Yvette Mimieux surgit sur les écrans avec une telle fraîcheur, une telle jeunesse, une telle beauté et un tel talent qu’il est sidérant qu’elle ne soit pas devenue une des plus grandes stars du monde en quelques instants. Yvette méritait mille fois une carrière de prestige ou au moins égales à celles de Sandra Dee ou Hayley Mills. Et malgré le battage médiatique fait autour de stars telles que Raquel Welch ou Ursula Andress, Yvette était peut-être bien la seule véritable révélation de sa génération. Mais peut-être que le cinéma n’est pas le seul responsable du rendez-vous raté entre Yvette et la gloire.
Yvette vient au monde à Los Angeles le 8 Janvier 1942. Son papa André Mimieux est français, ce qui explique son prénom. sa maman, Carmen Montemayor est mexicaine, ce qui explique son second prénom : Carmen.
La ravissante Yvette ne sera jamais suffisamment célèbre pour que les gazettes et les échotières en tout genre se penchent sur son enfance sa famille, sa vie son œuvre. Ou peut-être est-ce elle qui ne sera jamais suffisamment bavarde ou avide de confidences. On ne connaîtra que son étrange rancœur vis à vis d’Inger Stevens qu’elle déteste et qui le lui rend bien. Un soir où elles se croisent dans un night club hollywoodien elle se lancent des bordées d’injures qui sidérèrent toute l’assistance. Hormis cette étrange aversion, on sait que la demoiselle à la beauté diaphane rêvait de cinéma depuis toujours. Comme toutes les jeunes filles de Los Angeles. Elle avait même participé à un des innombrables concours de beauté dont la mode avait fini par faire partie des mœurs californiennes.
Yvette n’était pas de ces créatures pulpeuses dont la tendance fait rage en cette année 1957. Sa beauté fragile et son regard mélancolique auraient plutôt donné envie de la nourrir ou de l’adopter que d ‘épingler sa photo en bikini dans une caserne de pompiers. Mais enfin, le premier prix du concours c’était une apparition dans le prochain film d’Elvis Presley. Peut-on résister à pareille aubaine quand on a 15 ans en 1957? Il semblerait que les quatre finalistes du concours soient proposées au jugement avisé d’Elvis soi-même et que le king n’ait pas retenu Yvette, elle ne sera pas figurante dans « Jailhouse Rock ».
Ses débuts au cinéma prendront un détour assez inattendu. Elle qui est née à deux pas des studios débute dans « A Certain Smile » alors qu’elle était en voyage à…Paris. Là où les extérieurs du film se tournent. Rentrée en Amérique, Yvette fera ses débuts à la télévision et se trouve en fort bonne place pour anticiper un nouveau phénomène de société qui « couve » en cette fin des années 50. Depuis l’avènement de Frank Sinatra, Hollywood a découvert l’intérêt financier qu’il y a à plaire aux « Teenagers ». Avec Elvis on tourne des films destinés à leur plaire, surtout aux filles. Mais maintenant on mijote des films qui plairaient tout aussi bien aux garçons! Des films avec des acteurs teenagers eux aussi, avec plein de jolies filles, et de beaux garçons confrontées aux problèmes spécifiques de leur âge, à savoir la sexualité, la sexualité et la sexualité et bien entendu avec plein de chansons à la mode !
Nous sommes en 1960. Yvette a décroché un rôle de jeune fille du futur sa baladant en mini robe rose dans « La Machine à Explorer le temps » avec cet air ravissant mais désabusé « revenu de tout » qu’aime afficher sa génération. Elle est ensuite choisie pour un des principaux rôles de « Where the Boys Are ». Un film d’un nouveau genre qui va pulvériser tous les records. Le « Beach Party film ». Elle est le personnage dramatique de l’intrigue. La ravissante qui croit aux belles promesses des jolis garçons en vacances et accepte de « coucher ». Le tout pendant que Paula Prentiss se coltine un nigaud, que Connie Francis qui deviendra une star planétaire grâce au film ne trouve rien à se mettre sous le jupon et que Dolorès Hart ferre un beau milliardaire avec un yacht. On est quand même à Hollywood! Toute la distribution du film va atteindre des sommets de popularité, en commençant par Connie, bien sûr mais aussi Paula Prentiss, Dolorès Hart, George Hamilton et bien entendu Yvette Mimieux qui non seulement était ravissante en diable mais avait le seul rôle valable du film!
Sacrée vedette, Yvette Mimieux voit les rôles et les contrats pleuvoir sur son crâne délicat. En 1962 Hollywood enterre Marilyn mais l’Italie se réjouit. « Enfin Yvette Mimieux est arrivée en Italie où elle est venue rejoindre Rossano Brazzi et Olivia de Havilland pour son film « Light on the Piazza« .
Film où elle aura George Hamilton pour partenaire. Film où elle est époustouflante dans un rôle disons-le tout à fait indéfendable de pin-up attardée mentale à la suite d’un coup de sabot de cheval et que sa mère Olivia de Havilland essaie de caser avec George Hamilton qui ne s’est rendu compte de rien! (Georges Hamilton qui était déjà le jeune millionnaire en yacht dans « Where the boys are », souvenons-nous en.)
Alors pourquoi Yvette, après de tels débuts ne devint-elle pas la star numéro un du box office? Quelques mauvais films? Quelques échecs? Des actrices plus ambitieuses qu’elle comme Ann Margret, Jane Fonda ou Natalie Wood qui prennent beaucoup de place dans une industrie qui amorce une crise existentielle? L’actrice estampillée vedette dans un genre de film qui se démode déjà, il n’en faudrait pas plus pour freiner une carrière hollywoodienne. Mais Yvette Mimieux ajoutera encore l’exil européen à la débâcle américaine. Au cours de l’un de ses fréquents séjours parisiens, elle rencontre le réalisateur Serge Bourguignon. Serge Bourguignon est alors oscarisé pour son film « Les Dimanches de Ville d’Avray » et Yvette restera longtemps sa compagne.
On s’étonnait beaucoup de ne pas voir ces deux-là convoler. C’est que voyez-vous, Yvette était si discrète que personne ne la savait mariée à un certain Evan Engber tout aussi discret qu’elle et dont il fallait bien qu’elle divorce.
En 1969, Serge Bourguignon lui offrira un rôle digne de son talent dans « The Picasso Sommer » avec Albert Finney. Le couple s’était un peu brouillé en 1966, Serge préparait « A Cœur Joie » avec Brigitte Bardot, Yvette s’était un peu consolée avec John Derek fraîchement abandonné par Ursula Andress!
Mais ce film résonne comme le glas de leur histoire. Bientôt Yvette Mimieux deviendra la quatrième épouse du réalisateur mythique Stanley Donen. Le couple se marie en 1972. Ils divorceront en 1985 mais resteront les meilleurs amis du monde. L’année suivante, Yvette se remarie avec monsieur Howard F. Ruby.
L’actrice tournera jusqu’en 1992. De moins en moins présente au cinéma, elle est très active à la télévision. Mais après le tournage du téléfilm « Lady Boss » sur un scénario de Jackie Collins, elle renonce à sa carrière. Le temps passant avait fait de la frêle jeune fille de 1962 une femme belle et distinguée, abordant les types de rôles dont se délectaient Lee Remick ou Joanne Woodward et dont la beauté restera pour nous inaltérable.
Yvette Mimieux ne fut pas la plus grande star du monde, sa carrière n’est pas la plus éblouissante de toutes même si elle n’a pas à en rougir. Elle est une actrice chère à mon cœur car à mes yeux elle symbolise avec la française Jeanne Valérie toute la fraicheur dont le cinéma est capable. On a beau être cinéphile invétérée, on n’a pas envie des sortilèges sophistiqués de Joan Crawford tous les jours.
Alors « Where the Boys Are » et « Light on the Piazza » n’ont peut-être pas révolutionné la pensée universelle mais j’aime à les revoir et les revoir encore. Aujourd’hui le cinéma est triste, misérabiliste et nombriliste, il n’ a plus ni cœur ni poésie et répète les même poncifs de trentenaires en crise jusqu’à en être redondant et ennuyeux. Alors, chère Yvette, vous n’avez peut-être pas brillé longtemps, mais vous êtes quand même le dernier éclat du cinéma. Un éclat qui s’est éteint le 18 janvier 2022. Yvette avait fêté ses 80 ansdeux semaines plus tôt. Elle était toujours jolie, toujours charmante et s’est éteinte paisiblement dans sa jolie villa de Los Angeles, comme meurent les roses. Parce que sa vie était finie. Tout simplement.
Celine Colassin.
QUE VOIR?
1958: A Certain Smile: Avec Christine Carère, Joan Fontaine et Rossano Brazzi
1960: Platinum High School: Avec Terry Moore et Mickey Rooney
1960: The Time Machine: Avec Rod Taylor
1960: Where the Boys Are: Avec Dolorès Hart, Paula Prentiss et Connie Francis
1962: Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse: Avec Ingrid Thulin, Glenn Ford, Charles Boyer
1962: The Wonderful World of the Brothers Grimm: Avec Laurence Harvey et Claire Bloom
1962: Light in the Piazza: Avec George Hamilton et Olivia de Havilland
1963: Diamond Head (Le Seigneur d’Hawaï): Avec Charlton Heston et Georges Chakiris
1965: La Récompense: Avec Max von Sydow et Efrem Zimbalist
1967: Monkeys Go Home: Avec Maurice Chevalier et Dean Jones
1967: Gros coup à Pampelune: Avec Stephen Boyd et Giovanna Ralli
1968: The Mercenaries (Le Dernier Train du Katanga) Avec Rod Taylor, Jim Brown et Olivier Despax
1969: The Picasso Summer: Avec Albert Finney
1972: Skyjacked: Avec Charlton Heston et James Brolin
1975: Journey Into Fear: Avec Sam Waterston et Zero Mostel
1976: Jackson Country Jail (La Prison du Viol) Avec Tommy Lee Jones
1979: The Black Hole: Avec Anthony Perkins, Maximilian Shell et Ernest Borgnine
1981: Circle of Power: Avec Christopher Allport (la dernière apparition au cinéma d’Yvette Mimieux)