renee faure

Renée Faure fait partie de cette race d’actrices françaises fort rares au demeurant, qui, leurs très sérieuses études au conservatoire terminées furent immédiatement reconnues et considérées par leurs pairs comme des « grandes ». Non pas comme des monstres sacrés telles Edwige Feuillère, Elvire Popesco, Marie Bell ou Françoise Rosay qui plus grandes que nature faisaient un sort à la moindre réplique, ce qui ajoutait d’autant à leur prestige Je veux parler ici de ces femmes à qui on peut faire une confiance aveugle parce qu’elles seront toujours justes, sachant s’effacer derrière un personnage qui l’exige pour le servir au mieux de ses intérêts. Celles qui n’ayant aucun goût particulier pour le panache grandiose des premières citées qui n’aimaient rien tant que briller « dans le rôle de », ne jouent pas. Elles deviennent. Je veux parler de Suzanne Flon, de Monique Mélinand, de Jeanne Moreau, de Simone Valère, d’Annie Girardot, de Geneviève Page, de Martine Sarcey, d’Annie Ducaux et de quelques autres qui furent le personnage qu’on leur donnait à défendre, tout simplement (en apparence du moins).

Renée Faure naît le 4 Novembre 1918 à Paris. A quelques jours près on fêtait du même coup l’armistice et la naissance de Renée Paule Nanine Faure. Renée restera fille unique mais aura un frère de lait d’un an son aîné. Un jour qu’il ne veut pas jouer avec elle, elle le pousse dans le lavoir! Elle a trois ans et lui quatre! Son père, René Faure est le directeur de l’hôpital Lariboisière, le « Versailles des Pauvres ». La famille est logée, Renée y vit donc. Son père a pour seul loisir l’entretient des pelouses où il a planté un abricotier. Le loisir dominical de Renée est d’en distribuer les fruits aux malades les plus seuls. Nous sommes donc dans la très haute bourgeoisie parisienne.

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La petite Renée n’avait vraiment envisagé avec sérieux de devenir un jour comédienne. Mais un dimanche de Mai 1936, alors que le soleil inondait Paris, elle était restée toute la journée « collée » au collège de la légion d’honneur où elle était la meilleure élève en latin et la pire en discipline! Mais peut-on sans dommages priver une jeune fille des premiers soleils de printemps? Entre l’internat et l’hôpital, elle étouffe. Ce jour là elle explose et décide pour se venger de faire l’actrice. Elle passera en secret les examens d’entrée au conservatoire.

Renée en sortira en 1937 nantie d’un premier prix qui lui ouvre les portes de la maison de Molière La comédie française. Elle y trouvera de beaux et grands rôles à défendre et accessoirement l’amour avec le comédien Renaud Mary, son cadet de quelques mois. En 1939, la paix qui était née en même temps qu’elle se gâte. Si la grosse Bertha s’est tue à jamais, les bruits de bottes reprennent de plus belle. Dans les derniers jours d’une liberté que l’on sait condamnée, Renaud et Renée choisissent de se marier avant que la grande tragédie n’emporte leurs destins.

Durant l’occupation, dans une France coupée en deux et privée de tout, le cinéma, paradoxalement se porte bien. Les films américains sous couvert d’embargo ne sont plus distribués, la France tourne sans relâche, malgré une pléiade de stars exilées et quelques autres, plus rares il est vrai refusant de tourner pour la « Continental », firme Allemande dont les capitaux rendent seuls l’industrie du film encore possible en zone occupée. Renée débute en 1941 avec son mètre 58 et ses 48 kilos, face à Harry Baur qui mourra bientôt sous la torture nazie.

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C’est  »L’Assassinat du père Noël ». Renée est la fille rêveuse et fantasque d’Harry Baur, coiffée avec un bretzel et amoureuse du comte Raymond Rouleau, faux lépreux. Nous sommes en 1941. Sur le plateau, le jeune assistant du metteur en scène Roger Chapatte s’appelle Christian Jacque. Le jeune metteur en scène, féru de comédiennes blondes est alors l’époux de la très allurale Simone Renant dont il est tombé amoureux fou en la dirigeant. Cette fois c’est au tour de Renée. Mais tout ce petit monde est marié. Et qui de plus est il y a une guerre et Renée est maintenant la maman d’une petite fille, Emmanuelle.

Ces deux-là attendront 1947 pour « convoler en justes noces ».

Le couple s’est installé dans un vaste appartement de Passy. Quand Renée ne tourne pas, qu’elle n’est pas sur scène, elle s’occupe de sa fille. Quand Emmanuelle est à l’école, elle s’occupe de ses philodendrons qui la passionnent. Elle collectionne les beaux livres les meubles vénitiens ou portugais, les lanternes de fer forgé. Lorsque viennent les vacances, le couple Jacque file dans sa petite propriété de la Nièvre où Renée s’adonne à son autre grande passion: la pêche à la ligne! Entretemps, Christian Jacque aura donné à sa tendre Renée, le plus beaux de ses rôles  au cinéma. Celui qui la fera entrer à tout jamais dans la légende dès 1948, celui de Clélia dans « La Chartreuse de Parme » face à Gérard Philipe. Trois ans plus tôt, Christian l’avait dirigée pour la première fois dans un film au titre très évocateur: « Sortilèges » où débutait un certain Michel Piccoli et où le nom de Renée devançait celui de l’illustre Madeleine Robinson au générique.

Mais hélas. Renée est l’épouse d’un metteur en scène. Ce metteur en scène a pour faiblesse de tomber amoureux de ses actrices. Surtout lorsqu’elle sont blondes. Renée aurait dû voir d’un mauvais oeil l’arrivée de Martine Carol en personne sur le plateau d’un film conjugal au titre lui aussi très évocateur « Adorables Créatures ».

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Martine et Renée sont toutes les deux à l’affiche même si elles n’ont aucune scène en commun dans ce film à sketches. Si Christian Jacque confie à Martine le rôle de la fantasque et rouée Minouche affolante à mourir, il donne à Renée le rôle de la secrétaire psychorigide, ancienne reprise de justice jalouse et cancanière d’Edwige Feuillère. Si Martine est délicieuse et porte tout ce qui peut encore mettre ses charmes en valeur, Renée, les cheveux tirés se contente d’un très vilain tailleur de reps et d’un personnage tout simplement odieux!

Même une amibe en bois se serait doutée qu’il se passait là quelque chose…

Renée Faure et Christian Jacque vont divorcer. Il va immédiatement se remarier avec la blonde Marine devenue numéro un du cinéma français. Ils vont vivre le voyage de noces le plus médiatisé de toute l’histoire de l’humanité, profitant de leurs épousailles pour faire un tour du monde promotionnel du cinéma français. Christian offrira à Martine quelques rôles d’anthologie dans des films parmi les plus chers et les plus luxueux du cinéma français.

Paradoxalement, Renée qui comptait parmi les comédiennes les plus en vue du cinéma français prend ses distances. Elle revient à son cher théâtre qu’elle n’avait jamais tout à fait délaissé et se retrouve bien malgré elle au cœur d’un petit scandale 1950! Renée et le comédien Georges Chamarat sont nommés « semainiers » pour un an au théâtre du Luxembourg ex Odéon et « seconde salle » de la comédie française. Or, le Luxembourg, c’est le secret de polichinelle est en déficit de plusieurs millions, dix au bas mot! Le grand public ne sachant pas ce qu’est un « semainier », et visiblement les journalistes non plus, on annonça que Renée, la « petite fille sage de la comédie française » devenait directrice du Luxembourg! Objectivement personne ne devrait rien en avoir à faire. Etrangement cela provoqua un tel tollé que l’administrateur de la comédie français, Pierre Aimé Touchard dut faire publier un démenti agrémenté de ce qui est presque un mode d’emploi des théâtres subventionnés. En effet, chaque semaine, le mardi, lendemain de relâche, on choisit un membre de la troupe qui toute la semaine durant viellera à la bonne marche des répétitions et du spectacle en cours. Il ne s’agit donc que d’un titre honorifique et une petite responsabilités officieuse supplémentaire dont les comédiens ont l’habitude et qui s’est étrangement perdue depuis.

Reste qu’en 1950, « l’affaire » chamboula le « Tout Paris et sa proche banlieue » alors qu’elle était au théâtre d’une banalité sidérale. Le ministre de l’éducation nationale, le directeur des arts et des lettres, l’administrateur de la comédie française et bientôt le comité des comédiens du français, tout le monde monta au créneau. Tout le monde s’exprima avec véhémence sur cette affaire qui de fait n’existait pas et on en vint à une nouvelle affaire Dreyfus. Ceux qui d’un côté voulaient que la salle du Luxembourg reste annexée à la Comédie Française et ceux qui voulaient que ce tonneau des Danaïdes retrouve sa liberté et son autonomie. Le ministre qui tenait à garder le Luxembourg dans le giron de la comédie française se retrouva confronté à  de nouveaux intervenants qui tel Jean-Louis Barrault se jetaient dans la mêlée!

Tout cela provoqua un tel charivari administratif qui avait fini par passionner le public que la pauvre Renée qui n’y était définitivement pour rien, se retrouva réellement en charge de la direction du théâtre à la dérive et nantie de réels pouvoirs le temps que décision soit prise.

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Bientôt la télévision va lui donner une éclatante revanche sur la carrière de Martine Carol qui ne durera que ce que durent les plus fragiles des roses sous la pluie. Dès 1956 elle débute au petit écran dans « Virage Dangereux » face à un tout jeune Guy Bedos. A partir de 1961 elle aligne les grands rôles et les tournages de prestige à un point tel que si une chaîne aujourd’hui décidait de lui rendre hommage et diffusait bout à bout tous les programmes télévisés qu’elle a tournés, on en aurait au moins pour six mois!

Bien sûr on la reverra au cinéma mais avec une parcimonie rare.

En 1956 elle avait joué « Mademoiselle », la gouvernante du couple Jean Gabin Monique Mélinand dans « Le Sang à la Tête ». En 1961 elle retrouve Gabin dans « Rue des Prairies » et s’ils ont une scène commune dans un tribunal ils n’échangent aucun réplique. Gabin, effaré, écoute l’avocate qu’elle incarne le traiter d’abruti complet et accessoirement de mauvais père! Les répliques, ce sera pour leur film suivant: « Le Président » où elle est sa dévouée (mais corrompue) secrétaire.

Renée Faure tournera jusqu’à un âge très avancé et ses prestations resteront dignes de la grande comédienne qu’elle a toujours été. Elle est parfaite dans » « Le Juge et l’assassin », sidérante dans « La Petite Voleuse ».

C’est à la télévision qu’on la verra pour la dernière fois en 1999 dans « Une Femme d’honneur »

Le 2 Mai 2005, Renée Faure s’éteignait.

Elle s’éteignait de manière si discrète que deux ans plus tard, je travaillais encore sur des castings où la production me proposait de contacter son agent pour des rôles de matriarche nécessitant talent, grandeur et tenue.

Celine Colassin.

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QUE VOIR?

1941: L’Assassinat du Père Noël: Avec Harry Baur et Raymond Rouleau

1943: Les Anges du Péché: Avec Jany Holt, Sylvie et Silvia Monfort

1943: Des jeunes filles dans la nuit: Avec Louise Carletti et Gaby Morlay

1944: Béatrice Devant le Désir: Avec Jules Berry et Fernand Ledoux

1945: François Villon: Avec Serge Reggiani

1947: La Grande Aurore: Avec Rossano Brazzi et Yvonne Sanson

1948: La Chartreuse de Parme: Avec Gérard Philippe

1948: L’Ombre: Avec Fernand Ledoux

1952: Adorables Créatures: Avec Edwige Feuillère et Daniel Gélin

1953: Koeningsmark: Avec Silvana Pampanini et Jean-Pierre Aumont

1954: Raspoutine: Avec Isa Miranda et Pierre Brasseur

1956: Le Sang à la Tête: Avec Jean Gabin et Monique Mélinand

1959: Rue des Prairies: Avec Marie José Nat, Roger Dumas, Claude Brasseur et Jean Gabin

1961: Le Président: Avec Jean Gabin

1966: Les Sultans: Avec Gina Lollobrigida et Louis Jourdan

1976: Le Juge et l’Assassin: Avec Philippe Noiret et Jean-Claude Brialy

1985: L’Amour en Douce: Avec Emmanuelle Béart et Daniel Auteuil

1988: La Petite Voleuse: Avec Charlotte Gainsbourg

1990: Dédé: Avec Hélène Vincent et Luc Thuillier

1997: Nel profondo paese straniero: Avec Valeria Cavalli et Claude Rich

 

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