Romina Power était déjà monstrueusement célèbre avant sa naissance. Pensez donc! Tyrone Power le séducteur Century Fox numero un allait être papa. Son épouse la sublime Linda Christian qui l’avait arraché à Lana Turner allait lui donner un bébé, faire de lui un papa! Comme le temps passe! Le beau Tyrone aux yeux de braise, digne descendant d’une prestigieuse lignée d’acteurs shakespeariens était devenu, dès le milieu des années 30 et en seulement quelques films le principal rival de Robert Taylor soi-même. Il avait cumulé les conquêtes dont Loretta Young, Annabella sa première épouse, Janet Gaynor, Judy Garland, Lana Turner ou encore Sonja Henie la patineuse »petite fée de la glace » championne olympique de la discipline.
En instance de divorce avec Annabella , Tyrone Power vivait une liaison passionnée avec Lana Turner et le mariage ne faisait de doute pour personne, et surtout pas pour Lana, tant il était évident que ces deux-là étaient faits l’un pour l’autre. Même s’il se murmurait, d’ailleurs assez fort, que le beau Tyrone ne détestait pas non plus les charmes virils de certains messieurs. Tyrone était parti pour un tour du monde en avion pendant que Lana, restée à Hollywood fignolait la liste des invités et ses plans de table. On imagine sa tête lorsqu’elle apprit par la gazette matinale qu’en ce 27 Janvier 1949 « son » Tyrone s’était marié avec une starlette mexicaine rigoureusement inconnue nommée Linda Christian! Il s’était marié le 27, son divorce avait été officialisé le 26! Aussitôt Linda Christian devint la curiosité numéro un d’Hollywood et on dut bien admettre que sa beauté fracassante faisait passer la star Lana Turner pour une concierge endimanchée. En outre la nouvelle madame Power parle sept langues et…tourne pour le cinéma hollywoodien depuis 1944.
Linda Christian ne fut pas reçue à Hollywood comme le serait plus tard Grace Kelly sur son rocher monégasque. On n’y aime pas trop ces arrivées fulgurantes de nouvelles starlettes flanquées au bras d’un illustre mari de la corporation. Ava Gardner qui avait eu l’outrecuidance de devenir madame Mickey Rooney alors qu’elle était aussi inconnue que scandaleusement belle avait été considérée comme une sorte de domestique qui aurait quitté l’office pour épouser le fils de la maison. Et cette Linda Christian était peut-être plus belle encore qu’Ava, mais elle était mexicaine! Hollywood qui n’aimait rien tant que de se gausser des déconvenues sentimentales de Lana prit cette fois son parti et lorsque Tyrone tomba dans les rets de l’iceberg brûlant, à savoir la nouvelle importation suédoise, miss Anita Ekberg, on dansa la farandole, on alluma des feux de joie! La mexicaine avait eu ce qu’elle méritait! La Mexicaine était trompée par la suédoise, l’honneur de l’américaine était vengé! Mais l’iceberg ne fit pas long feu contre le sublime volcan et Linda Christian resta madame Power, menant grand train, conduisant ses querelles de ménage avec autant de panache que ses dépenses chez Harry Winston!
Le 2 Octobre 1951, Linda fait donc de Tyrone Power le papa comblé de la petite Romina. Le 13 Septembre 1953, ce sera le tour de la petite Taryn de venir compléter la famille. Mais entre les deux naissances, la relation entre les époux s’est détériorée. Linda, ses filles sous le bras quitte Hollywood et regagne Rome la ville qu’elle adorait et où elle avait d’ailleurs rencontré Tyrone. Les petites filles ne verront plus que très peu leur papa après le fracassant divorce de leurs parents. Le 15 Novembre 1958, Tyrone Power meurt sur le tournage de « Salomon et la Reine de Saba » emporté par un infarctus foudroyant. Sa nouvelle compagne allait mettre leur fils au monde trois mois après ses funérailles.
En Italie, Linda Christian mena son habituel tapage et devint une des grandes égéries de la Dolce Vita des années 60. Une des reines de la via Venetto, traînant dans son sillage une armada de princes consorts énamourés, finissant par épouser très momentanément le plus assidu d’entre eux, l’acteur Edmund Prudom. Mais ce n’est pas pour ses frasques, ses diamants et ses fourrures que Linda Christian va faire jaser plus que de raison dans les chaumières. C’est pour sa relation très particulière avec sa fille Romina.
Dans la foulée du scandale »Lolita », le coeur des années 60 avait battu au rythme des nymphettes, ces adolescentes effrontées, toujours blondes et destinées à chambouler tous les démons de midi, préférant les voitures de sport au collège, semant l’effroi dans les populations bien pensantes et accessoirement chez papa maman. Dans la déferlante de la libération sexuelle et de l’émancipation des femmes, Linda affiche ouvertement sa relation mère-fille comme une relation de copines-complices libres et très adultes. Elle distribue avec un sourire ébloui les photos de starlette de sa fille, ravissante brune à la longue crinière lui balayant les reins. Elle a quinze ans lorsqu’elle débute au cinéma et sa mère verra d’un très bon oeil les scènes qu’elle tourne entièrement nue et qui scandalisent la planète entière… A l’exception de maman.
Romina elle-même avait déjà défrayé la critique bien avant son premier film. A 14 ans elle avait donné une interview et n’apprécia pas qu’on lui parle surtout de son illustre père. « Je n’ai aucun souvenir de mon père. D’accord j’avais 7 ans quand il est mort, mais comme je ne l’avais pas vu depuis quatre ans, vous comprendrez bien que je ne m’en souvienne pas du tout. La seule chose que je sais c’est qu’il m’a laissé une fortune qui fera de moi une milliardaire dès ma majorité.«
Romina présente également à sa mère et à la presse ses « fiancés », chanteurs chevelus cherchant leur voie entre les Beatles et Dylan. Ces dames échangeant leurs avis respectifs sur les hommes de leur vie et leur sexualité s’il faut en croire la presse complètement éberluée de l’époque. On accusera plus souvent qu’à son tour Linda Christian de « vendre » sa fille aux cinéastes afin d’assurer à la fois sa relève et ses revenus. Les plus violents détracteurs de Linda parleront de « prostitution » d’autant plus odieuse qu’elle était orchestrée par la mère de l’actrice.
Nous étions en 1965, la jeunesse secouait la poussière de plusieurs siècles de soumission aux carcans bourgeois. On voulait vivre, on voulait aimer, on voulait être libre. Linda offrit tout celà à ses filles, tout ce qu’elle n’avait pas eu. Romina ferait ce qu’elle voulait, tout simplement. Et tant pis pour les bonnets de nuit que cela choque!
On en avait pourtant déjà vu d’autres, mais on pouvait toujours lire dans la presse « Qu’une fille de 14 ans se montre nue à l’écran , ce n’est déjà pas très courant même à notre époque d’émancipation, mais que ce soit avec le consentement pour ne pas dire avec les conseils voire les encouragements de maman, c’est quand même surprenant! » et d’ajouter « A dix-veufs ans elle a déjà une maturité que beaucoup de filles n’atteindront même jamais!« Il faut dire que Romina elle-même avait alimenté la polémique à son sujet en déclarant « Si mon père Tyrone Power revenait, je crois qu’il ne serait pas content de la manière dont je mène ma vie et ma carrière, lui qui détestait choquer«
Le cinéma, bien sûr lui ouvrait les bras et tendait ses contrats. Elle était ravissante, très libérée et universellement célèbre depuis sa naissance. Mais la vraie passion de Romina c’était la musique.
On l’avait croisée dans l’ombre de Danielle Darrieux dans « 24 heures de la vie d’une Femme » où pour une fois c’est Danielle qui tombait la chemise pendant que Romina restait couverte jusqu’au menton. Mais pour « Justine ou les Infortunes de la Vertu » le scandale sera bien plus important que les recettes du film. La presse trouvera le moyen de s’offusquer: « Toute la publicité du film est concentrée sur la nudité intégrale de sa vedette qui n’a pas quinze ans« ! Evidemment, « publicité « voulait dire « intérêt » quant à la « vedette », elle n’ a en effet pas quinze ans, elle en a dix-huit! Elle en a dix-huit et elle trouvé le grand amour de sa vie, au grand dam pour ne pas dire l’effroi de Linda Christian!
Linda voulait pour sa fille un beau Roméo digne de sa beauté, de ses origines et de tous ses talents. Elle ne comprenait pas qu’elle se soit entichée de ce chanteur Italien plus petit qu’elle, plus vieux, et qu’elle trouvait non seulement épouvantablement laid mais sans aucune éducation. Albano Carissi a été baptisé Albano par son père en souvenir de ses combats en Albanie durant la seconde guerre mondiale. Il n’a ni classe ni beauté ni charme ni argent mais Romina ne veut rien entendre.
Linda, d’une sidérante verdeur assiste à leur mariage, réfugiée déjà dans des espoirs de divorce rapide.
Romina disait « oui » à Albano alors qu’elle avait dit « non » au prince Stanislas Klossowski de Rola, fils du peintre Balthus, après trois ans de romance. Il fut le fiancé de Romina entre ses 15 et ses 18 ans et on ne les voyait jamais sans maman Linda qui chaperonnait ces amours. Et Romina d’ajouter à la veille de son mariage: « Je déteste tout ce que j’ai fait au cinéma jusqu’ici sauf mes deux derniers films parce que je les ai faits avec Al Bano, avant c’est maman qui signait mes contrats, maintenant ce sera lui! » puis se tournant vers sa mère liquéfiée elle lui lança: « Je m’en fiche que tu n’aimes pas Albano, il plairait à papa! »
Le couple restera marié 29 ans. Unis le 26 Juillet 1970, ils divorceront en 1999.
Ensemble ils connaîtront un succès foudroyant en Italie, ils chantent en duo. Romina porte des robes de princesse qui feront rêver plusieurs générations de petites filles. Ils participent à tous les grands concours nationaux et internationaux comme San Remo ou l’eurovision de la Chanson. Albano gagnera même un procès pour plagiat contre…Michael Jackson! Ils sont littéralement déifiés en Italie, un émission de télévision sans eux n’est jamais vraiment réussie et le groupe ABBA ne réussira jamais à surclasser les ventes de Romina Power et Albano en Italie. Ce sont des stars ultra populaires et le public national fait un triomphe à chaque film que tourne Romina, Albano étant devenu son partenaire attitré.
Ils auront le temps d’avoir quatre enfants: Ylenia Maria née en 1970, Yan Marco né en 1973, Cristel Chiara née en 1985 et Romina Iolanda née en 1987.
Malheureusement, en 1994, leur fille aînée Ylenia est portée disparue en Louisiane. Romina s’épuisera à la rechercher en vain. Si Albano accepte de faire le deuil de sa fille, Romina ne renonce pas et vit d’espoir. Cette situation aura raison de leur couple qui va alors vivre un triste « crépuscule des dieux » après 30 ans d’une carrière superbe portée par la fidélité sans bornes de leur public.
Ylenia était connue du public puisqu’elle présentait « La Roue de la Fortune » à la télévision italienne mais suivait en parallèle de très sérieuses études de lettres. Comme son frère, la jeune femme est passionnée de voyage et caresse depuis longtemps l’idée de parcourir le monde en solitaire avec seulement un sac à dos et son journal de bord.
Elle voyage ainsi depuis plusieurs mois et le 26 Décembre 1993 elle quitte le Belize en bus pour gagner la Louisiane. Son frère Yan lui aussi en voyage devait la rejoindre au Belize pour passer Noël avec elle. Mais retardé il n’est arrivé que le 27 Décembre. Sa soeur est partie depuis quelques heures. On sait que la jeune femme s’est installée dans un hôtel du quartier français de New-Orleans et fréquente un musicien des rues afro-américain Alexander Masekela de 20 ans son aîné. Ylenia portée disparue, Alexander Masekela sera arrêté le 31 janvier mais sera relâché car rien ne peut le relier concrètement à la disparition de la jeune présentatrice.
Un vigile, le gardien de l’aquarium, déclarera avoir vu une jeune femme correspondant au signalement de la disparue sauter dans le fleuve Mississipi mais le corps, probablement entraîné vers le large n’a jamais été retrouvé et rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit bien de la fille de Romina Power et Albano.
Albano entreprend alors une carrière solo, part en tournée, le public ne suivra pas.
Après son divorce il se remariera en 2001 avec une présentatrice de télévision plus célèbre pour son exhibitionnisme forcené que pour sa finesse d’esprit: Lorendana Lecciso avec qui il a deux autres enfants. Albano fait partie de ces personnalités qui se sont engouffrées dans les émissions de télé réalité qui déferlent en Italie comme ailleurs. Il participe à l’équivalent italien d’un Koh Lanta pour célébrités lorsque Lorendana le plaque en direct dans son émission, répandant son linge sale sur les écrans des téléspectateurs médusés.
Romina qui était de son côté membre du jury de « Danse avec les Stars » est sidérée elle aussi mais ne fera pas de commentaires, sa mère Linda Christian ne lui a pas appris que cinq langues, elle lui a aussi appris à se tenir comme une lady! Depuis la disparition de sa fille, Romina Power n’ a plus le coeur à pousser la chansonnette. Elle peint, elle écrit, elle passe à la mise en scène en 2006 avec « Upaya ». Mais pour l’Italie elle sera toujours et à jamais l’interprète de « Félicita ». Elle choisit alors de quitter l’Italie où elle est une des principales cibles de la presse à scandale pour les Etats-Unis où elle n’est « que » la fille de Tyrone Power et s’installe en Arizona.
Linda Christian qui avait pris la même décision vit depuis plusieurs années aux USA lorsqu’elle est diagnostiquée souffrant d’un cancer du colon. Romina s’installe alors chez sa mère à Palm Springs et l’accompagne dans son agonie. Linda Christian meurt emportée par sa maladie le 22 Juillet 2011, elle avait 87 ans.
Romina Power est restée en Amérique ou elle vit et travaille, toujours très belle la soixantaine venue, elle affiche une beauté solaire héritée de ses parents, bon sang ne saurait mentir, elle a sacrifié (un peu) de sa longue chevelure, elle a l’air d’une femme de 50 ans et n’a pas perdu l’espoir de retrouver sa fille ou tout du moins de connaître enfin la vérité.
PS
Trois autres jeunes filles disparaissent en quelques mois d’intervalle. Après Ylenia en Louisiane c’est au tour de Jayme Engstorm dont la beauté blonde est très similaire à celle de Ylenia qui disparaît en Floride le 20 Février. C’est ensuite Jeanie Lofton qui disparaît au Texas le 2 Avril, Marciella Cortez disparaît en Californie le 20 Juillet . Quatre jeunes filles sensiblement du même âge et de même type disparaissent en quelques mois dans le sud des Etats-Unis. Aucune n’a été retrouvée. A ma connaissance la police n’a pas relié ces disparitions entre elles.
Le vigile, Anthony Cordova qui a vu la jeune fille sauter dans le Mississipi déclare qu’elle aurait dit « Je vais dans l’eau parce que c’est à l’eau que j’appartiens ». Mais pourquoi Ylenia se serait-elle exprimée en anglais avant de se donner la mort puisque ce n’était pas sa langue maternelle et qu’elle ne comptait être comprise de personne? Se peut-il aussi que la jeune femme ait crié sa phrase ultime comme pour se donner en spectacle avant d’accomplir son geste? Ou le vigile était assez près pour entendre un murmure? Questionné sur le sujet, il déclare que la jeune femme est venue lui demander de partir d’où il était, ce qu’il aurait accepté de faire et qu’il l’aurait alors entendue murmurer ces mots. Etrange conception du métier de vigile si une jeune femme demande au bord ‘un fleuve de détourner le regard car elle « va à l’eau à qui elle appartient » est-ce bien le moment d’une pause clope?
Comme toute personne disparue en Amérique, Ylenia a un « numero de dossier » au FBI. Ce numéro n’est effacé que lorsque la personne est retrouvée, soit morte, soit vivante mais désireuse de rester « disparue » l’enquête alors s’arrête mais la famille comme le veut la loi n’est pas prévenue si la personne ne le souhaite pas. Ylenia n’a plus de numero de personne disparue au FBI.
Je comprends Romina Power qui refuse de faire le deuil de sa fille alors que tant de questions sont sans réponses.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1965: Mariage All’italiana: Avec Dalida, Ugo Tognazzi et Anna-Maria Buccella
1966: Come imparai ad amare le donne: Avec Michèle Mercier, Nadja Tiller et Anita Ekberg
1967: Assicurasi Vergine: Avec Leopoldo Trieste et Daniela Rocca
1968: L’Oro dl Mondo: Avec Albano et Linda Christian
1968: Vingt Quatre heures de la vie d’une Femme: Avec Danielle Darrieux
1969: Justine de Sade: Avec Klaus Kinski, Sylvia Koscina et mercedes MacCambridge
1969: Pensando a te: Avec Albano
1970: Angeli senza paradiso: Avec Albano et Agostina Belli
1970: Mezzanotte d’amore: Avec Albano et Dolores Palumbo
1983: Champagne in paradisio: Avec Albano