Lorsque Paulette Dubost s’éteignit le 21 Septembre 2011, la presse dans son émotion pleura la doyenne du cinéma morte à 101 ans.
L’information était erronée, Paulette, certes était bien morte, mais elle aurait eu 101 le 8 Octobre. Quant à être la doyenne du cinéma on oubliait un peu vite Yvette Lebon son aînée de trois mois et toujours fraîche comme un gardon! Mais au fond qu’importent ces détails et autres petites mises au point. Le cinéma du XXème siècle voyait s’effacer d’un coup une large part de son histoire, Tout un chapitre contenant 50 ans d’un cinéma français populaire et bon enfant. Un cinéma dont Paulette fut un pilier avant d’en être un symbole et finalement l’alerte vétérane. Et quand je dis « alerte vétérane », c’est peu dire! pour ses 100 ans, elle avait souhaité faire un tour de circuit en formule 1. Comme passagère, je vous rassure, et en était ressortie toute ragaillardie!
Paulette Marie Emma Deplanque naît à Paris le 8 octobre 1910 des amours passionnées entre un ingénieur de la compagnie du gaz et de Suzanne Dubost, chanteuse à l’Opera comique. Ses parents que tout aurait dû opposer à la verticale s’entendent merveilleusement semble-il à l’horizontale puisque Paulette est leur onzième enfant. Mais une telle quantité de marmaille n’ a pas détourné maman Suzanne de sa vocation. L’artiste, toujours fringante fera même un petit tour devant les caméras de cinéma en 1916, histoire de voir « l’effet que ca fait »!
J’ignore comment les 10 frères et soeurs de Paulette ressentaient la carrière maternelle mais Paulette en tout cas était absolument fascinée, enchantée, émerveillée des roucoulades au piano de sa maman adorée. Bien entendu elle ne songea strictement jamais à embrasser une autre carrière que celle de sa maman. Paulette descendit de son berceau pour danser avant de marcher et à huit ans, elle était non sans fierté un petit rat de l’opéra de Paris. Elle adore danser. Mais si elle est fille d’artiste renommée elle est aussi la fille de « papa qui travaille au gaz »! La première fois qu’elle verra sa photo dans le journal c’est parce qu’elle aura gagné un concours de cuisiniers amateurs organisé par une marque de cuisinières à gaz. Ce n’est pas Odette Joyeux, sa copine à l’opéra qui serait allée se fourvoyer là dedans. Ayons d’ailleurs une pensée pour cette petite bande de copines qui en dehors de leur tutu ne songe qu’à s’amuser et que sont Paulette, Odette et Josette Day!
En 1927 elle entre au conservatoire. En 1929 elle décrète qu’elle préfère le chant et la comédie à la danse. Son choix est probablement sincère mais aussi dicté par une contrainte. Paulette a déjà et aura toujours une petite tendance à l’embonpoint. Et un cygne voletant au bord d’un lac imaginaire, ce n’est pas rond, c’est diaphane! Un tutu sur une bille ca ne fait pas rêver, ca fait glousser. Et puis surtout, on lui propose un engagement aux Bouffes parisiens dans une opérette. « L’aventure du Roi Pausole » Que peuvent les chorégraphies pour volatiles de Tchaïkovski contre un engagement aux Bouffes? Rien!
Paulette Dubost débute au cinéma en 1931. Elle est déjà un peu ronde, certes mais elle est surtout parfaite dans les personnages de petites allumeuses plus dévergondées que coquines. Dans « un chien qui rapporte » elle est au service d’une Arletty vivant de ses charmes pour s’offrir ses ensembles Chanel. Dès que « madame » sort de l’appartement, Paulette se vautre dans les coussins en montrant bien ses jarretelles et se trémousse au son du phono tout en sifflant le porto! Elle restera spécialisée longtemps dans les rôles de soubrettes et si elle ne se laisse pas trousser dans les coins noirs c’est que ces messieurs n’ont pas sauté sur l’occasion ou ne l’ont pas poussée assez fort.
En 1936, son prestige est assez fort pour que la Fox s’intéresse à elle mais Paulette décline. C’est que voyez-vous, mademoiselle Dubost est amoureuse. Follement!
Le 15 Décembre 1936, Paulette Dubost épouse l’élu de son cœur à Antibes, elle devient madame André Ostertag.
Hélas, il y a un hic. Monsieur Ostertag vit et travaille au Maroc. Paulette le suit, s’éloigne du cinéma. Et il lui faut plus qu’un 35ème rôle de soubrette pour la ramener à Paris et sur les plateaux du studio de Joinville le Pont. Il n’y aura guère que le rôle de Bécassine pour la sortir de l’emploi et la convaincre de délaisser un temps ses folles amours. Ce rôle de godiche en sabots lui allait comme un gant. Paulette joue les idiote de la cambrousses mieux que personne, mais hélas le film n’eut aucun succès.
La guerre la surprend sur un film de Jean Renoir et elle la passera entre le Maroc et la France, voyageant souvent au plus total mépris du danger et en profitant pour mettre sa petite fille au monde. Christiane naît en 1942. Malheureusement, les belles amours au soleil du bled finirent par se faner. En 1950, Paulette déjà séparée est divorcée.
Elle fait partie maintenant de cette famille d’acteurs, de seconds rôles ultra populaires qui sont la signature du cinéma français des années 50. Raymond Buissières et Annette Poivre, bien sûr mais aussi Jane Marken, Robert Dalban, Louis de Funès, Pauline Carton, Jeanne Fusier Gir, Gabrielle Fontan, Pierre Mondy, Marguerite Pierry et tant d’autres encore.
Le public les adore et a un véritable rendez-vous avec eux de film en film. Chacun a son « emploi ». Paulette est toujours une femme des quartiers populaires. concierge, commerçante, domestique ou femme au foyer. Elle est toujours gentille, toujours en tablier et toujours un peu dépassée par les évènements. La particularité de ces fameux seconds couteaux, tous des comédiens sensationnels, est qu’on les sollicite pour les films les plus nigauds comme » Taxi Roulotte et Corridas » où Paulette est la femme de Louis de Funès ou des chef d’œuvres sublimes du septième art comme « Lola Montés » de Max Ophuls où elle est la gouvernante de Martine Carol.
Son emploi est si clairement défini dans l’esprit et le cœur du public français que lorsqu’elle participe à un concours d’élégance automobile en 1950, alors que ces dames se montrent en Aston Martin ou en Ferrari, Paulette présente avec sa petite Christiane une voiture pliable, la Reyonna du plus parfait comique! En tout cas avec elle dedans!
Au fil du temps et d’une carrière qui finit par être d’une longueur exemplaire, Paulette Dubost travaillera avec et pour les plus grands!
Et pour ceux qui douteraient de son talent d’actrice, il leur suffit de voir sa performance dans « Maigret tend un Piège » où elle est une bouchère confrontée à un tueur en série. Elle supplie pour sa vie, quitte à lui faire quelques petites avances au passage et finit par tomber raide sans qu’il n’ait eu à la toucher. Sa scène vaut bien toute la carrière d’une Isabelle Adjani des grands jours mais elle n’en tirer pas vanité. Elle dira simplement « Là dedans je jouais une bouchère qui craignait pour sa viande » habile boutade que seuls ceux qui avaient vu le film pouvaient comprendre.
Mais Paulette Dubost c’est aussi l’épouse volage de Bernard Blier dans « Hôtel du Nord ». C’est l’épouse, fidèle cette fois, de Jean Gabin dans « L’Age Ingrat », c’est celle de Bourvil dans « Le Chemin des Ecoliers ». Ces films faisant d’elle la mère de Marie Dubois puis d’Alain Delon. Paulette c’est la maman de Romy Schneider dans « Mademoiselle Ange » c’est une artiste de cirque ambulant dans Viva Maria » avec Brigitte Bardot dont elle se fera une amie pour la vie.
Arletty, Darrieux, Morlay, Gabin, Bardot, Moreau, Delon, Cassel, de Funès, Schneider, Deneuve, Depardieu, Bourvil, Fernandel, Martine Carol, Charles Boyer, Louis Jouvet, Michel Simon, Dany Robin, Jean Marais, Yvonne Printemps, Pierre Fresnay, Annie Girardot, Philippe Noiret, Pierre Richard, Marlène Jobert. Avec quels grands de son temps n’a-elle pas travaillé? Elle a même tourné avec Buster Keaton!
Quant à ses réalisateurs qui peut aligner dans sa filmographie Victor Tourjansky, Jean de Limur, Jean Delannoy, Marcel l’Herbier, Carne, Cayatte, Verneuil, Joffé, Duvivier, Renoir, Lautner, Pierre Chenal, André Hunebelle, Max Ophuls, Louis Malle, Gilles Grangier, Remo Forlani , Truffaut, Mizrahi et tant d’autres dont la postérité a un peu oublié les noms.
Car quand on tourne beaucoup, on tourne « Lola Montés » et on tourne aussi « Ploum-Ploum Tralala » , « Le Dolmen Tragique », « Ma Tante d’Honfleur, « Le Bal des Pompiers » et « Tire au Flanc »
Paulette est une véritable incontournable, un pilier du cinéma avec un personnage qui ne changera plus après l’époque des petites boniches effrontées et affriolantes. Paulette aura toujours de petits métiers, souvent concierges plus souvent encore mère au foyer en tablier à fleurs. Elle est simple, gentille et naïve, prête à croire les plus invraisemblables baratins parce qu’elle a rarement voyagé plus loin que le bout se sa rue. Elle n’exerce jamais d’autorité même si elle préfère ne pas choquer les voisins. Elle fait de petites merveilles de tendresse les répliques les plus banales du monde. C’est la reine du » N’oublies pas ta petite laine », « Qu’est-ce que les gens vont dire? », « Passe-moi le sel au lieu de dire des bêtises! », « Calme toi mon chéri pense à ton cœur! »
Au Milieu des années 50, Paulette s’incruste à la télévision et découvre même le cinéma teuton, en vedette s’il vous plaît! Par contre le théâtre ne sera jamais « son truc ». « Quelle barbe de répéter la même chose tous les soirs! »
Pourtant, au milieu des années 60, Paulette Dubost, après trois collaborations avec Gabin dont deux « Maigret » se consacre de plus en plus au petit écran dont elle devient une des reines les plus populaires et se fait rare au cinéma.
Elle ne revient que pour des « gros films » comme « Le Dernier Metro » de Truffaut ou pour faire plaisir aux copines comme Annie Girardot. Ou alors, ce qui avait fini par devenir son péché mignon, parce qu’au fond c’est le genre qui lui avait le mieux réussi: La bonne grosse gaudriole sans autre ambition que de faire se taper sur les cuisses comme « Le Retour des Bidasses » ou « Augustin roi du Kung-Fu »!
Paulette fête à la fois ses 80 ans et l’an 2000 sur le plateau d’un film belge, et pourquoi pas?
Elle prend alors la décision de se retirer et d’écrire ses mémoires. Elle reviendra encore tourner trois fois, pour « aider des petits jeunes » puisque ses anciens copains sont mort pour la plupart hormis quelques survivants à la retraite et donne son baroud d’honneur en 1987.
Paulette vivra encore 13 ans d’une retraite très entourée d’amis et d’admirateurs qui ont souvent le quart de son âge avant de s’éteindre un mois seulement avant de souffler 101 bougies.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1931: Le Bal: Avec Danielle Darrieux
1931: Un Chien qui rapporte: Avec Arletty
1932:À moi le jour, à toi la nuit: Avec Kate de Nagy et Fernand Gravey
1932: Vous Serez ma Femme: Avec Alice Field et Roger Tréville
1932: Un Coup de Téléphone: Avec Colette Darfeuil, Jean Veber et Jeanne Boitel
1933: L’ordonnance: Avec Marcelle Chantal et Fernandel
1933: Le Martyre de l’obèse: Avec Suzet Maïs et André Berley
1934: Le Roi des Champs-Élysées: Avec Buster Keaton
1935: Studio à Louer: Court métrage avec Marcel Charvey
1935: Le Bonheur: Avec Gaby Morlay et Charles Boyer
1935: La Caserne en Folie: Avec Colette Darfeuil et Raymond Cordy
1935: Ferdinand le noceur: Avec FErnandel et Jane Marken
1936: La Brigade en Jupons: Avec Raymond Cordy
1936: Le Prince des Six Jours: Avec Adrien Lamy
1938: Barnabé: Avec Fernandel et Marguerite Moreno
1938: Titin des Martigues: Avec Alibert
1938: Hôtel du Nord: Avec Arletty, Louis Jouvet, Annabella et Bernard Blier
1939: La Règle du Jeu: Avec Mila Parely, Nora Gregor et Marcel Dalio
1940: Bécassine: Avec Max Dearly
1942: Opéra-musette: Avec René Lefèvre et Saturnin Fabre
1943: Je Suis Avec Toi: Avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay
1943: Adrien: Avec Fernandel
1946: Roger la Honte: Avec Maria Casarès et Lucien Coëdel
1946: La Revanche de Roger la Honte: Avec Maria Casarès et Lucien Coëdel
1947: Six Heures à Perdre: Avec Denise Grey et André Luguet
1947: La Dernière Chevauchée: Avec Mireille Balin et Jacques Dumesnil
1947: Plume la Poule: Avec Geneviève Guitry
1948: Blanc Comme Neige: Avec Bourvil et Mona Goya
1949: Le Bal des Pompiers: Avec Claude Dauphin
1950: Le 84 prend des Vacances: Avec Yves Deniaud
1950: La Petite Chocolatière: Avec Giselle Pascal et Claude Dauphin
1950: Le Roi Pandore: Avec Mathilde Casadesus et Bourvil
1950: Uniformes et grandes manœuvres: Avec Ginette Baudin, Andrex et Fernandel
1951: Chéri de sa Concierge: Avec Lili Bontemps et Jean Paradès
1951: Quatre dans une Jeep: Avec Viveca Lindfors
1952: La Fête à Henriette: Avec Dany Robin et Michel Auclair
1952: Le Plaisir: Avec Madeleine Renaud
1953: Mon Frangin du Sénégal: Avec Raymond Buissières et Annette Poivre
1954:Le Mouton à Cinq Pattes: Avec Françoise Arnoul et Fernandel
1955: Les Carnets du Major Thompson: Avec Martine Carol
1955: Lola Montés: Avec Martine Carol
1956: La Joyeuse Prison: Avec Michel Simon
1956: Ces sacrées vacances: Avec Sophie Desmarets et Danielle Godet
1957: Der 10. Mai: Avec Willy Ackermann
1958: Sans Famille: Avec Gino Cervi et Simone Renant
1958: Maigret Tend un Piège: Avec Jean Gabin et Jean Desailly
1958: Taxi, Roulotte et Corrida: Avec Louis de Funès
1958: Mädchen in Uniform: Avec Romy Schneider
1959: Ein Engel auf Erden: Avec Romy Schneider
1959: Le Bossu: Avec Bourvil et Jean Marais
1959: Le Chemin des Ecoliers: Avec Bourvil et Alain Delon
1959: Le Déjeuner sur l’Herbe: Avec Paul Meurisse
1959: Soupe au lait: Avec Geneviève Kervine et Jean Bretonnière
1960: La Main Chaude: Avec Macha Méril et Jacques Charrier
1960: Tendre et violente Elizabeth: Avec Lucile Saint Simon et Christian Marquand
1960: La Française et l’Amour: Avec Darry Cowl et Micheline Dax
1961: Arrêtez les Tambours: Avec Bernard Blier et Lucie Saint Simon
1961: La Récréation: Avec Jean Seberg
1962: Jeanne et Jacques: Court métrage avec Serge Rousseau
1962: Les Sept Péchés Capitaux: Avec Dany Saval
1962: Les Mystères de Paris: Avec Dany Robin et Jean Marais
1962: Peau de Banane: Avec Jeanne Moreau, Alain Cuny et Jean-Paul Belmondo
1963: Germinal: Avec Jean Sorel et Claude Brasseur
1963: Seul…a corps perdu: Avec Gisèle Pascal et Yves Massard
1963: Maigret voit Rouge: Avec Jean Gabin et Françoise Fabian
1964: L’Âge Ingrat: Avec Marie Dubois, Jean Gabin et Fernandel
1964: L’Assassin Viendra ce Soir: Avec Renée Cosima
1964: La Chance et l’Amour: Avec Stefania Sandrelli et Dani
1965: Viva Maria: Avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau
1981: La Vie Continue: Avec Annie Girardot et Jean-Pierre Cassel
1974: Juliette et Juliette: Avec Annie Girardot, Marlène Jobert et Pierre Richard
1977: Tendre Poulet: Avec Annie Girardot et Philippe Noiret
1978: Vas-y maman: Avec Annie Girardot
1978: La Barricade du Point du Jour: Avec Anicée Alvina, Philippe Noiret et Jean Luc Bideau
1979: La Gueule de l’Autre: Avec Michel Serrault
1980: On a Volé la Cuisse de Jupiter: Avec Annie Girardot et Philippe Noiret
1980: Le Dernier Metro: Avec Catherine Deneuve et Gerard Depardieu
1981: La Vie Continue: Avec Annie Girardot et Jean-Pierre Cassel
1983: Le Retour des Bidasses en Folie: Avec les Charlots
1984: Charlots Connection: Avec les Charlots
1986: Cent Francs d’Amour: Avec Valerie Steffen et Richard Bohringer
1990: Milou en Mai: Avec Miou-Miou et Michel Piccoli
1992: Les Mamies: Avec Danielle Darrieux et Sophie Desmarets
1995: Le Roi de Paris: Avec Philippe Noiret
2000: Les Savates du Bon Dieu: Avec Stanislas Merhar
2005: Les Yeux Clairs: Avec Nathalie Boutefeu