Marion Game comme de nombreuses actrices qui connaissent une gloire crépusculaire à la télévision voient le souvenir de leur carrière s’estomper derrière leur gloire de sitcom. On ne trouve plus sur le net que leurs images de mamies pétillantes et en bonne santé sous leur perruque. Comme si leur carrière avait commencé à l’âge de la retraite à l’instar de Pascale Roberts. Mais comme Pascale, Marion fut une comédienne à succès, toujours drôle, souvent nue et franchement populaire.
Marion vient au monde à Casablanca au Maroc le 31 Juillet 1938. Elle est Madeleine Game pour l’état civil et fera partie du contingent d’actrices françaises nées sous le radieux soleil d’Afrique du Nord avec Françoise Arnoul, Françoise Fabian et Marlène Jobert. Marlène, sa grande copine qui jouera longtemps sur les mêmes arguments qu’elle: La jolie rousse rigolote plutôt cruche mais bien roulée et pas trop attachée sentimentalement à sa petite culotte. « Des yeux d’ange, un corps à la croque au sel et un visage en pointe d’asperge » disait d’elle Michel Audiard. La jolie Marion, formée à l’art dramatique chez Dullin avait vu Marlène Jobert exploser littéralement en deux films « Alexandre le Bienheureux » et « Faut pas Prendre les Enfants du Bon Dieu pour des Canards Sauvages » alors qu’elle-même avait à peine traversé « Les Poneyttes » dans l’ombre du couple Johnny-Sylvie et fait quelques télévisions.
Mais plus que de s’imposer en tant qu’actrice, Marlène avait crée et imposé un nouveau type féminin au cinéma. Ce qui ne s’était plus vu depuis Brigitte Bardot. Celui de la rousse bonne fille mais vénale et plus rapide à se déshabiller qu’à énoncer un théorème de Pythagore. Michel Audiard, stupéfié lui-même du succès de son film et de sa vedette mit en chantier un nouveau film qui devait réunir Marlène à Paul Meurisse, Michel Serrault et à l’incontournable Bernard Blier. C’était « Le Paumé » qui deviendrait « Le Cri du Cormoran, le Soir au dessus des Jonques » car Audiard avait aussi lancé la mode des titres de films à rallonges.
Des titres de films longs comme des Cadillac des années 50, rigolos en soi sans avoir beaucoup sens et surtout sans aucun rapport avec le film qu’ils désignaient. Ils étaient d’ailleurs hélas le seul élément un peu intéressant des œuvres ainsi nommées, parce que « C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule » ou « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander » et même « L’Evènement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune » ne sont pas à proprement parler des chefs d’oeuvres impérissables. Marlène Jobert, qui déjà était sollicitée par les plus grands et craignant de rester cataloguée à tout jamais dans le même genre de rôles renonça au rôle de « Mirabelle » que lui proposait Audiard mais, bonne copine, présenta Marion au dialoguise-réalisateur.
Et c’est Marion qui se fit irrémédiablement cataloguer dans un certain type de rôles. Et ce qui est pire, dans un certain type de cinéma. Celui qui allait déferler sur les écrans français durant deux décennies et qui ne seraient que de navrantes sous copies du « Gendarme de Saint Tropez » où la grosse farce remplacerait l’humour et où la gaudriole tiendrait lieu d’érotisme. Les « vedettes » de ce type de cinéma variaient peu d’un film à l’autre. Marion faisait avec Micheline Dax voire Annie Cordy l’élément féminin face à Bernard Menez, Pierre Tornade, Jacques Balutin, Daniel Prévost, Paul Préboist et Michel Galabru quand ce n’était pas les hilarants « Charlots ».
Les titres de ces oeuvres ne laissaient bien entendu planer aucun doute sur leur pittoresque contenu et on pouvait donc se taper la cuisse et se gondoler à en avoir le tournis avec « Les Bidasses en Folie », « Mon Curé chez les Thaïlandaises » et autres « La Dernière Bourrée à Paris ».
Heureusement, l’actrice serait dès ses débuts bien mieux servie à la télévision et elle restera une des grandes vedettes du théâtre de boulevard. Le plus grand paradoxe de l’artiste fut sans doute ce grand intérêt avoué pour l’émancipation féminine et sexuelle des années 70, n’hésitant jamais devant quelque déclaration fracassante ou photo légère. Légère mais bonne fille, on a sa réputation. Et si elle était considérée par beaucoup comme une « Marlène Jobert de secours », celle à qui on propose les films que la star refuse; Marion aurait elle aussi bientôt sa « rivale » en la personne de Danièle Evenou!
Pourtant, dans la vie, Marion Game était une jeune femme plutôt rangée.
Mariée une première fois à dix-huit ans au Maroc avec Philippe Ledieu, père de sa fille Virginie, dès ses débuts à Paris elle fait la rencontre de Jacques Martin avec qui elle va vivre quatre années d’une relation assez passionnelle avant de prendre ses distances pour raisons d’épanouissement professionnel. Marion ne doutait pas que son cher Jacques Martin la supplierait de rester mais il allait rencontrer…Danièle Evenou qui allait lui donner deux enfants avant d’elle-même laisser la place à Cécilia, future et momentanée Sarkozy.
De son côté, remise de ses chagrins amoureux, sur le tournage de « Oublie-moi, Mandoline » en 1975, Marion allait rencontrer le très beau comédien suisse Jacques Verlier de neuf ans son aîné et ex mari de la comédienne Lucie Saint Simon. Il allait lui donner deux enfants, deux fils, Romain et Mathieu. C’est à cette époque que Marion prend un tournant dans sa carrière et le fait clairement savoir: « Maintenant que j’ai trois enfants, je n’ai plus la même combativité dans ma carrière, je n’ai plus envie d’être Romy Schneider, maintenant je m’en fous! Je ne veux pas dire que je n’ai plus envie de jouer et encore moins que j’abandonne mon métier, mais être une vedette demande une disponibilité que je ne pourrais offrir qu’en sacrifiant ma famille, alors non! »
La belle histoire durera jusqu’en Juillet 1992. La mort emporte Jacques Verlier à seulement cinquante-huit ans.
Il y aura un nouvel homme dans sa vie, un certain Jean-Claude avec qui elle vit selon l’adage qui fut si cher au coeur de Michèle Morgan et Gérard Oury: « Amour commun, casseroles à part ». Comme je l’ai dit au début ce cet article, la télévision a pris peu à peu le pas sur le cinéma dans la carrière de Marion Game, on ne l’a plus revue au grand écran depuis « Blancs Cassés », un film passé très inaperçu en 1989.
Mais qu’à celà ne tienne, elle est depuis « Les Brigades du Tigre » de toutes les grandes aventures télévisuelles françaises comme « Nana », « Quai numero un », « Commissaire Moulin », « Boulevard du Palais », « Le Juge est une Femme », « Plus Belle la Vie » et bien sûr »Scènes de Ménage » qui régale les téléspectateurs depuis 2009. La série était toujours programmée et Marionn y jouait toujours l’aïeule intrépide lorsque la nouvelle de sa mort surprend tout le monde.
C’était le 23 mars 2023. Marion Game avait 84 ans
Vous êtes partie, madame Game, mais Bravo quand même, Marion!
Celine Colassin
QUE VOIR?
1967: Les Poneyttes: Avec Sylvie Vartan, Daniel Ceccaldi, Arlène Dahl et Corinne Cléry
1970: Le Cri du Cormoran, le Soir au dessus des Jonques: Avec Paul Meurisse et Bernard Blier
1970: a Liberté en Croupe: Avec Juliette Villard, Maria Mauban et Bernard le Coq
1971: L’Albatros: Avec Jean-Pierre Mocky
1971: Etes-vous Fiancée à un Marin Grec ou à un Pilote de Ligne? Avec Françoise Fabian et Jean Yanne
1971: Les Bidasses en Folie: Avec les Charlots.
1973: La Dernière Bourrée à Paris: Avec Annie Cordy et Francis Blanche
1974: Y’a un os dans la Moulinette: Avec Michel Galabru et Daniel Prévost
1975: C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa Gueule: Avec Michel Serrault et Bernard Blier
1975: Vous ne l’emporterez pas au Paradis: Avec Charles Denner et Micheline Luccioni
1975: Les Onze Mille Verges: Avec Jenny Arrasse et Yves-Marie Maurin
1976: L’Acrobate: Avec Micheline Dax, Guy Marchand et Edith Scob
1976: Oublie-moi, Mandoline: Avec Marie-Hélène Breillat et Bernard Menez
1978: La tortue sur le dos: Avec Jean-François Stévenin
1980: Voulez-vous un Bébé Nobel: Avec Jean-Pierre Marielle, Darry Cowl et Daniel Prévost
1982: Dulces Horas: Avec Assumta Serna
1983: Mon Curé chez les Thaïlandaises: Avec Maurice Rich, Jacques Balutin et Katia Tchenko
1985: Le Facteur de Saint Tropez: Avec Paul Préboist
1989: Blancs cassés: Avec Sylvie Orcié et Jacques Bonnaffé
1991: Besoins (court métrage) Avec Jean-Claude de Goros
1999: Tout tout Près (court métrage) Avec Philippe Nahon