Nancy Coleman est une des comédiennes les plus injustement oubliées de toute la grande épopée hollywoodienne. Ravissante, cultivée et de grand talent, sa carrière d’actrice pourtant bien menée mérite bien mieux que cet oubli complet qui nous prive du charmant souvenir que devrait être le sien.
Nancy vient au monde le 30 Décembre 1912 à Everett, à Washington. Son père Charles Coleman est le rédacteur en chef du Herald journal et le restera 30 ans. Nancy est une enfant sage, une élève studieuse, elle poursuivra toutes ses études aves un an d’avance. Et puis ce qui ne gâche rien, c’est une ravissante jeune femme. Mince, le cheveux d’un bel auburn d’automne flottant librement sur ses épaules. La vie semble n’avoir que des bontés pour la jeune Nancy. Du moins jusqu’au crash boursier de 1929, année où elle termine le lycée pour entrer à l’université. L’année où tout un monde s’est effondré, celui du rêve américain.
C’est à l’université qu’elle se découvre une passion pour l’art dramatique mais une passion…Contrariée. »La voix est bien mais vous avez l’air trop intelligente pour jouer les ingénues ou les grandes amoureuses, vous n’êtres pas non plus faite pour jouer les femmes fatales, alors que voulez-vous que l’on fasse de vous, ma chère? » Toute sa vie, Nancy répètera qu’elle fut alors un authentique fiasco. Mais comme « la voix était bien », elle fit un peu de radio. Là où on ne verrait pas sa « tête trop intelligente » et le reste du temps, elle aligna des petits boulots sans intérêt ni avenir pour boucler les fins de mois.
En 1936, Nancy s’est installée à San Francisco où les théâtres foisonnent et rivalisent avec les plus belles salles de Broadway. Nancy s’était dit qu’elle aurait peut-être plus de chance de trouver un rôle là-bas mais elle ne décrocha qu’un emploi de fille d’ascenseur! Et c’est dans son ascenseur qu’elle va faire la rencontre d’un directeur de casting qui va l’aiguiller sur plusieurs auditions où « elle aurait ses chances ». Des auditions…à la radio! Mais l’avisé professionnel ne s’était pas trompé! Nancy va tenir des rôles récurrents dans des feuilletons radiophoniques durant deux ans de manière très régulière. Ca lui permettra de vivre décemment, délaisser les ascenseurs et même de mettre 1000$ de côté. C’est la somme qu’elle s’était promise d’amasser avant de partir à Broadway tenter sa chance.
Les 1000$ enfin réunis, elle tint la promesse qu’elle s’était faite à elle-même et gagna Broadway mais cette fois avec un CV un peu fourni et quelques recommandations. Elle fit bien. Deux rôles plus tard, la Warner lui offrait un contrat! Visiblement, la Warner est sûre de son fait en proposant un contrat à Nancy. Si elle vient à Hollywood c’est pour donner dès son premier film la réplique dans un premier rôle à John Garfield que tout le monde s’arrache alors!
Nous sommes en 1941, Hollywood est plus prolifique que jamais et Nancy donnera la réplique à quelques-unes des plus grandes stars du studio dont John Garfield bien entendu mais aussi Errol Flynn en personne, Rosalind Russell, Ronald Reagan, Olivia de Havilland, Barbara Stanwyck, Ann Sheridan ou encore George Brent! Et c’est dans les studios Warner qu’elle va rencontrer l’écrivain critique de théâtre Whitney Bolton.
Le couple se marie en 1943, l’année suivante, Nancy met ses jumelles au monde: Grania Theresa et Charlia Elizabeth.
Son contrat Warner arrivé à échéance, Nancy ne le renouvela pas, même si ce fut la mort dans l’âme. Son mari n’avait aucune raison de vivre à Hollywood, il était professionnellement lié à Broadway. Le couple quitta la côte Ouest pour la côte Est et s’installa à Sea Cliff à côté de Long Island. Nancy déclarera à cette occasion: « Aujourd’hui, dès que vous quittez l’écran ou la scène ne fusse que pour vous rendre aux commodités, les gens croient que votre carrière est terminée! »
Whitney, conscient du sacrifice professionnel de son épouse ne mettra jamais aucune limite à son travail d’actrice et la laissera se produire à Broadway et à la télévision tant qu’elle le voudra. On ne la reverra hélas plus au cinéma à deux rares exceptions près en 1953 et 1969.
En 1969, Nancy Coleman est veuve. Ses filles sont adultes, elle ferme la gigantesque demeure de Sea Cliff et s’installe à Manhattan pour être tout près des théâtres et des studios de télévision. Elle se produira régulièrement sur scène et travaillera à la télévision jusqu’en 1976 où elle tenait un rôle récurrent dans la série Ryan’s Hope. Puis elle prendra sa retraite définitive si ce n’est un petit clin d’œil dans un court métrage en 1985.
Elle s’éteint le 18 Janvier 2000, 20 jours après avoir fêté ses 87 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1940: Dangerously They Live: Avec John Garfield
1942: King Row: Avec Ann Sheridan et Robert Cummins
1942: The Gay Sisters: Avec Barbara Stanwyck et George Brent
1944: In Our Time: Avec Ida Lupino et Paul Henreid
1946: Devotion: Avec Olivia de Havilland, Paul Henreid et Ida Lupino
1947: Mourning Becomes Electra: Avec Rosalind Russell et Michael Redgrave
1947: Violence: Avec Michael O’Shea
1953: Aquel Hombre de Tánger: Avec Niels Asher
1969: Slaves: Avec Dionne Warwick et Stephen Boyd