C’est sans conteste une gageure que d’aborder la carrière de Sylvie Vartan dans ces pages. Reine du disque et record Woman mondiale du nombre de places de concerts vendues dans le monde, tout a été dit et redit sur elle. Par elle comme par d’autres. Sa vie a même fait l’objet d’une comédie musicale, Sylvie ne laissant à personne d’autre le soin de s’interpréter.
La future reine de la chanson française, Sylvie George Vartan vient au monde en Bulgarie, à Iskretz le 15 Août 1944. Elle nait dans une famille d’intellectuels francophiles. Son père Georges, bulgare d’origine arménienne est attaché de presse à l’ambassade de France en Bulgarie. Sa maman Ilona Meyer est fille d’un architecte de renom. La petite Sylvie a déjà un frère, nettement son aîné, Edouard dit « Eddie » qui s’apprête à avoir huit ans à la naissance de sa petite soeur.
La vie de la famille Vartan va être très vite bouleversée. La petite dernière n’a que quelques mois lorsque l’armée soviétique envahit la Bulgarie et au passage réquisitionne la maison Vartan. Ils se réfugieront dans la famille à Sofia.
La vie est particulièrement dure dans un pays occupé et toute petite qu’elle soit, Sylvie se souviendra toujours d’un coup de crosse que sa mère reçut dans le dos parce qu’elle n’applaudissait pas assez fort à un défilé militaire. Depuis l’invasion soviétique, le grand père que Sylvie idolâtre presse « les jeunes » de fuir le pays et gagner la France.
Dans tout ce charivari, par un étrange coup du destin jouant les père prémonitoires, Sylvie petite écolière participe au tournage d’un film. Cachet pour les enfants: Une paire de bottines neuves! Une véritable aubaine! Sylvie ne se souviendra absolument pas du tournage mais se souviendra parfaitement que ses nouvelles bottines aux pieds, sa vocation d’être un jour actrice était née et resterait inébranlable. Elle avait 6 ans.
Son autre souvenir d’enfance c’est la silhouette de son grand-père agitant son mouchoir sur le quai au départ du train qui l’emmenait avec sa famille vers la France. Elle gardera nettement le souvenir de la fragile silhouette rapetissant au fur et à mesure que le train s’éloignait. Dernière image d’un grand-père adoré qu’elle ne reverra jamais.
L’arrivée en France fut plus difficile pour les enfants que pour leurs parents même si la situation de néo arrivants dans un pays n’est jamais facile pour personne. Mais au moins Georges et Ilona parlent parfaitement le français ce qui n’est pas le cas des enfants qui ne s’expriment que dans leur bulgare natal. Ils seront en outre placés dans des collèges différents. Les parents ne voulaient pas qu’ils se referment sur eux-mêmes mais soient au contraire bien forcés de s’intégrer. Décision cruelle…mais sage. On imagine d’autant mieux leur désarroi quand on sait que la famille Vartan est arrivée à Paris quelques jours avant la Noël 1952.
La vie de Sylvie qui n’a pas renoncé à ses rêves d’actrice va être bouleversés du tout au tout en 1961. Elle a 17 ans et son frère qui se fait une petite place dans la musique l’appelle au secours. Il doit enregistrer une chanson yéyé, un duo entre Frankie Jordan et la starlette découverte par Vadim, Gillian Hills. Mais Gillian au dernier moment se rétracte. Gainsbourg aura plus de chance. C’est avec lui qu’elle chantera en 1963 « Une Petite tasse d’Anxiété ». Sylvie enregistre la chanson avec Frankie, tourne le scopitone puisqu’on ne dit pas encore « clip », très angoissée d’être serrée de si près puis embrassée par un garçon devant une caméra. Elle sera moins timorée avec un autre chanteur yéyé: Dany Logan qui sera son premier « petit fiancé » qui n’est pas sans similitude physique avec un certain Johnny Hallyday.
Elle l’ignore encore mais c’est le premier pas de la carrière fulgurante que l’on sait. C’est l’avènement des yéyé. Ou plus exactement c’est la première fois que l’adolescence est considérée comme un âge à part entière. Avec ses vêtements, sa musique, sa presse et ses films. Avant on passait de l’enfance à l’âge adulte. Maintenant on est une personne autonome. Un nouvel âge, une nouvelle mode, une génération qui s’affirme et ses cherche des repères, des icônes. Il suffit d’une chanson pour faire de vous « l’idole des jeunes » Pour Françoise Hardy ce sera « Tous les garçons et les Filles », pour Sheila « L’Ecole est Finie » et pour Sylvie « La Plus belle pour aller danser ». Elle est une idole. Comme Richard Anthony, Nancy Holloway et le jeune Johnny Hallyday, encore lui.
Pourtant il y aura un épisode plutôt « douloureux » dans cette belle « succes story ». En 1963, Sylvie et sa petite robe bleue partent en tournée à travers toute la France. Mais dans une France qui pleure Piaf, la jeune idole yéyé ne convainc pas sur scène et partout où elle passe elle se fait huer. Bientôt le public ne vient plus pour l’entendre mais pour lui balancer des tomates. Une mode qui fera fureur tout un été. La presse se régale partout où elle passe de ses photos en larmes après chaque concert et titre à l’unanimité « L’Idole est finie ». Son seul soutient: le jeune chanteur parti avec elle: Johnny Hallyday. Sylvie devient dès 1962 sa fiancée officielle à la grande surprise de sa « fiancée officielle » précédente: Catherine Deneuve succédant brièvement et un peu en alternance à Patricia Viterbo.
Et encore une fois, les choses avaient bizarrement commencé. Jean-Jacques Debout était tombé amoureux fou de la jeune Sylvie et se lançait dans des manœuvres qu’il croit habiles pour approcher la jeune fille. Prétextant devoir rencontrer Eddie Vartan le frère de Sylvie il se rend à un gala où Sylvie se produit, sachant qu’après ils iront dîner tous ensemble. Et pour faire celui qui ne prémédite rien d’autre que de parler musique et chanson, il emmène avec lui son pote, un certain Johnny Hallyday. Lequel ne manque pas de mettre les pieds dans le plat . Il s’adresse à Eddie Vartan, ignorant qu’il est le frère de Sylvie et lui glisse à l’oreille « Dis-donc, elle est gironde le petite blondinette, là, elle m’excite même pas mal, je me la taperais bien! » Selon certaines versions, Johnny se serait pris une beigne. Mais peu importe, ce soir là, il dîne en face de la jolie Sylvie. Pour Jean-Jacques Debout, les jeux sont faits.
Johnny l’impose à ses côtés dans son film « D’où viens-tu Johnny » . Mais seul Johnny connaît le succès. Sylvie Vartan ne peut pas se permettre d’être une casserole accrochée aux basques de la nouvelle idole de la jeunesse. Elle travaille presque avec acharnement pour sinon être à la hauteur de Johnny Hallyday au moins ne plus être celle qui entrave sa carrière.
Sylvie Vartan joue son va tout en acceptant un rôle dans un film médiocre dès son écriture « Cherchez l’Idole » De ce naufrage artistique, Sylvie se tire avec les honneurs. C’est dans « Cherchez l’idole » que le public entend pour la première fois ce qui restera son hymne: « La plus belle pour aller danser ». La presse qui titrait « L’idole est finie » en 1963 titre en 1964: Sylvie Vartan, la force de frappe de la chanson française ». Elle passe avec brio le test alors fatidique des émissions de télévision alors regardées par la France entière. Or elle n’est pas la chanteuse de la France entière, elle est celle des jeunes et les jeunes ne sont pas forcément devant « Télé Dimanche ».
Et puis il y aura pour Sylvie Vartan le même miracle que pour Brigitte Bardot. Alors que la France avait à peine cessé de lui balancer des tombereaux de primeurs à la figure, l’Amérique lui offre un pont d’or! Toute les chaines de télévision se l’arrachent et la presse est dithyrambique: » Les spécialistes du box-office américain affirment que Sylvie Vartan est la française type dont les américains raffolent et qu’elle sera bientôt la Marilyn Monroe française qui éclipsera toutes les autres vedettes. C’est elle qui inspirera la nouvelle génération et que toutes les filles copieront! » La presse française un peu sonnée titrera pour donne bonne mesure « Un an après avoir été huée, Sylvie Vartan réussit le plus extraordinaire retour de toute l’histoire du spectacle ». Trois ans après ses débuts elle partage la scène de l’Olympia avec Les Beatles mais c’est elle que l’on vient voir! Sylvie l’idole. Sylvie le phénomène de société.
Evidemment le cinéma, son rêve, s’intéresse à elle et met les petits plats dans les grands pour ses débuts. Je parle de ses vrais débuts de comédienne. Elle avait déjà tourné mais toujours en tant que Sylvie Vartan. Ce sera « Patate ». L’adaptation de la pièce de Marcel Achard qui venait de faire un énorme succès avec Sophie Daumier dans le rôle. Une distribution de haute volée pour encadrer les débuts de Sylvie actrice: Jean Marais, Danielle Darrieux, Anne Vernon et Pierre Dux. Le film est une réussite, Sylvie « se tient » comme on dit. Mais le film hélas ne s’adresse pas au public habituel qui idolâtre Sylvie. C’est une comédie boulevardière destinée à un autre public, celui du dimanche soir qui ne jure encore que par feue Piaf et pour qui même Greco a toujours des allure de sale gamine mal habillée. Ce public là préfèrera longtemps Mireille Mathieu ou Georgette Lemaire. Sylvie de son côté a fait une rencontres cruciale après celle de Johnny: Celle d’un jeune garçon sur le plateau de « Patate », Carlos qui servait de chauffeur à la production. Carlos deviendra son plus fidèle ami pour la vie et son secrétaire pour de nombreuses années avant qu’elle ne l’incite à chanter en 1967.
Le couple Johnny et Sylvie devient le couple phare de la chanson française et le restera durant tout leur mariage soit 16 ans. En 1966 leu fils David vient au monde et la presse titre « Le Roi David est né ».
Mais le parcours conjugal sera semé d’embûches et non des moindres. En 1968, Sylvie conduit sa petite voiture de sport, une OSI lorsqu’elle est percutée par une autre voiture, une lourde camionnette Peugeot. Sylvie est blessée mais son amie Mercedes Calmel Mendès, la marraine de David qui voyageait avec elle est tuée sur le coup. Elle avait 22 ans.
La route sera à l’origine d’un autre drame pour Sylvie. Le 20 février 1970 le couple Hallyday se rend à Belfort pour s’y produire en gala. Johnny Hallyday perd le contrôle de sa DS dans un virage verglacé. La voiture quitte la route, fait une embardée. Hallyday s’est cassé le nez sur le volant mais Sylvie a traversé le pare-brise. Elle est inconsciente et complètement défigurée. Les blessures laissées par les éclats de pare-brise de l’époque sont la hantise des chirurgiens, les chairs sont coupées comme au scalpel. Il n’y a qu’aux USA que des spécialistes ultra performants sont susceptibles de rendre un visage à Sylvie. Ses opérations prendront six mois. Elle reviendra avec un autre visage et dorénavant portera les cheveux longs.
Mais l’exil forcé en Amérique n’ a pas été vain. Sylvie a découvert les grands shows à l’américaine et elle a fait la rencontre du professeur de danse de Barbra Streisand. Alors qu’elle a repris le travail et qu’elle est en tournée, elle découvre un soir à Tel Aviv un jeune chanteur au charme fou et à la voix fabuleuse. Elle croit en lui, elle a raison, il s’appelle Mike Brant. Elle l’invite à Paris pour qu’il vienne y tenter sa chance. Il deviendra l’idole d’une autre génération avant de se donner la mort à 28 ans, le 25 avril 1975.
Entiche de shows à grandes mises en scène, elle aborde la seconde phase de sa carrière et devient une véritable meneuse de revue. Elle chante, elle danse avec une foule de costumes, de perruques sur des mises en scènes très soignées. Elle remplit les plus grandes salles avant de remplir des stades. C’est Gene Kelly en personne qui fasciné la ramènera en Amérique et la produira au Carnegie Hall. Dorénavant, Sylvie se partagera entre Paris et Los Angeles. Par contre c’est le cinéma belge qui fera appel à cette nouvelle Sylvie pour « Maupertuis » avec Mathieu Carrière et Susan Hampshire en 1971.
Elle fait un triomphé télévisé avec une comédie musicale écrite pour elle « Dancing star » diffusée le9 octobre 1977. Le scénario « collait » à sa propre histoire à un point tel que Sylvie déclarera l’air amusé « On a un peu bidouillé le scénario pour ne pas que ça fasse trop mégalo mais bon, tout le monde m’ bien reconnue. Le 33 tour de l’intégrale va littéralement s’arracher.
Le couple Johnny et Sylvie divorcera en 1980 mais restera très proche à jamais. Sylvie se remariera en Amérique, avec le producteur Tony Scotti le 2 juin 1984. Le couple adoptera une petite orpheline bulgare, Darina, née en 1997. Le temps passant, Sylvie Vartan reviendra à des concerts plus intimistes où elle aime à revêtir la robe bleue des années 60, celle de « La Plus Belle pour aller Danser ». En 1990, elle peut enfin revoir la Bulgarie. Elle y retourne accompagnée de son fils David. Retrouve la trace de ses souvenirs d’enfant et se produit en concert. Un triomphe absolu. Celui qui l’aura le plus émue parmi tous ceux qu’elle glane depuis un demi-siècle.
Sylvie a perdu ses parents, son frère, son inséparable ami Carlos mais David l’a faite grand’mère.
Au cinéma elle aura dû attendre 1994 pour tenir enfin un rôle exigeant, celui de « L’Ange Noir » de Jean-Claude Brisseau. C’est son plus grand rôle sans conteste possible mais c’est aussi un échec public. Brisseau l’a dirigée froidement. Les manières que je qualifierai de peu scrupuleuses envers les dames de Brisseau sont connues de tous. Si Sylvie veut faire le film elle craint l’homme. Elle fera stipuler par contrat qu’il n’aura pas le droit de poser la main sur elle de quelle manière que ce soit et qu’il n’a pas non plus le droit d’être seul dans une pièce avec elle. En fait, elle tournera le film sous surveillance!
Sylvie Vartan est une femme fidèle en tout point. En ses convictions d’abord. Elle est très chrétienne et porte une indéfectible admiration au pape, au souvenir de ses parents, à ses amis: Sheila, Françoise Hardy , Brigitte Bardot, et surtout à elle-même. Elle ne renie rien de ce qu’à fait ou de qui a été Sylvie Vartan. Ni ses amours ni ses chansons, ni ses choix. Elle sera restée fidèle des années durant au couturier Marc Bohan bien des années après qu’il ait quitté la maison Dior. Elle aura même avec une certaine crânerie, l’idée de lire en scène durant une série de concerts, quelques-unes des plus violentes critiques reçues à ses débuts et pieusement conservées dans un album.
Entourée de ceux qu’elle aime, fidèle à son image comme au reste, elle parcourt toujours le monde de galas en triomphes, chante en neuf langues et est une des plus grandes icônes de Turquie et du Japon. Elle s’est lancée, depuis peu, à plus de 70 ans, dans le théâtre. en attendant d’autres lendemains, d’autres aventures, d’autres défis.
Celine Colassin
QUE VOIR?
A ma connaissance la filmographie de Sylvie Vartan ci-dessous est complète.
1952: Pod Igoto: Le film roumain de l’enfance
1962: Un clair de lune à Maubeuge: Avec Pierre Perrin
1963: D’où viens-tu… Johnny? : Avec Johnny Halliday
1964: Patate: Avec Jean Marais, Pierre Dux et Danielle Darrieux
1964: Cherchez l’Idole: Avec Dany Saval et Johnny Halliday
1971: Malpertuis: Avec Susan Hampshire et Mathieu Carrière
1972: Absences Répétées: Avec Danièle Delorme et Nathalie Delon
1994: L’Ange Noir: Avec Michel Piccoli
2013: Des Gens qui s’embrassent: Avec Monica Bellucci et Kad Merad
2014: Tu veux ou tu veux Pas?: Avec Sophie Marceau et Patrick Bruel