La vie de l’actrice oscarisée Mercedes MacCambridge est l’une des plus tristes et des plus sordides de toute l’histoire hollywoodienne. Certes, elle n’aura jamais le statut de reine du glamour telle une Jean Harlow, une Rita Hayworth ou une Ava Gardner. Mercedes n’était à vrai dire pas très belle, mais qu’importe. Elle était déjà une superstar follement populaire avant de tourner son premier film. Mercedes était une superstar de la radio, vecteur alors tout puissant en Amérique puisqu’on écoutait la radio même dans les confins les plus lointains du continent, là où il n’y avait pas de cinémas. Mercedes en était une des reines. Du propre aveu de ce dernier, elle filait des complexes à Orson Welles qui devra attendre 1972 pour la diriger au cinéma dans « The Other Side of the Wind »! La scène de Mercedes dans « La Soif du Mal » n’avait pas survécu au montage.
Le 16 Mars 1916, Carlotta Mercedes Agnès MacCambridge vient au monde à Joliet dans l’Illinois. Elle terminera ses études au collège de Chicago avant de se lancer dans la carrière d’actrice. Formée à interpréter Shakespeare, c’est à la radio qu’elle connaît une véritable gloire nationale. Elle tient le public en haleine avec entre autres, une émission où elle tient un rôle de juge et bientôt elle aura sa propre émission.
Elle a également rencontré l’amour en la personne de William Filfield qu’elle épouse en 1939. En 1941 elle met au monde son fils John Lawrence. Le couple divorcera en 1946 et il n’est alors toujours pas question d’Hollywood pour Mercedes.
C’est en 1949 qu’elle y fait des débuts parmi les plus fracassants de l’histoire du film. Parachutée dans « Les Fous du Roi », un film sans grandes vedettes à l’affiche puisque Broderick Crawford et Joanne Dru y tiennent les premiers rôles, le film et ses acteurs vont au triomphe! Oscar du meilleur film et du meilleur acteur! Mercedes est couronnée elle aussi pour son second rôle. Elle avait déjà reçu le golden globe pour sa performance dans le même film! Golden Globe et Oscar dès sa première apparition sur un écran, c’est un fait trop rare pour ne pas être amplement souligné!
Dans la foulée, Mercedes a rencontré celui qui sera son second mari, Fletcher Markle, producteur de cinq ans son cadet et fraîchement divorcé de Helen Blanche Willis. Plus tard son fils John Lawrence prendra officiellement le nom de Markle.
Tout devrait donc être merveilleux dans le vie de Mercedes mais ce n’est pas le cas. Malgré ses débuts triomphaux, Hollywood n’a que peu de rôles pour une actrice de sa trempe et il se passera toujours plusieurs années entre deux films dignes d’elle. Après « Les Fous du Roi », elle attendra cinq ans essentiellement passés à la télévision avant d’affronter Joan Crawford dans « Johnny Guitar ». Affrontement qui se prolonge en dehors des prises de vues. Mercedes et Joan se haïssent, Sterling Hayden se ligue avec Mercedes contre Joan. Il clame avoir été harcelé sexuellement par la star tandis que Mercedes qui surnomme Joan « l’œuf pourri » se plaint que sa rivale soit tellement imbibée de bourbon qu’elle ignore même qu’il se tourne un film et qu’elle y joue.
Mercedes, mal vue par la presse et ses pairs devra son salut à « Géant » qui lui vaudra en 1956 sa seconde nomination aux Oscars. Mais cette fois la tempétueuse texane Dorothy Malone va l’évincer. Les détracteurs de Mercedes soulignant que son rôle de sœur virile de Rock Hudson dans le film est trop proche de sa vraie personnalité pour être considéré comme un travail d’actrice! Plus tard, elle déclarera: « Avoir joué des femmes détestables dans des films a été une erreur, d’ailleurs faire des films a été une erreur« .
En Février 1962, On ne l’a plus vue dans un film intéressant depuis 1959 avec « Soudain l’Eté Dernier » lorsque Mercedes fait la une des journaux à scandales. Sortant d’une « hospitalisation », en fait une cure de désintoxication, elle a la désagréable surprise de trouver sa maison vide et son mari parti avec tous leurs avoirs.
« Je suis une actrice, je ne suis pas une superstar d’Hollywood et même si j’ai beaucoup travaillé je ne suis pas riche. Cette maison nous la louons mon mari et moi et je ne pourrai pas payer le prochain loyer. Je suis souffrante et fatiguée, voilà toute ma fortune personnelle: les 27 dollars que j’avais dans mon sac lors de mon hospitalisation. » Et Mercédès de s’effondrer en larmes devant le juge des divorces complètement stupéfié. « Je suis seule, malade et désespérée, j’ai supplié mon mari de ne pas m’abandonner » Le juge se tourne alors vers l’ingrat qui lui lance: « La seule chose qui compte c’est que je sois libre et loin le plus vite possible! »
Hollywood va s’émouvoir. Qu’une de ses plus brillantes actrices en arrive là après 11 ans de mariage était bien triste. Les offrent affluèrent, essentiellement de la télévision mais Mercedes ne fut pas jetée à la rue. En 1963, exténuée elle est sauvée in extrémis d’une tentative de suicide aux barbituriques. En plus de son alcoolisme elle souffrait de crises de boulimie.
Il faudra attendre 1969 pour qu’elle déclare en avoir terminé avec la dive bouteille et remercie publiquement les alcooliques anonymes. Mais pour Mercedes MacCambridge, les années noires ne faisaient que commencer.
L’actrice qui cherche encore et toujours le bon rôle dans le bon film pour retrouver sinon un statut de star, au moins de grande vedette loupe le coche en 1973. Par amitié pour William Friedkin et sur l’insistance d’Orson Welles, Mercedes prête sa voix au démon qui possède Linda Blair dans « L’Exorciste ».
Après avoir renâclé, elle se jette littéralement dans le rôle. Elle fume comme une dingue, avale des œufs crus et exige de Friedkin qu’il la ligote solidement sur une chaise avant de glapir ses insultes. Elle n’est satisfaite que lorsqu’elle se rend compte qu’elle a réellement flanqué la trouille à toute l’équipe. Friedkin se souviendra longtemps, encore tétanisé rétrospectivement que des sons incroyables sortaient de sa gorge et que l’on entendait « distinctement deux voix comme un écho torturé en plus d’un sifflement aigu et harassé« . Le film auquel personne ne croyait fait un triomphe sans nom et révolutionne le box office et le cinéma tout entier. Mais pour des raisons qui lui sont propres, Friedkin refuse de dire qui prête sa voix au démon et Mercedes n’est pas nommée au générique. Or sa prestation est pour une grande part dans l’efficacité et le succès du film et c’est la performance en voix off la plus célèbre de l’histoire du film avec la chanson de Blanche Neige!
Son fils John Lawrence allait faire d’elle la grand’mère ravie de deux petites filles: Amy et Suzanne, et il allait surtout devenir un des plus brillants et des plus riches traders de Wall Street. Jusqu’à ce qu’éclate un scandale colossal qui rappellera à bon nombre d’Américains les sombres jours de 1929 et du crash boursier, toutes proportions gardées bien évidemment.
John Lawrence est convaincu de détournements de fonds, fonds qui transitent sur un compte au nom de…Mercedes MacCambridge. Salie dans cette affaire sordide à laquelle elle ne comprend rien mais où elle se voit sommée par voie de justice de rendre immédiatement cinq millions de dollars, la star découvrira que son fils avait falsifié sa signature. Elle sera finalement blanchie. L’affaire remontera jusqu’à la famille Clinton contre laquelle aucune charge ne sera retenue. Son fils, par contre, ne réussit pas à se sortir de la situation.
Des solutions sont envisagées et acceptées par ses créanciers mais il faut la collaboration de Mercedes. Elle ne voudra rien entendre. Elle avait confié 600.000$ à son fils pour qu’il les fasse fructifier et se considère aussi lésée que les autres. En 1987, le 16 Novembre, aculé, il tue sa femme Christine et leurs deux filles avant de se donner la mort. John Lawrence s’est tiré deux balles simultanément, une dans chaque tempe. Avant de se donner la mort il détruit un maximum de documents mais laisse une lettre de 12 pages destinée à sa mère. Elle lui sera remise et Mercedes découvrira les mots amers et pleins de reproches d’un fils qui lui reproche d’être incapable d’aimer et d’avoir fait de sa vie entière un véritable calvaire. Et surtout, il reproche à Mercedes MacCambridge d’avoir refusé sa collaboration pour un règlement à l’amiable avec son employeur, provoquant la tuerie afin que les assurances vies de la famille couvrant les cas de meurtres et suicides couvrent les dettes contractées par John Lawrence.
Ce drame sordide clôture une longue liste de drames personnels et rien ne sera épargné à Mercedes MacCambridge.
En 1988 elle renonce à sa carrière d’actrice après être apparue en bonne sœur dans un épisode de « Cagney et Lacey ». L’actrice n’a que 72 ans mais sa santé décline et l’oblige à renoncer non seulement à son seul revenu mais à sa seule joie.
Elle subira encore 16 ans d’une ennuyeuse retraite avant de s’éteindre le 2 Mars 2004, 14 jours avant de fêter ses 88 ans.
Ses combats avec Joan Crawford avaient été d’une telle violence que son fils les évoque encore dans sa lettre à sa mère avant de se donner la mort, en parlant comme d’une tourmente de rage détruisant tout sur son passage à commencer par lui-même.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1949: Les Fous du Roi: Avec Joanne Dru Broderick Crawford
1951: Inside Straight: Avec Arlène Dahl et David Brian
1951: The Scraf: Avec John Ireland
1954: Johnny Guitar: Avec Joan Crawford et Sterling Hayden
1956: Géant: Avec Elizabeth Taylor, Rock Hudson et James Dean
1957: L’Adieux aux Armes: Avec Jennifer Jones et Rock Hudson
1958: La Soif du Mal: Avec Janet Leigh et Charlton Heston
1959: Soudain l’été Dernier: Avec Elizabeth Taylor et Montgomery Clift
1960: Cimarron: Avec Maria Schell, Anne Baxter et Glenn Ford
1965: Run Home Slow: Avec Linda Gaye Scott
1972: The Other Side of the Wind: Avec Stéphane Audran et Claude Chabrol
1977: Thieves: Avec Marlo Thomas
1980: Airport 80′ Concorde: Avec Alain Delon, Robert Wagner, Sylvia Kristel et Susan Blackley
1983: Echoes: Avec Gale Sondergaard et Ruth Roman