avec Nino Ferrer, Katina Paxinou et Juliet Berto
1971: Confession d’un commissaire de police au procureur de la république: Avec Franco Nero
1972: Mio Caro Assassino: Avec George Hilton
1972: Barbe Bleue: Avec Richard Burton
1973: Le Cinque Giornate: Avec Adrinao Celentano
1973: Themroc: Avec Michel Piccoli et Miou-Miou
1974: Il Trafficone: Avec Carlo Giuffré et Tina Aumont
1975: Prigione di Donne: Avec Martine Brochard et Katia Christine
1976: Cours Après-moi que je t’Attrappe: Avec Annie Girardot et Jean-Pierre Marielle
1978: The Greek Tycoon: Avec Anthony Quinn et Jacqueline Bisset
1983: Il Tassinaro: Avec Alberto Sordi
1983: Vacanze di Natale: Avec Christian de Sica et Jerry Calà