L’actrice Xénia Desni connaissait une brillante heure de gloire au début du siècle avant de s’enticher d’un acteur un rien bellâtre d’origine Russe: James Brodsky. Follement amoureuse, Xénia (dite Dada pour ses fans) délaissa les paillettes pour le grand amour et mit au monde sa petite fille Tamara Brodsky dans une joie et une allégresse qui n’allait guère durer, le 22 Octobre 1913.
Le beau James s’envola pour « tâter le terrain » à Hollywood et laissa mère et fille sur le pavé comme une sorte d’excédent de bagages inutiles dans un pays en pleine révolution. On ne le revit pas et on n’eut guère de ses nouvelles. Xénia-Dada ne se laissa pas abattre, reporta tout son amour sur sa petite fille adorée et reprit du service dans le spectacle presque avec acharnement. Elle allait non seulement montrer à cet imbécile de James ce dont elle était capable, mais elle allait donner à sa petite Tamara une vie de princesse!
Xénia tint parole se refit une place fort correcte parmi les vedettes du cinéma teuton après un exil Turc qui prit fin avec la guerre de 14-18. Elle apprit à sa ravissante bambine toutes les arcanes de son fabuleux métier. Tamara qui devint Tamara Desni pour effacer à jamais de sa mémoire ce père défectueux sut très vite chanter, danser, jouer la comédie. Et qui de plus est, elle grandit en grâce et en beauté jusqu’à devenir une de ces jeunes filles souriantes et proprettes comme les aime le public teuton, sentant bon le savon, le lait et la valse de Vienne.
Elle épousa par mégarde son dentiste Hans Wilhem, sans doute par besoin de référence masculine dans sa vie sans père ni frère. Mais cette courte union aussi juvénile que précipitée n’était déjà plus qu’un souvenir lorsque la jeune Tamara fit ses vrais débuts sur les scènes berlinoises dans une comédie musicale qui ravit aussitôt les oreilles et le coeur des foules.
Prompt à fêter la nouvelle vedette, le théâtre allemand fit de Tamara Desni une star et mit en chantier une nouvelle comédie musicale où elle pourrait briller tout en haut de l’affiche, ce fut « l’Auberge du Cheval Blanc », presque un passage obligé. Un triomphe qui dura si longtemps qu’elle eut le temps de tourner trois films avant que l’auberge ne quitte l’affiche!
Tamara fut si sensationnelle que non seulement la pièce fit un triomphe retentissant mais partit en tournée Européenne, se fixant à Londres pour 500 représentations triomphales! Tamara, flanquée de sa chère maman devint la coqueluche des Anglais. On s’installa donc à Londres. Nous étions en 1931.
En 1935, devenue une vedette connue, Tamara reproduirait le schéma parental, avouant le même faible que sa mère pour les acteurs bellâtres, elle épousait Bruce Seton avec qui elle partageait l’affiche d’un film: « Fumée Bleue ».
En 1940, le mariage se solde par un divorce, Tamara ayant choisi cette fois le producteur de son nouveau film: Roland Gillett. Londres croule sous les bombes, ce troisième mariage ne survivra pas aux séparations de la guerre.
En 1947, Tamara se remariera encore avec un acteur anglais: le très mondain Raymond Lovell avec qui elle mènera grand train. Restant une créature somptueuse malgré le temps qui passe. Tamara a vu son personnage de jeune oiselle un peu dinde chantonnant dans ses dentelles et le nez dans des bouquets de pâquerettes son amour pour de beaux princes lui échapper au profit de nouvelles venues à l’ait bête à force d’écarquiller leurs yeux de Barbie. De son côté, elle a évolué avec délectation et surtout beaucoup de chic vers un personnage plus fatal et plus glamour qui sied fort bien au climat des films policiers qui seront la grande affaire du cinéma des années 50.
Mais Tamara n’a toujours pas connu, la quarantaine venue, le rôle qui ferait d’elle une icône inoubliable, elle reste une « vedette connue », elle n’est ni Marlène ni Greta, elle ne sera ni Marilyn ni Ava ni Rita. Il faut d’ailleurs reconnaître que Tamara Desni n’avait pas hérité de la volonté de réussite de sa mère Xénia. La belle devant qui toutes les portes s’ouvraient ne fut jamais une boulimique de travail. Elle profitera de ses mariages successifs pour déserter les écrans où on ne la vit guère non plus durant la guerre. Finalement le mariage avec le dentiste berlinois nous éclaire peut-être sur une aspiration profonde à une vie bourgeoise et paisible loin des feux de la rampe. Et sans doute est-ce en celà qu’elle se rapprocherait le plus d’une Ava et d’une Rita. Ceci étant souligné, que l’actrice soit restée une vedette célèbre malgré la parcimonie de ses apparitions nous prouve si besoin était qu’elle était bel et bien faite de l’étoffe dont on fait les stars.
Elle n’ a pas connu non plus le grand amour, son quatrième mariage s’en va en capilotade lui aussi.
Alors un rien déçue, un peu frustrée, et pour tout dire lassée, elle prend ses distances avec cette vie d’actrice qui ne lui aura rapporté que beaucoup d’argent chèrement gagné et une nuée de déceptions.
Elle quitte Londres et part pour la côte d’Azur où ses pieux vœux de retraite solitaire ne durèrent que le temps du mimosa.
Elle va rencontrer son futur cinquième mari en la personne d’un certain Albert Lavagna, un entrepreneur de la région qui se fiche bien du cinéma et de ses vedettes. Ils ouvriront dans la campagne de Grasse une coquette auberge, « Chez Tamara » où se pressera bientôt tout le chic du cinéma en tournage aux studios de la Victorine de Nice. On y croisera Suzy Solidor, Marais, Cocteau, Marie Bell, Darrieux, Morgan, Feuillère et quelques têtes couronnées en villégiature.
Tamara enfin heureuse aura la surprise aussi inattendue que bienvenue d’attendre un bébé alors qu’elle a déjà 44 ans et que tous ses espoirs pour devenir maman étaient restés des échecs depuis l’épisode du dentiste berlinois! Elle mettra au monde une petite fille qui sera…suivie d’une deuxième! On vivra donc longtemps heureux en famille au soleil. Xenia enfin grand’mère faisant bien entendu partie du tout jusqu’à sa fin en 1962.
Puis l’heure de la retraite ayant sonné, le couple Lavagna vend sa chère auberge et se retire dans une jolie métairie dans la vallée de la Garonne.
Ce fut ensuite l’heure de la vieillesse, il fallut par commodité renoncer à la vie de campagne et aux grands espaces pour un appartement « pratique » en ville. Tamara avait depuis longtemps soufflé ses 80 bougies.
Elle en avait soufflé 94 lorsqu’elle s’éteignit dans son sommeil le 7 Février 2008, rejoignant son cher mari dans la tombe où il l’avait précédée de peu.
Certains sources font naître Tamara dès 1910, ce qui la ferait s’éteindre à 97 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1931: Ehe Mit Beschkrangter Haftung: Avec Charlotte Susa et Rosa Valetti
1935: Fumée Bleue: Avec Bruce Seton
1935: McGlusky, The Sea Rover: Avec Jack Doyle
1939: Traitor Spy: Avec Bruce Cabot et Marta Labarr
1945: Flight From Folly: Avec Patricia Kirwood et Hugh Sinclair