Muriel Evans n’a certainement pas laissé derrière elle le souvenir inoubliable d’une star hollywoodienne incontournable. Mais au fond qu’importe puisque son destin valait bien les scénarii des films qu’elle a tournées car il ne ressemble à aucun autre destin ni à…Aucun film!
Muriel Adèle Evanson naît à Minneapolis dans le Minnesota le 20 Juillet 1910. Une vie qui commence pour tout dire assez mal. Elle n’a que deux mois lorsque son père décède brutalement, laissant sa veuve et son orpheline dans le dénuement et le désarroi le plus total! En cette année 1910, un nouvel Eldorado titille les imaginations fébriles. Les pionniers du cinéma s’installent en Californie, dans un petit patelin un nom d’Hollywoodland. Ils comptent bien y faire fortune. Or, de faire fortune, c’est ce dont la maman de Muriel a désespérément besoin. Elle tente la grande aventure son bébé sous le bras, une aventure qui n’aura rien de merveilleux. Elle ne trouvera qu’un boulot de femme de ménage au « First National Studio ». Rien de bien folichon dans ce studio qui va très vite se spécialiser dans le western de série B. Un boulot qui n’aura qu’un seul avantage: celui d’être stable!
Seule avec sa petite fille, la maman de Muriel n’a certainement pas les moyens de la confier à une nurse lorsqu’elle s’en va balayer les plateaux. La bambine va littéralement grandir au studio « First national » qui sera son premier terrain de jeux de petite fille, celui là même où elle a fait ses premiers pas. Plus tard quand elle ira à l’école, à Hollywood, forcément, elle rentrera des cours au studio rechercher sa maman avant de rentrer avec elle à la maison!
Grandissant surtout en beauté, il n’était pas pensable qu’un metteur en scène ne s’intéresse un jour à elle dans ce studio où elle faisait partie des vieux meubles! Et au fond tant mieux si First National est un studio de seconde zone car chez MGM on n’aurait certainement jamais fait tourner la fille de la femme de ménage!
Muriel a 16 ans lorsqu’on lui propose de tourner dans un film. Muet comme il se doit en 1926. Avec la jeune vedette Corinne Griffith. Mais sa mère n’est nullement ravie à l’idée de voir sa fille chérie devenir actrice. Elle a assez balayé d’illusions perdues avec les poussières des plateaux pour savoir les risques que représentent la carrière d’actrice pour une jeune fille! Muriel tournera son film, soit mais après elle retournera vite fait au collège! A coups de balais s’il le faut!
Tels sont donc les débuts de Muriel Evans au cinéma: Ceux d’une jeune collégienne de 16 ans tournant quelques petits rôles les jours de congés ou pendant les vacances sous la surveillance aiguisée de sa maman armée de son balais et de sa pelle à poussière!
Mais à Hollywood, les collèges et les lycées font la part belle à l’art dramatique et bientôt Muriel sera assez formée aux arcanes des arts filmés et parlés pour faire un peu de théâtre! Une activité qui ne sera on ne peut plus salutaire lorsque le cinéma se met subitement lui aussi à parler! Muriel est une des plus jolies filles du studio. Elle a une élégance innée et sait dire magnifiquement un texte. Et puis, cerise sur le gâteau, elle a un sens de l’humour qui fait mouche et fera la joie des grands comiques de son époque qui adorent l’avoir comme partenaire tels Charley Chase ou Laurel et Hardy!
Mais si l’apparition du micro ouvrit grandes à Muriel Evans, les portes de la notoriété cinématographique, elle faillit bien ne jamais les franchir.
En 1929 elle avait épousé un richissime héritier, le jeune Michael JP Cudahy, prince héritier d’une fructueuse entreprise de conditionnement de viande et d’exportation de viande de porc séchée! La maman de Muriel Evans pouvait enfin lâcher sa serpillère. Sa fille est millionnaire! Le jeune couple fera le tour du monde pour choisir l’endroit où il sont envie de couler leurs jours heureux et finissent par se décider pour Paris! Les journaux sont encore pleins d’articles relatant les fastes inouïs de la vie du prince charmant de la viande en boîte et de la fille de Cendrillon que Muriel est déjà rentrée à Hollywood pour faire accélérer la procédure de divorce!
En Octobre 1930 elle était une femme libre, sublime, riche et sachant jouer la comédie parlée. La MGM sera la première à lui proposer un contrat! Une fille de femme de ménage, non mais une divorcée de millionnaire, oui! C’est là qu’elle donnera la truculente réplique à ses chers comiques! Le studio, tout à fait ravi de son actrice ne la cantonne pas dans les courts métrages de ses comiques maison mais lui offre quelques apparitions dans les films les plus prestigieux du moment!
Ainsi, c’est elle qui tient l’auberge de campagne perdue sous la neige où Greta Garbo et John Gilbert abritent leurs amours dans » La Reine Christine ». Muriel Evans est une des rares actrices à avoir donné la réplique et Clark Gable, James Stewart, William Powell ET Gary Cooper!
Mais ses hauts faits dans une carrière d’actrice sont un peu éclipsés par son goût très prononcé pour les braves westerns de série B qui l’avaient tant fascinée quand elle tenait à peine debout dans ses robes de bébé Elle les regardait se tourner complètement subjuguée pendant que maman faisait les poussières. Ils avaient été pour la petite fille une véritable féérie. Devenue une actrice très sollicitée, elle considérait comme un honneur d’être sollicitée pour y participer à son tour.
Une aubaine pour ces modestes productions de pouvoir compter sur une actrice aussi belle que talentueuse et chevronnée pour ces productions que les studios débitaient comme l’ex mari de Muriel débitait les tranches de cochon fumé! C’est ainsi qu’elle ajoutera à sa liste de prestigieux partenaires le nom de John Wayne!
Mais il semble établi qu’outre le western à petit budget noir et blanc, l’autre vocation de Muriel Evans était d’épouser un mari qui la ferait quitter le cinéma! En 1936 elle n’a que 26 ans lorsqu’elle se marie pour la seconde fois avec…son agent, Marshall R. Worchester. Muriel tournera jusqu’à ses 30 ans, essentiellement des projets sur lesquels elle s’était engagée pour ne pas désobliger ses amis.
Le couple Worchester s’installera ensuite à Washington où Muriel fera un peu de radio pour se distraire.
Ils reviendront s’installer à Hollywood mais Muriel Evans ne reviendra pas devant les caméras elle préfèrera s’adonner à l’immobilier!
Le couple Worchester restera uni 35 ans jusqu’au décès de Marshall. Veuve, Muriel travaillera comme bénévole à la Motion Pictures and Télévision Country House où les acteurs malchanceux ou imprévoyants terminent leur vie dans une certaine dignité.
En 1994, sa santé déclinant, elle deviendra à son tour une pensionnaire de la vénérable maison de retraite.
Elle a 89 ans lorsqu’elle accepte de reparaître devant les caméras pour un documentaire « I Used to Be In Pictures » où elle raconte ses souvenirs d’actrice hollywoodienne. Elle se montre vive, pétillante et drôle même si sa mémoire bat un peu la chamade.
Mais à l’heure du tournage, Muriel est déjà rongée par le cancer des intestins qui l’emportera l’année suivante, le 26 Octobre 2000. Elle avait 90 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1926: Mademoiselle Modiste: Avec Corinne Griffith
1927: Sure Cure (court métrage): Avec Clem Beauchamps
1929: What a Pill (court métrage): Avec William Dale
1932: Hot Spot (court métrage) Avec Billy Gilbert et Ben Blue
1933: Thundering Taxis (court métrage) Avec Clyde Cook
1933: Nature in the Wrong: Avec Charley Chase
1933: Queen Christina: Avec Greta Garbo et John Gilbert
1934: Hollywood Party: Avec Laurel et Hardy
1934: Manhattan Melodrama: Avec Myrna Loy, Clark Gable et William Powell
1934: Hide-Out: Avec Maureen O ‘Sullivan et Robert Montgomery
1935: The New Frontier: Avec John Wayne
1936: Call of the Prairie: Avec William Boyd
1936: The House of Secrets: Avec Leslie Fenton
1936: Silver Spurs: Avec Buck Jones
1936: Don’t Be Like That!: Avec Jack Norton
1936: Ten Laps to Go: Avec Rex Lease
1936: Mr. Deeds Goes to Town: Avec Jean Arthur et Gary Cooper
1937: Rich Relations: Avec Ralph Forbes
1939: Home Boner (court métrage) Avec Leon Errol
1940: Roll Wagons Roll: Avec Tex Ritter
2000: I Used to Be In Pictures (documentaire)