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Au XVIIIème siècle, une haute personnalité, condamnée par la tuberculose qui faisait des ravages, séjournant sur la côte méditerranéenne française se trouva miraculeusement guérie! La nouvelle fit le tour du monde en commençant par le pays du miraculé: La Russie où la maladie, comme partout ailleurs faisait des dégâts considérables. On crut que l’air de la mer en ces contrées était salutaire; mais attention ! pas au bord de l’eau! là c’était humide et il y avait des pêcheurs. Et ca c’était dégoûtant! L’air miraculeux ne pouvait l’être que sur les hauteurs!

La région qui ne s’appelait pas encore « Côte d’Azur ». Cette idée publicitaire confondue aujourd’hui avec une dénomination géographique n’avait pas encore été trouvée, vit affluer toutes les grandes familles russes dont un membre était frappé par l’odieuse maladie! On construisit des palaces inouïs pour les recevoir (sur les hauteurs, donc, ce qui explique que certains des plus anciens palaces de la côte n’aient pas les pieds dans l’eau) Bientôt il y aurait Monte Carlo pour distraire ces hôtes curistes de prestige crachotants mais couverts de couronnes, de titres et de diamants. Il faudra attendre l’invasion suivante, anglaise cette fois, pour que le bord de l’eau soit investi. Ce sont les anglais qui financeront la voirie du bord de mer qui n’était qu’en sentier caillouteux malaisé, ce sera la très judicieusement nommée promenade des anglais. Les Russes quant à eux, laisseront en souvenir de leur passage un des cimetières russes les mieux fréquentés du monde, le nombre de têtes couronnées au mètre carré y est incomparable: le cimetière russe de Nice. Evidemment l’air des hauteurs niçoises n’était pas plus salutaire aux malades que le tuyau d’échappement de ma première R5 mais la légende et donc les affaires firent long feu. La riviera française était née, son prestige médical durera jusqu’à la révolution Russe où cette fois les « nouveaux Russes » arrivant en France ne seront plus des malades mais des réfugiés. Ils choisiront donc Biarritz comme lieu de rassemblement mondain.

Tout ca pour en venir à Tania Fédor, d’origine russe, née Tatiana d’Ermiter, à Monaco, le 3 Novembre 1905. La petite Tania naît et grandit dans un décor de rêve. La riviera française outre son écrin naturel d’une beauté incontestable est en perpétuelle effervescence au début du siècle, tout ce qui se fait tout ce qui se construit est du dernier chic, de la dernière modernité et du plus grand luxe! Bientôt on va même goudronner une rue! Une invention inouïe et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité un ruban de goudron noir va s’étendre sur un kilomètre. Où cela se passe-il? A Monaco bien sûr! La vie est rythmée par les soins aux malades, quelques enterrements, les dernières collections de chapeaux et bien sûr  « la saison ». Il ne faut pas là comprendre l’été mais bien la saison théâtrale. Il y a au cœur même du luxueux casino un fabuleux théâtre, le plus élégant, le plus couru de son temps. On y accueille Sarah Bernhardt qui l’a inauguré elle-même en 1879 et chaque année, les ballets russes s’y produisent. Car il faut bien le dire, en dehors du jeu et des spectacles  qui se donnent à « L’Opéra de Monte Carlo », on manque de distractions sur l’élégante côte en ces temps ou plage, sport nautiques et bains de mers sont impensables!

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Comment dès lors la petite Tatiana n’aurait-elle pas été complètement subjuguée par ces créatures théâtrales et fantasmagoriques qui une fois l’an venaient révolutionner son monde de leur talent? Evidemment qu’elle aussi voulut un jour être sur scène!

A l’âge de gagner Paris pour y être pensionnaire au collège, sa vocation est déjà très affirmée et ne fait que croître. L’aristocratie russe, contrairement aux autres est très ouverte à la vocation artistique et Tatiana put suivre l’enseignement de son choix. Elle serait actrice et verrait son plus grand rêve s’accomplir: Elle entrerait à la comédie française où avait déjà brillé une autre actrice d’origine russe comme elle: Marcelle Geniat.

Devenue Tania Fédor, devenue belle avec son port altier qui convient à son lignage, elle deviendra une de ces très grandes dames du théâtre qui firent les délices d’une génération fascinée et par la même occasion la réputation du « tout Paris » On n’était jamais assez belles, jamais assez riches jamais trop ostentatoires. On ne triomphait jamais assez, on n’avait jamais assez d’amants qui eux-mêmes n’étaient jamais assez célèbres et surtout, surtout on excellait dans le trait assassin, la moquerie subtile, la rosserie spirituelle! Elles seront le « suc » de la vie parisienne et de son théâtre durant toutes les années 20 et 30.

Marie Bell, Vera Korène, Françoise Rosay, Mary Marquet, Berthe Bovy, la belge dite « la grande dame », Gabrielle Robinne, Beatrix Dussane, Huguette Duflos et tant d’autres. Si je devais donner une définition des grandes dames du théâtre d’avant guerre, je dirais que le public s’habillait pour aller les applaudir, et que non seulement il applaudissait, mais il s’inclinait.

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Tania est donc une grande dame du théâtre en ces années vingt bien que je doive ici donner une précision: Bien que tous les biographes de Tania Fédor s’accordent sur son passage à la comédie française et citent même les titres des pièces où elle a brillé, la considérant comme une incontournable de la vénérable institution, elle ne fut jamais sociétaire mais seulement pensionnaire.

Tania Fédor est très amie avec le couple Jacques Feyder et Françoise Rosay, née rappelons-le Bandy de Nalège. C’est à la demande de Feyder qu’elle prend une décision assez inouïe. Alors qu’elle n’a jamais daigné s’intéresser à aucune proposition cinématographique, elle part pour Hollywood rejoindre des amis. Tania Fédor, la théâtreuse parisienne débutera au cinéma dans un film hollywoodien dirigé par un Belge  »Si l’Empereur savait Ca »!

Rentrée en France après un second film elle consentira désormais à faire du cinéma. Bientôt elle viendra en aide à son compatriote Ivan Mosjoukine et sa compagne Natalie Lissenko qui chassés de Russie ouvriront leurs propres studios à Paris « L’Albatros ». Tania tournera plusieurs fois avec lui et Mosjoukine deviendra le Valentino français ouvrant la voie aux bellâtres gominés de la décennie suivante tels Henri Garat, Tino Rossi ou George Guétary. La vogue foudroyante de Mosjoukine donnera un nouveau brillant à la « Russe attitude » dont Tania bénéficiera, juste retour des choses, même si l’emblème de cette « Russe attitude » sera pour le théâtre et le cinéma français Elvire Popesco. Elvire Popesco…Roumaine d’origine. On peut d’ailleurs s’étonner du peu de cas que fit le cinéma français de Tania Fédor en regard de sa notoriété, son talent et sa grande beauté. Après quelques premiers rôles dont aucun ne chamboulera l’histoire du septième art, on la retrouvera en dame d’atours de Martine Carol dans « Lucrèce Borgia »!

En 1955, elle prend une décision aussi subite et surprenante que celle prise en 1929 qui la conduisit à Hollywood, elle s’exile au Canada. Sa réputation semble y être exceptionnelle et telle Françoise Rosay qui enseigne à Hollywood, elle dispense ses cours d’art dramatique dans sa propre école. Devenue une des très grandes dames des scènes québécoises, Tania Fédor joue les plus grands rôles dans les plus grands théâtres, s’adonne à la télévision et tourne même quelques films avant de prendre sa retraite assez anticipée pour une actrice en 1971; elle n’a que 64 ans.

Elle s’éteint le premier Novembre 1985 dans sa maison de retraite Montréalaise, elle avait fêté ses 80 ans un mois plus tôt. Une grande dame s’en allait, mais pour nous cinéphiles elle était déjà partie si loin depuis si longtemps et on l’avait somme toute peu vue

Celine Colassin

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QUE VOIR?

1926: l’Inconnue des Six Jours: Avec Michel Simon

1930: Soyons Gais! Avec Lili Damita et Adolphe Menjou

1930: Si l’Empereur Savait ça: Avec Françoise Rosay et André Luguet

1930: Boudoir Diplomat: Avec Ivan Petrovich et Arlette Marchal

1933: La Mille et Deuxième Nuit: Avec Ivan Mosjoukine

1934: L’Enfant du Carnaval: Avec Ivan Mosjoukine

1935: L’Heureuse Aventure: Avec Alcover et Ginette Leclerc

1935: Jérôme Perreau héros des barricades: Avec Georges Milton et Valentine Tessier

1938: Bar du Sud: Avec Charles Vanel

1938: Carrefour: Avec Suzy Prim, Charles Vanel et Jules Berry

1942: Les Inconnus dans la Maison: Avec Juliette Faber et Raimu

1943: Vingt-Cinq ans de Bonheur: Avec Denise Grey et Jean Tissier

1953: Lucrèce Borgia: Avec Pedro Armendariz

1953: L’Aventurière du Tchad: Avec Madeleine Lebeau et Jean Danet

1954: Si Versailles m’était Conté

1954: Le collège en folie: Avec Nicole Courcel et Rudi Hirigoyen

1965: La Corde au Cou: Avec Guy Godin

 

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