Le sort que réserva Hollywood à la magnifique Martha O’Driscoll est un des plus curieux de toute l’histoire des grands studios, se livrant entre eux une sorte de petite guéguerre « A qui possèderait la sublime sous contrat », faisant de Martha la plus sensationnelle balle de ping-pong de toute l’humanité!
Martha O’Driscoll est une belle de l’Oklahoma. Elle vient au monde le 4 Mars 1922 à Tulsa. Ses débuts sont on ne peut plus classiques, voire traditionnels. Petite fille elle se rêve danseuse et complètera plus tard ses cours de danse avec des cours de chant. C’est dans un spectacle de danse qui se donne à Phoenix en Arizona qu’elle sera remarquée, encore adolescente par le très célèbre chorégraphe Hermès Pan. Hermès qui n’est autre que le chorégraphe attitré de Fred Astaire à la RKO. Bien qu’il ait rencontré en premier lieu, avant Fred, Ginger Rogers à Broadway dans son tout premier spectacle « Top Speed », un four sublime! Pour situer Hermès Pan, dans toutes les comédies musicales de Fred Astaire et Ginger Rogers, les numéros d’ensemble sont de Busby Berkeley et au cœur de ces numéros, Fred et Ginger évoluent sur les chorégraphies d’Hermès Pan. Lorsqu’il « découvre » la très belle Martha, il a déjà atteint les sommets de la renommée hollywoodienne en créant la « Carioca’ de « Flying Down to Rio ». Il signera la chorégraphie de 17 des 31 comédies musicales que tournera Fred Astaire.
Martha est donc invitée à Hollywood sous couvert des références les plus sérieuses qui soient « L’Homme à idées » de la RKO qui vient littéralement de créer avec Busby Berkeley la comédie musicale hollywoodienne.
Martha débarque flanquée de sa mère comme Ginger Rogers avant elle. Mais si la mère de Ginger s’engouffra elle aussi dans le cinéma et devint le manager redoutable de sa fille adorée, la mère de Martha préfère se lancer dans sa propre entreprise. Elle va ouvrir à Hollywood, une école avec l’aide d’une de ses amies, madame Bessine. Madame Bessine ayant un films prénommé Ken, l’école s’appellera Mar-Ken School.
Mais pour Martha, les choses qui avaient évolué si naturellement jusque là se compliquèrent à son arrivée à Hollywood. Hermès Pan n’est pas là, il est à Broadway. Il avait invité à Martha et sa mère à venir le voir à son bureau de la RKO mais ne leur avait pas donné de recommandation écrite. Elles restèrent dehors. Martha aurait pu attendre paisiblement le retour d’Hermès Pan en choisissant un papier peint pour sa chambre, mais elle était là pour danser, pas pour faire de la décoration.
Elle trouve tout à fait par hasard une annonce dans le journal du matin pour un casting de « chorus girls » pour une comédie musicale que l’on met en chantier. Martha se présente et se fait engager sur le champ…Chez RKO! Si l’histoire du monde et du cinéma en particulier s’écrivait de manière logique, Hermès Pan trouverait Martha dans son chorus dès son retour de Broadway et lui offrirait un rôle intéressant et dansé dans son prochain film. Mais lorsqu’il rentre à Hollywood, d’autres petites annonces pour des danseuses ont été publiées et Martha est partie virevolter à la MGM en compagnie d’une autre jeune actrice-danseuse rencontrée chez RKO: Marjorie Reynolds.
Marjorie est aussi belle et aussi talentueuse que Martha et Hollywood se montrera toujours indécis entre les deux beautés à l’heure de la distribution des rôles. Même si Marjorie aura la chance d’épouser un dirigeant de la MGM. La situation va se compliquer encore par l’existence d’une troisième « beauté similaire en grâce et en talent » en la personne de Barbara Britton. Est-ce un hasard si Martha devient l’image de Max Factor et que simultanément Barbara devient celle de Revlon?
Mais retrouvons Martha O’Driscoll parachutée de chez RKO chez MGM. Le prestigieux studio lui signe un contrat et l’envoie jouer les faire-valoir dans ses incontournables Andy Hardy ou dans les films de Deanna Durbin chez Warner. Le reste du temps, la MGM n’a aucun scrupule à l’envoyer tourner chez Columbia ou Universal! Martha gagnant en renommée au moins autant grâce à Max Factor qu’au cinéma, la RKO se targue de l’avoir découverte et…La rappelle!
Mais la belle Martha, comme Marjorie et Barbara reste généralement cantonnée aux seconds rôles de comédie ou de western suivant le studio où elle se trouve! C’est au très méconnu studio VOGUE qu’elle obtient un premier rôle qui l’intéresse. En 1940 elle tourne le premier rôle féminin de Li’l Abner. Martha devient Daisy Mae Yokum. Li’l Abner est une bande dessinée créée par Al Capp et parue pour la première fois en 1934 et qui a connu d’emblée un succès foudroyant. Elle sera publiée jusqu’en 1977 et sera parue dans plus de 900 journaux américains et 28 pays.
Très vite, la BD était devenue une comédie musicale et par un étrange coup du sort c’est le studio VOGUE qui avait battu les plus prestigieux studios hollywoodiens à l’obtention des droits pour l’adaptation au cinéma. Une légende voudrait qu’Al Capp craignait que la MGM ou la Paramount confient le rôle de Daisy Mae à une de leurs grandes dames alors que la pauvre Daisy est certes très belle mais c’est une cambrousarde des Appalaches portant sempiternellement la même blouse à pois. Le studio VOGUE n’ a pas les moyens de PARAMOUNT ni le réseau de distribution de la MGM. Le film passera relativement inaperçu dans la surproduction hollywoodienne de 1940. Plus tard, Edie Adams reprendra le rôle de Daisy Mae à Broadway ce qui lui vaudra le Tony Award de la meilleure actrice et la PARMOUNT remettra Li’l Abner en chantier en 1959 avec la belle Leslie Parrish dans le rôle de Daisy Mae.
Mais il semblerait qu’en 1940 déjà, la PARAMOUNT s’intéressait de très près à Li’l Abner car le studio offrit un contrat à Martha O’Driscoll!
Martha y tournerait des films certes prestigieux mais dans des rôles guère plus intéressants que ceux proposés à la MGM. Elle s’en ira donc signer chez UNIVERSAL qui n’aura d’autre priorité que de la prêter à…la RKO!
Martha était suffisamment célèbre pour être acceptée au théâtre aux armées et s’envola avec Errol Flynn dès les premières heures du conflit distraire les troupes au combat en Europe. C’est lors de cette tournée qu’elle tombera amoureuse du beau capitaine Richard D. Adams. C’était le 18 Septembre 1943. Mais dix mois plus tard ce bel amour patriotique était terminé. On se séparait avant que le divorce officiel du couple Adams ne soit prononcé le 18 Juillet 1947. Martha avait alors déjà rencontré celui qui serait son second mari et le resterait pour la vie: le milliardaire Arthur J. Appleton, ponte en électricité! Le couple Appleton aura trois fils et une fille.
Lorsque Martha avait rencontré le milliardaire de ses rêves elle était déjà lassée du traitement que lui infligeait Hollywood depuis maintenant plus de dix ans. Malgré ses bons et loyaux services au cœur de tous les studios, il était clair maintenant qu’on ne penserait jamais à elle pour être Cléopâtre, Marie-Antoinette ou Anna Karénine. Elle tourna son ultime film « Carnegie Hall » à New-York et Est-ce un hasard si c’était pour le compte du studio FEDERAL? Martha avait travaillé chez tout le monde, elle ne terminait sa carrière chez personne!
Il n’est pas défendu de regretter le choix que fit Martha de se retirer. En 1946 elle avait tenu le rôle principal d’un film noir, au scénario certes très tarabiscoté mais réalisé par Robert Wise: « Criminal Court ». Elle y était non seulement d’une grande beauté et y chantait à ravir quelques sirupeuses romances mais elle s’y montrait assez redoutable comédienne même dans des scènes invraisemblables. Après son tour de chant, elle a rendez-vous dans le bureau du propriétaire du club à la réputation sulfureuse. Elle frappe, on ne répond pas! Donc dans une logique toute scénaristique, elle entre! Tout est éteint! Alors, suivant la même implacable logique…Elle appelle le directeur du club : « Houhou? Vous êtes là? Houhou? » (Bien sur qu’il est là dans le noir, voyons, tout le monde s’enferme dans le noir pour travailler!) Donc elle cherche encore, même dans les coins… Et bute sur un revolver! (dans le noir…forcément!) Elle le ramasse, l’observe jusqu’à ce que quelqu’un surgisse et allume (enfin quelqu’un de censé) Là, on découvre, devinez quoi? Un cadavre avec l’autre cruche en robe du soir flingue à la main! L’être censé qui connaissait l’existence de l’électricité se penche sur le défunt, constate qu’il est bien trépassé et demande à la belle toujours arme à la main « Vous l’avez tué? » Et là, au lieu de dire « non » comme tout être humain logiquement cervelé, elle pousse un cri, lance le flingue en l’air et se sauve en courant par une porte de service dont elle n’est pas supposée connaître l’existence! N’importe quelle actrice avait toute les chances de faire se gondoler toute la salle de rire avec une scène pareille, mais pas elle…On y croit!
Le couple Appleton s’offrit un haras en Floride et devint très respecté voir très célèbre pour avoir élevé plus d’une centaine de champions.
Martha s’investit également dans l’adoption internationale pour orphelins.
En 1970 elle eut la très lugubre surprise en lisait le journal au petit déjeuner de voir sa mort faire la une de toutes les premières pages! Elle démentit faire partie des trépassés et en profita pour corriger quelques erreurs dans ses diverses nécrologies « pour plus tard ». Jusqu’à sa véritable fin elle croisera tous les jours des personnes sidérées de la voir vivante et bon pied bon œil!
Martha O’Driscoll décèderait 28 ans après l’annonce de sa fin dans la presse. C’était le 3 Novembre 1998. Elle s’éteignait dans son cher haras de Floride, entourée de ses quatre enfants à l’âge de 76 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1936: Three Cheers for Love: Avec Eleanore Whitney et Robert Cummins
1937: She’s Dangerous: Avec Tala Birell, Walter Pidgeon et Cesar Romero (UNIVERSAL)
1938: Mad About Music: Avec Deanna Durbin (MGM)
1938: Girls School: Avec Anne Shirley (COLUMBIA)
1939: Judge Hardy and Son: Avec Mickey Rooney, Ann Rutherford et Lewis Stone (MGM)
1939: The Secret of Dr. Kildare: Avec Laraine Day, Lewis Stone et Lionel Barrymore (MGM)
1940: Wagon Train: Avec Tim Holt (RKO)
1940: Li’l Abner: Avec Jeff York (VOGUE)
1942: My Hearts Belongs to Daddy: Avec Richard Carlson (PARAMOUNT)
1942:Reap the Wild Wind: Avec Paulette Goddard et John Wayne (PARAMOUNT)
1943: Young and Willing: Avec Susan Hayward et William Holden (PARAMOUNT)
1943: Paramount Victory Short No. T2-4: The Aldrich Family Gets in the Scrap (Court métrage PARAOUNT)
1943: We’ve Never Been Licked: Avec Anne Gwynne et Richard Quine (UNIVERSAL)
1943: The Fallen Sparrow: Avec Maureen O’hara et John Garfield (RKO)
1943: Crazy House: Avec Patrick Knowles (UNIVERSAL)
1944: Ghost Catchers: Avec Gloria Jean (UNIVERSAL)
1946: Blonde Alibi: Avec Tom Neal (UNIVERSAL)
1946: Criminal Court: Avec Tom Conway (RKO)
1947: Carnegie Hall: Avec Marsha Hunt (FEDERAL FILMS)