Voilà fort longtemps que je n’avais plus exhumé des coins les plus obscurs et les plus reculés de la mémoire du cinéma quelque starlette à la beauté aussi fracassante que l’oubli n’en est profond. C’est le cas de la très belle Yvonne Buckingham dont rien ou presque ne subsiste du passage au cinéma hormis quelques photos de « pin-up girl ». Elle aurait d’ailleurs pu sombrer complètement dans l’oubli absolu si un scandale n’avait pas ébouriffé le monde en 1963, un scandale qui ne la concernait d’ailleurs pas le moins du monde!
Le scandale c’est « L’Affaire Profumo » ou si l’on préfère « L’affaire Christine Keeler » ce qui revient au même.
Aujourd’hui, « L’affaire » quel que soit le nom qu’on lui donne est bien oubliée. Mais en 1963 on crut bien que ce serait au moins la fin du monde ou tout du moins la fin du gouvernement alors en place de sa majesté la reine Elizabeth. Quelques semaines plus tard, on découvrait, navrés, qu’il n’y avait pas là de quoi laisser refroidir sa tasse de thé.
John Profumo, alors membre du gouvernement, il est secrétaire d’état à la guerre et accessoirement mari de l’actrice Valérie Hobson a une liaison suivie avec une prostituée: Christine Keeler. Or, ladite Christine a également une liaison avec un certain Ivanov, attaché de l’ambassade soviétique à Londres. Il n’en faut pas plus pour que l’on hurle dans les gazettes à la nouvelle Mata Hari de la guerre froide! D’autant que la fameuse Christine qui devient en quelques heures la femme la plus célèbre du monde affiche le look assez décalé pour une prostituée d’une ravissante jeune fille assez classieuse et plutôt chanellisée d’allure. Elle est à ranger dans les catégories physiques d’Audrey Hepburn, Claudine Auger ou Leslie Caron. Et c’est ce look relativement distingué qui va faire croire en une Christine Keeler espionne de haut vol. On n’imagine pas qu’elle n’est ni plus ni moins qu’une péripatéticienne à la cervelle plutôt en jachère.
La belle Christine va néanmoins se faire énormément « mousser » durant toute l’affaire. Elle Monnaie ses photos et ses interviews et espérant bien que ce tremplin inespéré va lui ouvrir les portes du cinéma. Après tout, elle est très belle et déjà célèbre! Elle en sera pour ses frais et si elle apparaît dans le film « The Christine Keeler Story » tourné alors que « l’affaire Profumo » est encore fumante, son propre rôle sera confié à Yvonne Buckingham!
Déception sans nom pour Christine Keeler, mais stupéfaction sidérale pour Yvonne! Car la belle Yvonne Buckingham, dotée d’un physique pour le moins étourdissant s’était lancée dans la carrière d’actrice dès 1957 et n’avait hélas rien trouvé à se mettre sous la beauté pourtant fracassante. C’est à peine figurante, perdue dans les « poules de saloon » qu’elle apparaît pour la première fois dans « Robbery Under Arms ». Pourquoi la caméra ne tomba-elle pas follement amoureuse de cette créature superbe qui au rayon des « canons » vaut bien Belinda Lee ou Tina Louise? C’est là un des insondables mystères de cet univers.
Yvonne tourne des films, son nom n’est pas crédité au générique, sur la fiche technique elle est « la fille ». Elle aurait pu croire son heure venue en 1959. Après avoir piétiné deux ans, elle apparaît pour la première fois à la télévision et tient le rôle de Sapphire dans le film…Sapphire mais hélas, le film débute par sa mort et il ne reste plus à Nigel Patrick qu’à mener l’enquête flanqué d’Yvonne Mitchell! Le peu d’intérêt qu’affiche le cinéma et le public pour Yvonne Buckingham est d’autant plus surprenant qu’elle apparaît dans des films qui sans être des superproductions hollywoodiennes ont quand même un certain prestige. « Sapphire » fut unanimement encensé pour sa prise de positions anti raciste encore risquée à l’époque et a reçu l’Oscar anglais du meilleur film. Quant à Yvonne, elle débarquait en droite ligne du plateau de « Room at the Top » qui vaudrait un Oscar hollywoodien à sa vedette Simone Signoret!
La même année elle avait également côtoyé Maureen O’hara et Alec Guinness sur « Our Man in Havana » dont les intérieurs se tournaient à Londres. Mais non seulement on ne la voyait qu’à peine dans le film, mais une starlette importée d’Hollywood, Jo Morrow monopolisait l’attention générale à cause d’une passionnante liaison à rebondissements ultra médiatisés avec Ivan Smith Townsend. En 1962, elle est enfin la vedette d’un film au côté de Michael Caine: Solo for Sparrow. Le film hélas ne rencontre aucun succès et il est l’un des plus méconnus de la carrière de Michael Caine!
Se partageant entre la télévision et le cinéma, Yvonne piétine depuis déjà cinq ans et commence sérieusement à envisager de laisser tomber l’idée d’être un jour une vedette de cinéma lorsqu’éclate « l’Affaire Christine Keeler-Profumo » qui affole le monde politique comme les médias. Sans doute à cause de la joliesse de la principale intéressée, le cinéma se rua sur l’aubaine. Presque immédiatement un film fut mis en chantier avec la jolie Christine dans son propre rôle. Il n’allait jamais sortir sur les écrans et resterait frappé d’interdit. Il se murmure que la reine elle-même avait fini par s’exaspérer de ce tollé qui faisait chanceler son gouvernement à cause d’une sordide histoire de galipettes monnayées. C’est sa majesté elle-même qui aurait frappé le film d’interdit à coup de sceptre.
Le cinéma danois profita alors de l’aubaine, à savoir le sujet brûlant et la publicité faite autour du film désormais interdit et proposa le rôle de la scandaleuse Christine à Yvonne Buckingham. Hélas, encore une fois, il n’y avait in fine rien de bien palpitant dans l’affaire Keeler. Le tollé se dégonfla comme une baudruche et le monde passa à autre chose. Christine Keeler va perdre sa beauté mais continuer à abreuver les médias de ses révélations sensationnelles dont tout le monde se fiche durant plus d’un demi siècle. Déjà en 1963, Le film sur « l’affaire » sort dans une indifférence lassée.
Yvonne tournera encore dans un épisode de série Tv pour lequel elle avait signé avant « l’affaire » puis s’exilera au Brésil!
Elle y tournera deux films, un en 1972, l’autre en 1988.
Ce seront les dernières nouvelles dont elle nous gratifiera.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1957: Robbery Under Arms: Avec Maureen Swanson et Peter Finch
1958: Passport to Shame: Avec Diana Dors, Odile Versois, Herbert Lom et Eddie Constantine
1959: The Capitain’s Table: Avec Peggy Cummins et John Gregson
1959: Sapphire: Avec Yvonne Mitchell
1959: Room at the Top: Avec Simone Signoret et Laurence Harvey
1959: Our Man in Havana: Avec Maureen O’hara et Alec Guinness
1960: The Tell Tale Heart: Avec Adrienne Corri et Laurence Payne
1962:A Kind of Loving: Avec June Ritchie et Alan Bates
1962: Solo for Sparrow: Avec Michael Caine
1963: The Keeler Affair: Avec John Drew Barrymore
1972: Missão: Matar: Avec Tarcicio Meira
1988: Fogo e Paixao: Avec Mira Haar