lemonnier meg

On a coutume de dire aujourd’hui en parlant de la charmante Meg Lemonnier, si tant est qu’on en parle encore, qu’elle se lassa du cinéma et se drapa dans une riche retraite. Qu’elle n’apparut plus qu’à de très rares occasions à l’écran, et encore, pour faire plaisir aux amis. En 1958, en effet, elle apparaissait furtivement dans « Maxime » avec Charles Boyer et Michèle Morgan. A peine une figuration avant de disparaître définitivement. Pourtant elle ne se retira pas comme on le croit aujourd’hui. En 1963 elle rôdait encore dans les studios de Saint Maurice dont elle avait été la reine incontestée. Non que Meg Lemonnier fut pauvre et dans le besoin de travailler. Loin de là. Mais elle adorait follement ce métier qui ne voulait plus d’elle. Durant des années, la presse se servira de son exemple et celui de Marcelle Derrien pour parler de « ces filles à qui le cinéma a tout donné et dont il ne veut plus ». Sans que l’on sache d’ailleurs très bien pourquoi car ni Meg ni Marcelle n’avaient démérité.

La future Meg Lemonnier, tocade furtive du cinéma des années 30 naît à Londres sous le patronyme de Marguerite Gabrielle Clarté le 15 Mai 1905. Cette ravissante demoiselle fait ses débuts de danseuse à Londres en menant la revue et va connaître des débuts aussi fulgurants qu’invraisemblables!

Alors qu’elle vient de débuter, ses parents décident de quitter Londres pour s’installer à Paris. Ceci comme on s’en doute, au grand dam de leur ravissante fille qui vient d’obtenir son premier contrat et qui accessoirement ne pipe pas un seul mot de français. Pourtant, le destin va s’en mêler d’une façon sidérante et qui de plus est…à toute vitesse!

Meg Lemonnier

Alors que la famille est encore dans les cartons de déménagements, on propose à la jeune danseuse un contrat…à Paris! La coïncidence, avouons-le est tout à fait stupéfiante mais ce n’est qu’un début! A peine débarquée on s’aperçoit qu’elle sait chanter et on la propulse dans une opérette à succès! Le théâtre des Bouffes Parisiens, complètement sous le charme lui signe un contrat dont l’encre n’est pas sèche quand on lui propose de faire du cinéma alors qu’elle n’ a toujours pas eu le temps d’apprendre le français! Peu importe! La Paramount vient de racheter les studios de Saint Maurice à Louis Aubert et met en chantier un film avec Adolphe Menjou importé tout exprès d’Hollywood et punaisé dans son smoking! Meg Lemonnier et Alice Cocéa sont engagées et peu importe la langue qu’elles parlent!

Une petite expérience amusante pour la jolie Meg qui n’imagine pas un seul instant que dans quelques mois à peine elle aura mis la France et son cinéma à ses pieds ! A Saint Maurice, durant le tournage de « Mon Gosse de Père » elle rencontre Alexandre Korda, anglophone comme elle et en qui elle ne voit qu’un gentil monsieur avec un chapeau melon très rigolo! Mais Korda est à Saint Maurice pour tourner « Rive Gauche » un film qui comme son titre le laisse deviner se déroule à Paris. Il s’agit pour Korda de rentabiliser les nouveaux studios  et mettre en vedette la superstar Henri Garat! On n’imagine plus aujourd’hui la vogue sidérante dont Henri Garat fut l’objet!

Meg Lemonnier et Henri Garat

Meg Lemonnier et Henri Garat

L’acteur qui accessoirement chantait et dansait comme il jouait, c’est à dire moyennement était adulé par des meutes de femmes en délire. Il n’avait pourtant pas le charme d’un Valentino, le jeu d’acteur d’un Charles Boyer, la voix d’un Caruso et le jeu de jambes d’un Fred Astaire. Pourtant il était le dieu vivant pour toute une génération de femmes!

Meg Lemonnier en sera le témoin stupéfait! Les femmes se jetaient sur lui, tentaient de l’embrasser de force, arrachaient les boutons de sa veste et n’hésitaient pas à se jeter sous les roues de son puissant roadster Mercedes pour le forcer à s’arrêter au risque de se faire écraser par ses divins pneus. Les deux délices se valaient! Certaines même découperont des lambeaux des pneus en question pour avoir « quelque chose de lui ». On imagine la stupéfaction de la jeune Meg Lemonnier de se voir parachutée dans les bras de l’homme le plus séduisant et le plus célèbre du monde dès son second film. Et qui de plus est voir son nom devancer celui de Garat sur l’affiche de leur premier film.

Elle s’en inquiète chez Korda, craignant de froisser Henri Garat. Korda lui rétorque qu’elle est chez Paramount et que chez Paramount on préfère miser sur les actrices que sur les acteurs. Garat se froissa bien un peu, en effet. Il était une star colossale et Meg parfaitement inconnue, mais elle était tellement charmante!

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Qu’Alexandre Korda ait imposé la jeune Meg Lemonnier en tête d’affiche de son film reste d’autant plus curieux qu’à l’époque, Henri Garat forme déjà un couple idéal du cinéma avec la belle Lillian Harvey. Ils ont tournés deux plus grands succès du cinéma depuis son invention « Les Chemins du Paradis » et « Princesse à vos Ordres ». Lillian est une superstar. Le public hurle d’impatience pour la retrouver avec Henri Garat à l’écran ce qui assurerait des millions de dollars de recettes à la Paramount quelque soit la qualité du film. Pourtant, c’est Meg Lemonnier, actrice inexpérimentée et disant son texte phonétiquement avec un accent anglais invraisemblable qui tourne « Rive Gauche ».

Avec une telle chance, tout le monde est persuadé que Meg Lemonnier sera la superstar de demain et jusqu’au théâtre des Bouffes Parisiens qui fait valoir ses droits et exige que Meg paraisse au générique comme « Mademoiselle Meg Lemonnier des Bouffe Parisiens »! La jeune Meg n’a pas le temps de se laisser griser par tout ce tumulte organisé autour de sa fragile personne. Elle peine à apprendre le français et ne réussira jamais à perdre son accent. Elle peine donc tout autant à tourner son film et le reste du temps elle le passe à observer sidérée ce qui se passe autour d’elle et la vie d’Henri Garat en particulier. Elle se souviendra que partout des femmes, souvent du meilleur monde le suivaient comme des chiens suivent leur maître. Certaines enlevèrent leurs diamants, parfois devant leur mari sidéré et jetaient leurs bijoux à ses pieds sans qu’il ne sourcille et ne daigne même marcher dessus.

Il préférait jauger « la qualité » de la gent féminine présente dans l’endroit où il dînait le soir et déclarait à Meg « Ce soir je vais coucher avec celle-là ». le repas terminé, il claquait des doigts et la bienheureuse choisie suivait son maître pour la nuit. Ce petit jeu va durer des années, Meg Lemonnier n’assistera à aucun refus de ces dames.

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Comme on s’y attendait, Meg devint la partenaire officielle d’Henri Garat et accessoirement la femme la plus enviée du monde! Ils tourneront au moins six films ensemble, six succès phénoménaux.

Meg Lemonnier ne souhaite pourtant pas se cantonner dans le rôle de partenaire de phénomène et diversifie ses tournages. D’un commerce agréable elle devient très intime avec Guitry, avec Arletty, avec Jacques Feyder et Françoise Rosay, avec Jules Berry et Fernandel. La plupart de ses films sont d’ailleurs des « mises en images » de ses grands triomphes au théâtre. On tient à les enregistrer pour la postérité et accessoirement les faire savourer en province! Elle tourne de bons films, ils font de beaux succès et régulièrement elle retrouve Garat pour un nouveau triomphe. Alors qu’arriva-il?

Henri Garat et Meg Lemonnier sont des superstars durant toutes les années 30. Avec l’occupation leur rythme de tournage se ralentit et soudain, en 1943, l’un comme l’autre sont désavoués. Garat tourne son dernier film et Meg disparaît jusqu’en 1951 où elle obtient un petit rôle grâce à son ami Fernandel puis ce sera grâce à Guitry.

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A la fin des années 50, les grandes vedettes n’ont plus assez de pouvoir pour imposer d’autres acteurs dans la distribution de leurs films et ceux qui avaient tourné avec Meg avaient vieilli et peinaient parfois eux-mêmes à trouver des rôles dignes de leur prestige. Plus personne ne fera tourner Meg Lemonnier. Son crépuscule est amer mais moins que celui d’Henri Garat, probablement parce que sa gloire avait été moins spectaculaire!

Ruiné, Henri Garat sollicite Lillian Harvey en 1959 pour qu’ils se produisent à nouveau sur scène. Lillian n’y tient pas du tout mais pour faire plaisir à son ancien partenaire elle accepte. Personne ne veut plus entendre parler de ce couple de jadis. Lillian produira le spectacle elle-même mais ils ne trouveront qu’une scène bruxelloise confidentielle pour les accueillir, reliquats d’un passé lointain. Lillian a l’air d’une poupée de salon fatiguée, Garat épaissi peine à tenir ses chansons et a l’air d’avoir coiffé sa perruque au cirage. Il meurt en 1959, quelques semaines après cette dernière humiliation à seulement 57 ans, complètement ruiné et plus qu’oublié, il est moqué.

Meg Lemonnier , étrangement ne laisse pas le souvenir de la partenaire fétiche d’Henri Garat. Cet honneur est laissé à Lillian Harvey avec qui il a pourtant beaucoup moins tourné.

Pour Meg Lemonnier et Henri Garat, le couple numéro un du cinéma français des années 30, les mémoires ne sont pas qu’oublieuses. Elles sont injustes.

Meg finira sa vie très oubliée le 12 Juin 1988, un mois après avoir eu 83 ans.

Celine Colassin

meg lemonnier

QUE VOIR?

1930: Mon Gosse de Père: Avec Adolphe Menjou

1931: Rive Gauche: Avec Henri Garat

1931: Rien que la Vérité: Avec Saint Granier

1932: Simone est comme Ca: Avec Henri Garat

1932: Il est Charmant: Avec Henri Garat

1933: Une Faible Femme: Avec André Luguet

1933: Un Soir de Réveillon: Avec Henri Garat et Arletty

1934: Princesse Czardas: Avec Jacques Pils, Lyne Clevers et Marfa d’Hervilly

1937: La Chaste Suzanne: Avec Henri Garat et Raimu

1937: L’Habit Vert: Avec Elvire Popesco et Jules Berry

1937: La Bête aux Sept Manteaux: Avec Jules Berry

1937: Trois, Six Neuf: Avec Renée Saint Cyr et René Lefèbvre

1938: Belle Etoile: Avec Jean-Pierre Aumont et Michel Simon

1938: Ma Sœur de Lait: Avec Henri Garat

1938: Le Monsieur de Cinq Heures: Avec André Lefaur

1939: Visages de Femmes: Avec Pierre Brasseur

1942: Boléro: Avec Arletty et André Luguet

1943: La Cavalcade des Heures: Avec Gaby Morlay et Fernandel

1950: Banco de princes: Avec Pierre Cressoy et Lucien Baroux

1951: Adhémar ou le Jouet de la Fatalité: Avec Jacqueline Pagnol et Fernandel

1952: The Green Glove: Avec Géraldine Brooks et Glenn Ford

1952: Je l’ai Été Trois Fois: Avec Lana Marconi et Sacha Guitry

1952: La Vérité sur Bebe Donge: Avec Danielle Darrieux et Jean Gabin

1958: Maxime: Avec Michèle Morgan et Charles Boyer

 

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